Après des débuts spectaculaires à Hollywood, marqués notamment par le triomphe critique et public de Little Women (George Cukor, 1933), Katharine Hepburn connaît une traversée du désert durant la seconde moitié des années 1930, qui aboutit à sa condamnation en tant que «poison du box-office» sur un placard retentissant de l’Independent Theatre Owners Association, publié en mai 1938 dans le Hollywood Reporter. Pendant cette période creuse, elle joue très souvent à l’écran des personnages recourant à l’imposture, chose qui ne se reproduira que rarement et de manière ponctuelle dans la suite de sa carrière. Comment expliquer la récurrence de ce thème dans les films tournés alors par la star? Quel rôle a-t-il joué dans l’évolution de sa persona au cours de cette seconde moitié de décennie?
Répondre à ces questions suppose de prendre en compte l’image de Hepburn à la ville durant les premières années de sa carrière, et donc d’examiner les textes médiatiques extra-filmiques qui contribuent à l’élaboration de sa persona au même titre que ses prestations à l’écran. Son comportement vis-à-vis de la presse est particulièrement déterminant dans la mesure où il entretient un mystère sur sa «véritable identité» et lui donne l’image d’une femme aimant se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. En effet, quand elle n’ignore pas les journalistes, elle se dérobe à leurs questions ou leur répond n’importe quoi. Elle s’invente également un double auquel elle attribue son histoire personnelle («Oh, vous devez me confondre avec l’autre Katharine Hepburn!»). Quelques mois après son arrivée à Hollywood, on peut ainsi lire dans le magazine Motion Picture:
Katharine Hepburn est la plus déconcertante, et pour beaucoup de journalistes, la plus irritante des jeunes femmes. Elle a cette «charmante» petite habitude qui consiste à inventer des énormes bobards à son sujet et à les répandre autour d’elle en les faisant passer pour vrais. Elle a déclaré à un journaliste qu’elle s’était mariée tellement de fois qu’elle «ne pouvait pas se rappeler» combien de maris elle avait eu exactement. À un autre, elle a «confié» qu’elle n’avait jamais été fiancée. À un moment, Greta Garbo est sa star favorite, et l’instant d’après, elle affirme n’avoir jamais eu d’autre idole que Helen Hayes. Un jeune journaliste embarrassé a osé demander à la Hepburn si elle était vraiment une femme très, très riche. «Je n’arrive vraiment pas à m’en souvenir», a-t-elle répondu, «Qu’en pensez-vous?»
Cette citation laisse entrevoir que l’agacement suscité par Hepburn ne tient pas uniquement au fait que son attitude contribue à la rendre insaisissable. Les mensonges de la star mentionnés par la presse concernent en effet le plus souvent les dimensions de genre et de classe de sa persona. En refusant de révéler si elle a ou non un mari et des enfants, elle rend difficile les tentatives de domestication de son image et tend ainsi à être définie principalement par sa carrière et ses ambitions professionnelles, ce qui l’écarte des normes de féminité dominantes. Le fait qu’elle laisse courir les rumeurs concernant sa fortune supposée renforce la distance qui la sépare du public ordinaire en pleine Dépression. Tandis que les couches les plus défavorisées luttent contre la misère, Movie Classic raconte que «Katharine appartient réellement aux grands de ce monde et possède assez d’argent pour s’acheter des Rolls Royce assorties à ses chapeaux – si elle en a envie». Très rapidement, son attitude envers les journalistes est reliée à ses origines aristocratiques en étant thématisée comme du snobisme, et ce refus de s’offrir au public états-unien est corrélativement condamné comme étant «anti-américain».
La propension de Hepburn à l’imposture cristallise ainsi plusieurs enjeux socio-culturels qui vont sous-tendre les évolutions de sa persona à partir du milieu des années 1930. La star doit en effet adapter son image à un contexte idéologique de reconstruction nationale qui passe notamment par la promotion d’un idéal d’appartenance à la classe moyenne et s’accompagne d’une réaffirmation de la domination masculine suite aux bouleversements générés par la Crise. Si elle parvient ponctuellement à infléchir sa persona dans le sens de ces idéaux dominants, la fragilisation progressive de sa popularité témoigne de sa difficulté à s’intégrer à ce nouveau paysage idéologique.
Durant cette période, le thème de l’imposture est ainsi régulièrement mobilisé pour tenter de neutraliser les dimensions problématiques de son image. Cet article se propose donc d’examiner les différentes manières par lesquelles ses films travaillent cette facette controversée de sa persona avec plus ou moins de succès. Après avoir analysé les modalités principales de cette opération, nous montrerons comment The Philadelphia Story (George Cukor, 1940), énorme succès public et critique qui relance sa carrière, s’est attaché à guérir Hepburn de sa propension à l’imposture.
Morning Glory et Alice Adams: l’imposture pathétique
Dès le troisième film d’Hepburn, Morning Glory (Lowell Sherman, 1933), le motif de l’imposture apparaît sous une forme embryonnaire. Sa fonction est déjà de retravailler la persona de la star dont le comportement à la ville suscite un agacement croissant. En effet, lorsque le film sort sur les écrans, Hepburn a déjà une réputation de «snob». Un article de Photoplay la présente par exemple comme une actrice regardant Hollywood de haut. Intimement liée à son appartenance de classe, cette dimension de sa persona creuse le fossé qui la sépare du public populaire. En lui donnant pour la première fois le rôle d’une Américaine ordinaire, alors qu’elle avait joué des jeunes femmes de l’aristocratie anglaise dans A Bill of Divorcement (George Cukor, 1932) et Christopher Strong (Dorothy Arzner, 1933), la RKO amorce avec Morning Glory une redéfinition de son image que parachèveront Little Women (George Cukor, 1933) et Spitfire (John Cromwell, 1934). Or la stratégie ne consiste pas ici à métamorphoser d’emblée Hepburn, mais à s’appuyer sur son image à la ville afin de la présenter comme factice.
Adapté d’une pièce de Zoë Akins, le film est centré sur le personnage d’Eva Lovelace (Hepburn), une jeune actrice de théâtre ambitieuse et naïve venue tenter sa chance à New-York et qui finit par rencontrer le succès auquel elle aspirait. Le rôle est taillé sur mesure pour Hepburn, non seulement parce que les débuts difficiles de l’héroïne font écho à ceux de l’actrice à Broadway quelques années plus tôt, mais aussi et surtout parce que le personnage évoque par de nombreux aspects l’image que Hepburn entretient à la ville par ses provocations. Eva cultive en effet un accent et des manières d’aristocrate («Ils me prennent pour une Anglaise chez moi, parce que pour eux, si vous parlez correctement, vous êtes soit anglaise soit affectée»). Elle est «snob», tant vis-à-vis des habitants de sa ville natale («Ils sont très bourgeois à Franklin et très provinciaux. L’âme n’a aucune liberté dans un endroit pareil») qu’en matière de goûts vestimentaires («Je n’aime pas les fourrures, à moins qu’elles soient en zibeline. Je n’aime pas le bas de gamme, en particulier lorsqu’il s’agit de fourrure») et a une haute idée d’elle-même («J’ai quelque chose de merveilleux en moi, vous verrez»).
Or si la caractérisation de l’héroïne renvoie à l’image d’Hepburn, une différence cruciale réside dans le fait qu’elle n’est pas une véritable aristocrate, comme le sera la Terry de Stage Door (Gregory La Cava, 1937) dont le scénario possède de nombreux points communs avec celui de Morning Glory. En donnant ainsi à Hepburn le rôle d’une femme qui cherche à intégrer la classe supérieure en imitant ceux qui en font partie, le film tient indirectement un discours sur son image de «snob» à la ville: celle-ci ne serait qu’un rôle joué par la star devant les journalistes et ne correspondrait donc pas à sa personnalité réelle. Dans le même esprit, des articles de magazine expliquent alors que la star excentrique et provocatrice n’est pas la véritable Hepburn, mais une performance de cette dernière. Une distinction est ainsi faite entre son identité fictive de star et son identité réelle de jeune fille ordinaire.
Le thème de l’imposture facilite donc la redéfinition de sa persona dans la mesure où il introduit une opposition entre sa personnalité «authentique» et son image médiatique «factice». Les discours tenus par le film et les articles de magazines confirment que ce sont avant tout les dimensions de classe et de genre de son image qui représentent alors un problème à résoudre. Outre son snobisme, l’irrévérence dont elle fait preuve vis-à-vis de l’institution conjugale est également neutralisée grâce à la distinction entre la «vraie» et la «fausse» Hepburn. Dans Morning Glory, son personnage commence ainsi par dédaigner le mariage («Vous croyez au mariage? […] Pas moi, pas pour les artistes») avant d’être rattrapée par ses sentiments, contre lesquels elle doit finalement lutter pour avoir une chance de rester une star. Or l’évolution du personnage au cours du film prend la forme d’une révélation – de son talent d’actrice, mais également de sa personnalité profonde. Son mépris du mariage est également évacué de sa persona dans un article de Modern Screen expliquant qu’Hepburn a menti aux journalistes à ce sujet uniquement pour protéger sa vie privée du monstre médiatique dont l’indiscrétion a détruit tant de couples hollywoodiens.
Malgré cette entreprise d’adoucissement de son image, le comportement de la star à la ville continue d’irriter. Son absence à la sixième cérémonie des Oscars, où elle est récompensée pour sa performance dans Morning Glory, renforce sa réputation de «snob»». Alors que Break of Hearts (Philip Moeller, 1935) se révèle un échec au box-office, un journaliste de Photoplay se demande si «Hepburn n’est pas en train de ruiner sa propre carrière» à coup d’«excentricités» et de «poses» qui n’amusent plus personne. Pour lui, la star doit prendre conscience que «le public ne demande pas grand-chose aujourd’hui, à part de la sincérité». Même si elle a cessé de mentir à la presse, son image reste donc placée sous le signe de l’inauthenticité et de l’artifice, alors que les nouveaux idéaux de féminité valorisent au contraire la sincérité, la simplicité et le naturel.
Afin d’exorciser cet aspect problématique de son image – et plus largement son identité de classe et de genre en contradiction croissante avec le contexte idéologique du milieu de la décennie –, la RKO lui donne un rôle proche de celui qu’elle avait tenu dans Morning Glory. Alors que le thème de l’imposture restait relativement peu développé dans le film de 1933, qui se concentrait sur la métamorphose de l’aspirante comédienne en grande actrice, il est au cœur d’Alice Adams (George Stevens, 1935), où elle incarne une nouvelle fois une Américaine ordinaire qui cherche à intégrer la haute société en imitant ceux qui en font partie. Il s’agit encore de renvoyer les aspects problématiques de sa persona du côté du faux. De la même manière qu’Alice, cette « fille qui n’a jamais été authentique, même vis-à-vis d’elle-même », s’est inventé une vie et s’est donné des airs d’aristocrate parce qu’elle voulait être aimée, Hepburn n’est peut-être elle aussi qu’une Américaine ordinaire qui s’est construit une image publique provocatrice uniquement pour se faire remarquer. Les traces de réception du film confirment la réussite de l’opération et permettent de préciser la fonction que joue ici le thème de l’imposture.
Comme celui de Morning Glory, le ton d’Alice Adams est un mélange d’humour et de pathos, qui invite le public à adopter un regard distancié et/ou empathique vis-à-vis de l’héroïne. Les deux scènes les plus longues et les plus travaillées – celles du bal et du dîner – tournent autour de l’humiliation d’Alice qui ne parvient pas à faire illusion et dont l’imposture est immédiatement percée à jour. Si une partie du public hostile à la star a pris plaisir à ce spectacle, sa dimension pathétique a également ému et facilité une identification avec Hepburn. Quelques mois après la sortie du film, un journaliste de Screenland raconte comment la star a finalement réussi à se défaire de la réputation qui lui collait à la peau. Après avoir présenté cette image médiatique comme une création monstrueuse qui lui a échappé («[elle] avait, sans s’en rendre compte, créé un Frankenstein»), l’article explique que c’est grâce à ses performances poignantes qu’elle a réussi à renverser la vapeur, en se faisant aimer pour ce qu’elle est vraiment – une jeune femme «franche», «chaleureuse», «sincère», «humaine», etc. –, à l’écran comme à la ville. Sa performance dans Alice Adams a ainsi contribué à conférer de l’authenticité à son image. Une spectatrice du film déclare à la star, dans un courrier publié par Movie Classic: «[…] je vous adore pour votre talent, votre imagination, votre capacité d’empathie et votre personnalité. Je ne comprends pas pourquoi je n’avais jamais senti auparavant votre chaleur et votre profondeur, votre authenticité».
Qu’elles suscitent le rire ou l’empathie, les impostures de Hepburn dans Morning Glory et Alice Adams sont réduites au statut de simulacre clairement distinct de la personnalité authentique de l’héroïne. Dénuées de toute valeur positive, elles sont immédiatement démasquées et ne permettent donc pas à Hepburn d’acquérir un pouvoir grâce à la maîtrise de son image, comme c’est le cas à la ville et dans d’autres films de la période que nous allons examiner maintenant.
The Little Minister et Quality Street: le pouvoir de l’imposture
Tous deux adaptés d’une pièce de James M. Barrie du même nom, The Little Minister (Richard Wallace, 1934) et Quality Street (George Stevens, 1937) mobilisent un dispositif à double détente qui laisse d’abord Hepburn obtenir l’ascendant sur d’autres personnages à la faveur d’une imposture, pour lui retirer ensuite ce pouvoir. Le premier film se déroule sur fond de révolte populaire dans l’Écosse des années 1840. La star y tient le rôle de Babbie, la pupille d’un riche propriétaire foncier, qui se déguise en bohémienne pour participer aux luttes ouvrières. D’emblée, le film associe l’imposture de l’héroïne à son insoumission au pouvoir patriarcal, incarné par son tuteur, Lord Rintoul, auquel elle dissimule ses escapades à l’extérieur du château, loin de la sphère domestique, et par le nouveau pasteur du village, Gavin Dishart, qu’elle domine dans le rapport de séduction et dont elle parvient à faire ce qu’elle veut. Ainsi, c’est en tant que bohémienne qu’elle prend la tête d’une révolte de villageois et parvient ainsi à ébranler l’alliance masculine constituée de Dishart, Lord Rintoul et des capitalistes de Glasgow qui veulent imposer leur loi par la force aux tisserands de Thrumbs. Babbie ne se contente donc pas d’échapper au contrôle des hommes mais représente de surcroît une réelle menace pour l’ordre patriarcal et capitaliste en minant l’autorité de ses représentants.
Après avoir été très complaisant vis-à-vis du comportement de l’héroïne, le film la montre se soumettre spontanément au pasteur, dont elle est tombée amoureuse, et brûler ses habits de bohémienne. Outre qu’il met fin à ses impostures, ce geste symbolise son allégeance au patriarcat, puisque le costume était à la fois celui de la révolutionnaire qui se rebellait contre les hommes de pouvoir, et de la «tentatrice» qui a séduit activement le pasteur, mettant en péril sa réputation et sa place. Cette domestication/neutralisation de Hepburn à l’écran témoigne de la menace que représente son écart aux normes de féminité en cette période de réaffirmation de l’ordre de genre suite aux perturbations générées par la Dépression. Non contente d’incarner des héroïnes difficilement assimilables par le patriarcat – voir notamment Christopher Strong et Spitfire –, elle affiche à la ville une indépendance de plus en plus problématique. Après avoir raconté pendant des mois à la presse qu’elle était célibataire, Hepburn divorce de Ludlow Smith en mai 1934 et proclame n’avoir aucune intention de se remarier.
Insaisissable en tant que femme insoumise, Babbie l’est aussi du point de vue de son appartenance de classe, comme en témoigne la scène où Dishart s’avoue déconcerté par sa métamorphose en femme distinguée. Cette duplicité sociale est ce qui fait sa force, puisque c’est grâce à elle qu’elle s’impose comme une figure de proue de la révolte populaire et qu’elle berne Lord Rintoul, dont elle trahit les intérêts de classe sans qu’il ne la soupçonne. Après avoir valorisé la capacité de l’héroïne à circuler entre les classes, le film l’oblige finalement à choisir son camp. Elle abandonne ainsi son château pour aller vivre parmi les gens ordinaires. Comme beaucoup d’héroïnes de comédie de la période, Babbie délaisse ainsi son riche prétendant pour se tourner vers un «homme du peuple».
Le film va même plus loin en révélant que l’héroïne n’appartient pas réellement à la classe supérieure, puisqu’elle est en vérité une fille de bohémienne qui a été recueillie et élevée par Lord Rintoul. La veille du mariage prévu avec son tuteur, elle se regarde dans le miroir – acte qui symbolise ses doutes au sujet de son identité de classe –, puis s’avance vers la fenêtre de sa tour d’ivoire pour contempler avec amertume le village en contrebas. Cette image fait directement écho au portrait de la star en «snob» toisant Hollywood du haut de son Olympe aristocratique. Sauf que Hepburn ne rit plus ici mais souffre au contraire d’être prisonnière de sa classe. Ainsi, le film la fait non seulement «redescendre sur terre», mais il la construit de surcroît comme une victime de sa condition sociale privilégiée, discours que l’on retrouve notamment dans un article publié par Motion Picture quelques mois après la sortie du film et dans Mary of Scotland (John Ford, 1936).
La trajectoire de Babbie répond ainsi aux articles publiés dans les mois précédant la sortie du film, qui insistaient sur le fossé de classe entre Hepburn et les habitants de sa ville natale, Hartford. On y apprenait par exemple qu’un grand nombre d’entre eux étaient tellement agacés par «l’attitude de la star vis-à-vis des fans et de la publicité» qu’ils lui auraient bien volontiers administré «une bonne fessée», ou encore que la raison pour laquelle les «petites gens» de Hartford étaient la plupart du temps indifférents au succès de «leur star», tiendrait avant tout à une différence de condition entre les «citadins ordinaires» et la jeune privilégiée qui «est née dans un milieu aristocratique et y a passé toute sa vie». L’insistance est mise sur la dimension géographique de cette distance sociale. De la même manière, The Little Minister place Babbie dans un château sur les hauteurs, isolé du village. En montrant l’aristocrate descendre de sa colline pour aller vivre parmi le peuple, le film tente ainsi de rapprocher la «snob» qu’est Hepburn du public populaire.
Si Babbie quitte définitivement le monde dans lequel elle a été élevée, elle ne redevient pas une bohémienne pour autant, comme le souligne la scène où elle brûle ses habits de gitane. Cet acte ne symbolise donc pas seulement sa soumission au pouvoir masculin, mais également son intégration définitive à la communauté nationale. De la même manière que Babbie doit se débarrasser de son identité d’étrangère rebelle, Hepburn doit elle aussi en finir avec son comportement «anti-américain» vis-à-vis de la presse, qui la rapproche de stars étrangères comme Garbo et Dietrich. La condamnation des impostures de l’héroïne s’inscrit ainsi dans le processus de reconstruction nationale qui s’opère alors. Après s’être appuyé sur l’image de Hepburn en montrant Babbie exceller dans l’art de la comédie et du déguisement, le film finit donc par neutraliser ses dimensions problématiques.
On retrouve le même dispositif dans Quality Street qui enferme Hepburn dans la sphère romantique à la suite de Break of Hearts et Alice Adams. Situé dans l’Angleterre du début du XIXe siècle, le film raconte l’histoire de Phoebe Throssel (Hepburn), une jeune femme vivant avec sa sœur ainée. Amoureuse du fringant Dr. Brown (Franchot Tone), elle s’attend à ce qu’il lui demande sa main. Mais, à sa grande déception, il lui annonce fièrement qu’il s’est engagé dans l’armée. Lorsque le Dr. Brown revient dix ans plus tard, il a des paroles malheureuses sur l’air «fatigué» de l’héroïne qui est consciente d’avoir «perdu tout son charme». Elle décide alors de se faire passer pour sa propre nièce, Livvy, une jeune femme séduisante et séductrice, afin de se venger du Dr. Brown. Mais lorsqu’elle est sur le point d’éconduire ce dernier en le renvoyant à son âge avancé, il lui révèle qu’il a toujours été amoureux de Phoebe. Après avoir découvert l’imposture, le Dr. Brown y met fin et propose à sa bien-aimée de l’épouser, ce qu’elle accepte en parvenant difficilement à retenir son émotion.
Comme dans The Little Minister, l’imposture est ici un moyen pour l’héroïne d’acquérir du pouvoir. Lorsqu’elle se fait passer pour Livvy, Phoebe gagne en assurance et domine les hommes dans le rapport de séduction. Or le film condamne ce comportement par l’intermédiaire du Dr. Brown («Nul doute que ces flirts vous amusent, mais ne vous est-il jamais venu à l’esprit qu’ils puissent faire souffrir les autres?»). L’enjeu est donc encore une fois de retirer à Hepburn le pouvoir que lui confère l’imposture. Cette dépossession apparaît notamment ici dans le fait que l’héroïne initie involontairement la mascarade dont elle finit de surcroît par perdre le contrôle, avant d’être sauvée par le docteur qui éjecte symboliquement Livvy hors de la maison et permet ainsi à Phoebe de redevenir la femme passive et soumise aux hommes qu’elle était au début.
Cependant, à la différence de Morning Glory et Alice Adams, The Little Minister et Quality Street ne renvoient pas complètement l’imposture de l’héroïne du côté du faux. Babbie se révèle en effet une femme véritablement proche du peuple, tandis que le déguisement de Phoebe lui permet de retrouver le charme qu’elle avait perdu. Mais si l’imposture se voit conférer en partie un rôle positif dans ces deux films, c’est uniquement dans la mesure où elle conforme Hepburn aux nouveaux idéaux de classe et de genre. En effet, ses origines aristocratiques posent un problème croissant en cette période où la nation se reconstruit autour d’un modèle d’appartenance à la classe moyenne, et son refus d’être érotisée par le biais des costumes qu’elle porte à l’écran entre également en contradiction avec l’évolution des représentations des actrices au cours de la seconde moitié de la décennie.
Sorti en 1935, Sylvia Scarlett (George Cukor) s’écarte significativement de ce schéma. Non seulement l’imposture de la star n’y est pas clairement condamnée, mais elle tend à acquérir ici une valeur pleinement positive en tant qu’instrument d’émancipation.
Sylvia Scarlett: l’imposture émancipatrice
Hepburn incarne ici une jeune femme qui se déguise en garçon afin de fuir la France avec son père recherché par la police. Au cours de ses pérégrinations, elle rencontre un artiste, Michael Fane (Brian Aherne), qui se déclare troublé par sa présence et dont elle tombe amoureuse. Si le fait que Michael soit d’abord séduit par Sylvester – c’est-à-dire par l’héroïne travestie – contribue à l’atmosphère queer du film, la crédibilité et l’attractivité de Hepburn en homme s’en trouvent également renforcées. Le Time commente ainsi: «Sylvia Scarlett révèle, chose intéressante, que Katharine Hepburn est mieux en garçon qu’en femme». Alors que le film était encore en production, les fan magazines annonçaient déjà la réussite de la transformation effectuée par la star pour le rôle. Silver Screen raconte l’affolement d’un figurant quand celui-ci tombe nez à nez avec «un jeune inconnu» en train de fouiller la loge et d’ouvrir le sac de la star… l’inconnu en question s’avérant bien sûr être Hepburn elle-même. Profitant pleinement des avantages que lui offre cette nouvelle identité, l’actrice se plait à déambuler autour d’Hollywood sans être reconnue de ses fans et joue au golf tous les soirs à Santa Monica dans un parfait anonymat.
Le jeu de l’actrice contribue fortement à la faire passer comme plus «naturellement» masculine. En effet, elle ne force pas du tout le trait lorsqu’elle est travestie en jeune homme – comme elle le faisait par exemple dans la pièce de théâtre de Little Women – et, à l’inverse, sur-joue la féminité dans la scène centrale où elle tente de (re)devenir une femme pour séduire Michael – battements de cils, air effarouché et ingénu, sourire niais, etc. Alors que l’on ne voit jamais Sylvia apprendre à se comporter comme un garçon, son accès à la féminité est conditionné par une éducation («Tu dois apprendre les ficelles du métier», lui explique Michael). Son «naturel masculin» revient d’ailleurs au galop dès qu’elle se relâche un peu, comme lorsqu’elle s’assoit en écartant les jambes. Sylvia semble ainsi plus authentique quand elle se travestit que lorsqu’elle se conforme au genre qui lui a été assigné à la naissance («J’aurais dû rester un garçon, je ne suis faite que pour ça»). Paradoxalement, c’est lorsqu’elle recourt à l’imposture que l’héroïne est la plus «vraie», tandis que ses tentatives d’en sortir sont placées sous le signe de l’artificialité.
Alors que le travestissement visait au départ à duper la police, il perd progressivement son lien avec cette imposture originelle pour acquérir une valeur en lui-même, en tant que moyen d’expérimenter les possibles en termes de genre. Au lieu de montrer l’héroïne choisir l’une des deux identités de genre définies par le patriarcat, le film la laisse finalement se construire hors de cette binarité exclusive. En effet, comme l’ont montré notamment Stephen Groark et Andrew Britton, Sylvia délaisse aussi bien la féminité dominée qu’elle incarne dans le prologue et dans la scène où elle tente de séduire Michael, que la masculinité dominante à laquelle elle aspirait suite à sa rencontre avec Monkley (Cary Grant), un escroc qui devient rapidement son complice et son compagnon de route. Jamais le film ne considère la féminité conventionnelle comme une option sérieuse pour l’héroïne, non seulement parce que Hepburn la caricature à chaque fois qu’elle l’incarne, mais aussi parce qu’elle devient un repoussoir à travers la figure de Maudie (Dennie Moore), introduite comme une femme naïve et pleurnicheuse qui se laisse abuser par les hommes et en souffre. La masculinité personnifiée par Monkley n’est pas non plus présentée comme satisfaisante pour l’héroïne. Si elle adhère au départ à la philosophie de l’escroc selon laquelle l’humanité se divise, comme le règne animal, en dominants et dominés, Sylvia s’en distancie rapidement, en particulier à cause de la misogynie qu’elle renferme.
Après avoir expérimenté chacun des rôles de genre traditionnels, l’héroïne choisit finalement une troisième voie qui échappe à cette alternative aliénante. Le film présente cette évolution comme une renaissance au moyen de deux événements hautement symboliques : la mort de son père et la résurrection de l’héroïne par l’eau. À partir de là, les costumes qu’elle porte – qui symbolisent les rôles sociaux masculin et féminin – ne semblent plus affecter son identité. Après un moment de transition en vêtements de deuil, elle remet successivement la robe dans laquelle elle avait été éduquée à la féminité quelques scènes plus tôt, puis les vêtements masculins de son travestissement en Sylvester, sans que ces transformations soient accompagnées d’un quelconque changement dans son comportement. Dans la mesure où l’héroïne y subit les mêmes métamorphoses que depuis le début du film mais dans l’ordre inverse, on peut lire ces scènes comme un retour à une identité de genre située en deçà de la dichotomie masculin/féminin imposée par le patriarcat. Sylvia finit d’ailleurs dans une tenue neutre d’un point de vue genré: un grand manteau noir qui recouvre tout son corps.
Contrairement aux films examinés plus haut, Sylvia Scarlett confère donc une valeur pleinement positive à l’imposture de l’héroïne, puisqu’elle lui permet de s’émanciper de sa condition de femme puis de la binarité de genre. La véritable identité de Hepburn ne s’impose pas ici contre l’imposture, mais plutôt à travers elle. Le caractère subversif de ce discours transparait dans l’examen de la réception du film. Dans la lignée de certains matériaux promotionnels, la critique de Movie Classic décrit ainsi l’héroïne comme «une fille née pour être une actrice, qui se déguise en garçon pour aider son escroc de père, devient membre d’une troupe d’acteurs ambulants, et finit par révéler sa féminité». Le travestissement est ramené ici à une pure performance d’«actrice» et donc déconnecté de la quête identitaire de l’héroïne. Alors qu’il est dans le film un moyen pour elle d’explorer les possibles en termes de genre, ce résumé le réduit à un «déguisement» qu’elle finit par abandonner pour «révéler sa féminité», conçue ainsi comme sa «véritable nature». Cette lecture déformante du film, que l’on retrouve sous la plume d’autres critiques, témoigne de la radicalité du discours tenu par le film sur le genre, qui a dû rester illisible pour une bonne partie du public de l’époque.
Le décalage de Sylvia Scarlett avec le contexte de réaffirmation de l’ordre de genre qui caractérise le milieu de la décennie a contribué à son échec critique et public. En valorisant l’imposture d’Hepburn comme un instrument d’émancipation, le film prend le contrepied de Morning Glory et Alice Adams, mais également de The Little Minister, qui contrebalançait le pouvoir que l’héroïne retirait de ses mascarades par un retour à l’ordre final. L’échec du film de Cukor s’explique donc peut-être en partie par sa trop grande complaisance vis-à-vis de la propension de la star à l’imposture, tandis que la capacité des trois autres films à gérer cette dimension controversée de son image a sûrement joué en leur faveur. La réception de Bringing Up Baby (Howard Hawks, 1938) et de The Philadelphia Story (George Cukor, 1940) corrobore cette hypothèse. Le premier, qui permet à la star de donner libre cours à ses excentricités, reçoit un accueil critique mitigé et se révèle le film de Hepburn le plus désastreux économiquement pour la RKO avec Sylvia Scarlett. À l’inverse, le second triomphe en reprenant le dispositif à double détente de The Little Minister.
De Bringing Up Baby à The Philadelphia Story: mettre fin à l’imposture
Si l’héroïne incarnée par Hepburn dans Bringing Up Baby est dépeinte comme une héritière impulsive, gaffeuse et tête-en-l’air, elle est également caractérisée comme une femme mettant en place des stratagèmes pour obtenir ce qu’elle désire, ce qui l’apparente aux «female tricksters» analysées par Lori Landay, dont la Jean Harrington de The Lady Eve (Preston Sturges, 1941) est probablement l’incarnation la plus emblématique. Tout au long du film, Susan recourt ainsi au mensonge et à l’imposture avec une initiative et un savoir-faire croissants. Lorsqu’elle simule l’attaque du léopard au téléphone ou embrouille l’agent de police qui veut lui mettre un procès-verbal pour stationnement interdit, elle ne fait que réagir à un événement imprévu qui lui donne une idée (sa chute dans la première scène, et le fait que le léopard change de voiture dans la seconde). Au contraire, c’est elle qui a l’idée de subtiliser les vêtements de David (Cary Grant) pendant qu’il se douche puis de jouer l’innocente lorsqu’il les lui demande. Cet empowerment de l’héroïne atteint son apogée dans la scène de la prison où elle parvient à échapper aux forces de l’ordre en se faisant passer pour «Swingin’ Door Susie».
Le film ravive ainsi le penchant de Hepburn pour l’imposture sans jamais chercher à le réguler. Comme dans The Little Minister et Quality Street, les mensonges et mascarades de l’héroïne lui permettent d’avoir le dessus sur les hommes, mais ce pouvoir est ici valorisé jusqu’au bout. Non seulement les figures d’autorité masculine bernées par Susan sont ridiculisées, mais la domination qu’elle exerce sur David est finalement présentée comme épanouissante pour lui, puisqu’il avoue avoir passé la «plus belle journée de sa vie». Comme l’a bien souligné Andrew Britton, l’humour de Bringing Up Baby a ceci de paradoxal qu’il s’agit d’un «comique de la castration et de l’humiliation masculine» mais «sans que cela ne soit jamais vraiment ressenti comme tel», dans la mesure où «le processus d’humiliation acquiert une signification positive».
Un peu plus de deux mois après la sortie du film, le Hollywood Reporter publie l’encadré rédigé par l’Independant Theatre Owners Association, accusant Hepburn, avec d’autres actrices comme Greta Garbo, Mae West ou Marlene Dietrich, d’être un «poison du box-office». Le même jour, la star reçoit un télégramme de Pandro Berman regrettant la fin de leur collaboration à la RKO. Le studio vient en effet de la pousser à racheter son contrat en lui donnant un rôle dans un film de série B en préparation depuis plusieurs mois, Mother Carey’s Chicken. Mais Hepburn, alors que sa popularité est au plus bas, parvient à renverser la vapeur en triomphant à la scène puis à l’écran dans The Philadelphia Story, qui s’appuie plus que jamais sur son image à la ville pour la guérir violemment de ses tares. L’attitude de Hepburn vis-à-vis de la presse et son goût pour l’imposture y occupent une place centrale.
La star incarne Tracy Lord, une aristocrate de Philadelphie victime de l’intrusion de deux journalistes, Mike Connor (James Stewart) et Liz Imbrie (Ruth Hussey), qui se font passer pour des amis de son frère avec la complicité de Dexter (Cary Grant), son ex-mari, afin d’écrire un article sur son remariage avec un nouveau riche, George Kittredge (John Howard). Après avoir percé à jour leur manigance, l’héroïne décide de jouer un tour aux deux reporters. Avec la complicité de sa sœur et de sa mère, elle leur offre une caricature de famille aristocratique conforme aux préjugés qu’ils nourrissent à l’égard de la classe supérieure. Si cette scène tend à renvoyer la réputation d’aristocrate «snob» de Hepburn du côté de l’imposture – et prépare ainsi le terrain à la thèse selon laquelle son image médiatique dissimule une femme fragile et humaine –, elle encourage surtout le public à jouir avec elle de sa mascarade, ce qui revient à présenter comme jubilatoire l’attitude provocatrice qu’elle a adoptée vis-à-vis de la presse à ses débuts. Cette imposture confère à Tracy du pouvoir sur les journalistes, mais aussi au sein de sa famille, notamment parce qu’elle profite de la situation pour tourner en dérision l’autorité de son père, Seth Lord, qu’elle prive de son statut de patriarche en le faisant passer pour l’Oncle Willie. Si toutes ces scènes ressuscitent les dimensions controversées de la persona de Hepburn associées à son goût pour l’imposture, la suite du film va s’attacher à les neutraliser.
Significativement, c’est le père qui met fin à la mascarade initiée par l’héroïne en réaffirmant son statut de «chef de famille». Cette reprise en main patriarcale s’accompagne de deux scènes dans lesquelles Dexter puis Seth Lord condamnent violemment l’écart de l’héroïne à un idéal de féminité aimante, dévouée et sensuelle. Ébranlée par les plaidoyers de ces deux figures masculines, Tracy s’enivre au champagne et se laisse charmer par Mike qui la fait descendre de son piédestal et la guérit de sa «frigidité», révélant ainsi l’«être humain» et la «femme de premier ordre» qui sommeillaient en elle. Or cette scène d’amour constitue également l’apogée de la logique voyeuriste qui sous-tend le film.
Malgré son regard critique sur la presse à scandale, le film met en place un dispositif qui s’apparente aux articles que l’on peut trouver dans ce type de publication. De la même manière que les magazines annoncent régulièrement qu’ils vont révéler en exclusivité la véritable personnalité des stars – surtout lorsque celles-ci sont particulièrement secrètes et insaisissables –, The Philadelphia Story organise un dévoilement progressif de la personnalité profonde de Tracy et, à travers elle, de la star qui l’incarne. Après avoir établi que son image d’aristocrate «snob» n’est qu’une création artificielle dont elle se sert pour protéger sa vie privée contre l’intrusion des journalistes, le film révèle au public la véritable Hepburn qui se cache sous cette carapace. Ainsi, la scène du tête-à-tête avec Mike offre un accès à l’intimité émotionnelle de l’héroïne et nous donne le privilège d’assister à un moment particulièrement privé. La présence de Dinah qui épie la scène de la fenêtre de sa chambre, procure au spectateur le plaisir supplémentaire de savoir Hepburn objet d’un regard voyeuriste. Les dernières images du film parachèvent cette entreprise. Alors que Tracy et Dexter font face au prêtre, le rédacteur en chef de Spy Magazine apparaît derrière Oncle Willie pour voler des photos de la cérémonie. Le contrechamp où apparaissent les protagonistes, pris par surprise, se transforme alors en une photo de magazine, dont les pages tournent jusqu’à l’apparition du traditionnel «The End». Le cliché sur lequel elle découvre avec stupéfaction que le journaliste s’est introduit à son mariage et la photographie à son insu, entérine ainsi l’exposition forcée de Hepburn au regard de la presse et du public, auquel elle s’était dérobée dès son arrivée à Hollywood.
Premier film à aborder explicitement la question du rapport de Hepburn à la presse, The Philadelphia Story entreprend donc de la guérir à l’écran de sa propension à l’imposture avec une fermeté inégalée. Le triomphe public et critique du film semble ainsi confirmer que cette dimension de la persona de la star, avec toutes ses connotations problématiques en termes de genre, de classe et d’identité nationale, devait être condamnée sans ambiguïté. Reste cependant que le dispositif à double détente mobilisé par le film offre aussi la possibilité de prendre plaisir au tour que Tracy joue aux journalistes, et donc du pouvoir que tire Hepburn de sa maîtrise de la mascarade. Cette ambivalence, que le film partage avec la plupart des productions hollywoodiennes, permet ainsi à la star de séduire aussi bien le public enthousiasmé par ses excentricités, que celui qui lui est plus hostile. En cela, la manière dont The Philadelphia Story résout le problème posé par l’imposture d’Hepburn exemplifie le traitement dont sa persona va être souvent l’objet à l’écran, notamment face à Spencer Tracy, et qui va lui permettre de rencontrer un succès durable sur la base d’une image a priori peu consensuelle.