« Comme un chien dans un cimetière le 14 juillet » : Les topiques du poète maudit dans les textes d’Hubert-Félix Thiéfaine

François Prévost

01/03/2022

Plan de l'article :

  • Les biographèmes d’un poète maudit
  • Une sculpture de soi en saltimbanque raté et solitaire
  • Les soleils noirs de la mélancolie thiéfainienne
  • Une galerie de maudits
  • Pour conclure (même « si l’on n’en finit jamais »)


Si un consensus existe autour de la paternité verlainienne de l’expression « poètes maudits », il est plus ardu de définir strictement et définitivement ce que celle-ci recouvre, la formule devant une large part de sa fortune au fait « que ceux qui l’ont utilisée se sont généralement bien gardés de la définir[1] ». D’ailleurs Paul Verlaine confessait lui-même, dès l’avertissement de l’édition de 1884 de ses Poètes maudits, que l’expression était davantage dictée par les circonstances que par un souci d’exactitude, les appellations « poètes absolus » ou « les incompris » étant plus selon lui plus appropriées. Ce flou définitoire a permis à la catégorie « poètes maudits » d’évoluer au gré des époques, fonctionnant de façon rétroactive pour qualifier des auteurs bien au-delà des seuls six noms recensés à l’origine[2] et quittant même la stricte sphère de la littérature pour essaimer dans d’autres champs artistiques.

Et c’est dans cette catégorie labile que le discours médiatique et parfois universitaire classe l’auteur-compositeur-interprète contemporain Hubert-Félix Thiéfaine, non sans force paradoxes a priori puisque cette qualification est née dans les années 1980[3] alors que l’artiste remplissait déjà les salles les plus prestigieuses[4] et que l’expression continue de lui être accolée en épithète homérique tenace après plus de quarante ans de carrière[5] et près de « quatre millions[6] » de disques vendus.

Né à Dole en 1948, Thiéfaine appartient à la même génération que Jacques Higelin, Bernard Lavilliers, Alain Bashung ou Renaud[7]. Une génération dont les années d’adolescence ont été rythmées par les riffs des guitares anglo-saxonnes déferlant en France dans les années soixante[8] et qui, parallèlement, s’est inscrite dans une tradition française de la chanson dite « à texte », « populittéraire[9] » et assurément poétique[10], dont Trenet, Brassens, Brel ou encore Barbara seraient les figures de proue inspiratrices, à l’image de l’influence considérable qu’un Léo Ferré a pu avoir sur l’œuvre de Thiéfaine[11].

Néanmoins, à la différence de ses confrères, « le plus célèbre inconnu de la chanson française[12] » a bâti l’ensemble de sa carrière dans « l’indifférence des médias mainstream[13] ». Et pour une large part, il semble devoir son image d’artiste maudit précisément à cette absence de « visibilité médiatique[14] ». En un sens, à l’instar des poèmes que Verlaine souhaitait en 1884 « que le vrai public connût[15] », l’œuvre de Thiéfaine demeure « obscur[e] », « méconnu[e] », sinon totalement « inconnu[e][16] », du plus grand nombre. Il est à cet égard significatif que « La Fille du coupeur de joints », chanson « la plus emblématique de l’univers thiéfainien[17] » et devenue depuis 1978 un « hymne[18] » iconique bien au-delà du seul cercle de ses fidèles admirateurs, n’ait jamais bénéficié de véritable diffusion radiophonique ou télévisuelle.

Mais au-delà de la confidentialité médiatique, le rapprochement avec les poètes maudits tire sa légitimité d’une poétique qui entretient, par ses thèmes et ses références, une proximité avec celles de ses illustres devanciers. Car les chansons de Thiéfaine offrent incontestablement nombre de points de convergence avec les vers de ces auteurs « frappés par le malheur », qui ont confié leurs expériences pathétiques « de la pauvreté, de l’exil, de la folie, du mépris[19] » et qui ont fait état d’une mélancolie constitutive de leur statut de créateur.

Si, dans le cadre plus approfondi d’un doctorat[20], il s’agira d’étudier la façon dont les médias ont construit et entretenu cette catégorisation du chanteur, et d’analyser la manière dont le canteur[21] s’est façonné lui-même cet ethos de poète maudit à travers le matériau paratextuel[22] de ses chansons, il conviendra plus modestement ici de se focaliser sur le corpus textuel thiéfainien pour y distinguer quelques-uns des traits saillants d’une écriture renvoyant à ce que Pascal Brissette nomme les « topiques du mythe[23] » de la malédiction poétique. Seront ainsi évoqués successivement les « biographèmes[24] » d’un poète maudit, la sculpture de soi en saltimbanque raté et solitaire, la construction des « soleils noirs » de la mélancolie thiéfainienne et, pour finir, la galerie de maudits exposée par l’intertextualité d’une œuvre riche de quelque deux cents chansons.  

Les biographèmes d’un poète maudit

Verlaine liait infailliblement poétique et biographique dans son ouvrage fondateur, et les spécialistes de la notion de « poète maudit » comme Festa-McCormick[25], Brissette[26] ou Steinmetz[27] notent tous l’importance du lien intrinsèque, dans la constitution de cette figure mythique, entre la vie malheureuse de l’auteur damné et le reflet de celle-ci dans son œuvre. Or, parce que dans cet « art », particulier, « de fixer le temps[28] » qu’est la chanson, le « je » du canteur est par essence incarné car mis en voix et en scène, ce « je » invite à une assimilation spontanée au « je » de l’auteur, bien plus que le « je » romanesque ou le « je » poétique. Et parce qu’aussi, dans le corpus étudié, le « je » prédomine très largement, jusque sous le masque de la deuxième personne puisque le « vous [y] est un autre je[29] », on observe dans les textes de Thiéfaine la présence d’éléments à considérer pour une large part comme des biographèmes de poète maudit, « tableau de[s] misères[30] » du chanteur à ses débuts, réminiscences de son enfance malheureuse ou bien annonce de sa mort prématurée.

C’est ainsi que « La dèche, le twist et le reste » s’articule autour de l’isotopie du dénuement pour évoquer le quotidien d’un couple « bouff[ant une fois tous les trois jours », lui « bricole et […] fabrique des chansons qui sont invendables », elle, « à bout de fric », « fou[t] le camp chez les émigrés » pour des « passes non déclarées[31] ». Dans « Alligator 427 », le locuteur « crache [s]on cancer »[32], puis traîne en phtisique « [s]es poumons dans la sciure[33] » dans « Soleil cherche futur », et « rien que le fait de respirer [lui] file des crampes dans le sternum[34] » dans « Taxiphonant d’un pack de Kro ». « Syndrome albatros » mentionne « les cauchemars souterrains de l’enfance[35] », « Résilience zéro » atteste qu’on « n’oublie jamais / nos secrets d’enfant / […] nos violents tourments / l’instituteur qui nous coursait / sa blouse tachée de sang[36] ». À chaque fois, résonnent autant d’échos biographiques à la vie du chanteur, dramatiquement désargenté au mitan des années 1970[37] jusqu’à y risquer sa santé[38], et qui garde intact, plus de cinquante ans après, les souvenirs traumatiques de ses années à la section primaire du collège de l’Arc à Dole, lorsque « les rugissements de l’univers / dans les cours de récréation / écorchaient les pieds de [s]es vers / boiteux sous les humiliations[39] ».

Un autre trait biographique caractéristique du poète maudit serait de connaître, selon les termes mêmes de Verlaine, une « fin » « prématurée à outrance[40] », à l’instar d’un Corbière, d’un Lautréamont ou d’un Laforgue. Certes les chansons de Thiéfaine évoquent à plusieurs occasions un suicide manqué ou à venir, énoncé à la première personne[41], mais pour un chanteur aujourd’hui dans sa soixante-quatorzième année, le rapprochement semble, sur ce point du moins, difficile à établir ! Et pourtant le hasard, ou plutôt une rumeur médiatique bruissant en 1983[42] selon laquelle l’artiste aurait été retrouvé mort par overdose dans les toilettes de l’Olympia, a fait que Thiéfaine a partagé, du moins virtuellement, ce point commun avec ses infortunés devanciers. Le corpus étudié en porte les traces, en forme de démenti cynique quelques mois après que s’est répandue la fausse information. Dans un album malicieusement nommé Alambic/Sortie-Sud, le canteur vaticine avec assurance et précision le jour de son décès : « ce sera sans doute le jour de l’immatriculée contraception ou une connerie comme ça… cette année-là exceptionnellement, le 15 août tombera un vendredi 13 & j’apprendrai par radio mongole internationale la nouvelle de cette catastrophe aérienne dans le secteur septentrional de mes hémisphères cérébelleux…[43] ».

Une sculpture de soi en saltimbanque raté et solitaire

D’autre part, à la manière de l’autoportrait dépréciatif que l’on rencontre dans les Amours jaunes de Corbière, l’œuvre de Thiéfaine prend « le parti-pris du dénigrement[44] » du canteur par lui-même pour proposer une sculpture de soi en saltimbanque « raté[45] », « à peu-près un artiste /, un poète à peu près[46] ». « Fait d’une matière débile indélébile[47] », il rappelle qu’il est « toujours mal foutu[48] », qu’il « y’a guère que dans la naphtaline / qu[‘il] trouve un peu de vitamines[49] », et fait mine de déplorer : « aujourd’hui j’ai l’air tellement con / qu’on veut pas de moi même dans l’armée[50] ». Rappelant qu’il n’est « qu’un pauvre musicien[51] » qui « joue de la chasse d’eau dans un orchestre de free jazz[52] » et ayant « appris à jouer la guitare / avec la méthode Ogino[53] », il se présente en « cloclo mécanique[54] », en « vieux désespoir de la chanson française[55] », et rit « à [s]’en faire crever[56] » de son si « sot métier[57] ».

« Dédaigneux[58] » de la production musicale de son temps puisque « [s]a langue natale est morte dans ses charentaises / faute d’avoir su swinguer au rythme de son blues[59] », il l’est plus largement encore à l’égard de ses contemporains, préférant demeurer « en marge de l’humaine piste[60] » et célébrer à maintes reprises « les fastes de la solitude[61] ». Et lorsque sur la scène du Zénith de Paris en 1994 le chanteur interprète « La Solitude » de Léo Ferré ou quand, de 2003 à 2005, il entame une tournée précisément baptisée « en solitaire », il ne fait que confirmer un « désir fou d’être enfin solitaire[62] », traité par exemple sur le mode burlesque en 1979 lorsque le canteur s’exclamait : « j’en ai ma claque de faire la queue (bis) / alors je me mets à rêver / que j’suis un slip de carmélite / que personne ne peut me toucher / sans se noyer dans l’eau bénite[63] ». Le répertoire thiéfainien recueille ainsi les confessions de celui qui avoue « aime[r] rôder vers les fleurs perdues / dans les jardins sauvages[64] » et se convainc que « la solitude n’est plus une maladie honteuse[65] ». Paré du masque de Diogène[66] il met en garde : « casse-toi de mon ombre / tu fous du soleil sur mes pompes[67] », et lorsque le « vagabond solitaire[68] » devient quadragénaire c’est l’occasion de se peindre alors en « animal en quarantaine[69] ».

Cette « nature solitaire[70] » se double même d’une certaine misanthropie, plusieurs fois réitérée. En 1998, cela prend les allures d’un exercice de style pour rappeler, sur le ton d’un confiteor sarcastique, combien le canteur se « sen[t] coupable d’avoir méprisé tous ces petits barbares débiles, insensibles, insipides & minables qui couraient en culotte courte derrière un ballon dans les cours de récréation » et combien il se sent encore « coupable d’avoir continué à les mépriser beaucoup plus tard encore alors qu’ils étaient déjà devenus des banquiers, des juges, des dealers, des épiciers, des fonctionnaires, des proxénètes, des évêques ou des chimpanzés névropathes[71] ». La conclusion est sans appel quand elle est formulée dans « Critique du chapitre 3 » : « l’humain peut disparaître / & son monde avec lui / qu’est-ce que la planète terre / dans l’œil d’un rat maudit ?[72] ».

Contempteur cynique et solitaire de ses contemporains qui, « quand [il a] besoin d’amour ou de fraternité /, v[a] voir Caïn cherchant Abel pour le plomber[73] », le canteur thiéfainien semble faire sien l’appel du large mallarméen de « Brise marine ». « Fuir ! là-bas fuir ![74] » : les chansons de Thiéfaine sont à dessein « balis[é]es[75] » de termes renvoyant à la route, à la fuite, l’exil, le poète se faisant chanteur aux semelles de vent. L’élévation baudelairienne « loin de ces miasmes morbides[76] » se dit chez Thiéfaine avant de « [s]enfoncer plus loin dans les égouts / pour voir si l’océan se trouve toujours au bout[77] ». La bohème thiéfainienne se réalise par le gonflement d’« infinitives voiles[78] », tandis qu’un refrain de 1986 affirme, en partie en latin et en souvenir de Cendrars, « Bourlinguer, errer / Errer humanum est[79] », puis en anglais en référence à Kerouak et deux ans avant Lavilliers : « oh yes, always, on the road again man[80] ».

Et quand le « je » thiéfainien intègre un « nous » collectif, cela ne signifie pas pour autant la fin d’une déréliction ni le terme d’une malédiction. Car lorsque le canteur rejoint une communauté, c’est une communauté de maudits, de réprouvés, à laquelle il se sent appartenir. Le « nous » d’« Exil sur planète-fantôme » renvoie ainsi à un arrière-monde de marginaux vivant « à rebours[81] », « danseurs d’un monde à l’agonie / en même temps que fantômes conscients d’être mort-nés[82] » ; le « nous » de « Femme de Loth » regroupe « les naufragés dans cet avion-taxi / […] « rêv[ant] d’ascenseurs / au bout d’un arc-en-ciel[83] ». Parce qu’invariablement les « frères humains[84] » de Thiéfaine sont ses « frangins damnés[85] », « perdus / sous le joug des terriens, / dans ces rades & ces rues / réservés aux pingouins[86] ».

Les soleils noirs de la mélancolie thiéfainienne

Par ailleurs, en poète conscient d’avoir « une malédiction sur sa vie[87] » et d’être « n[é] sous le signe de Saturne[88] » pour reprendre les mots de Vigny et de Verlaine, Thiéfaine exhibe la « pauvre âme damnée[89] » d’un canteur « bercé par les étoiles d’une essence romantique[90] ». Persuadé « que jour de [s]a naissance un éléphant est mort & [que] depuis ce jour-là [il] le porte à [s]on cou ![91] », il s’interroge par le biais d’une question oratoire antiphrastique : « n’est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?[92] ». En conséquence, le corpus thiéfainien est la mise en vers réitérée d’un « scandale mélancolique[93] », pour emprunter le titre de la chanson éponyme de l’album paru en 2005. Cela se traduit par une défiance à l’égard de « la tentation du bonheur », à laquelle est préféré « le bonheur de la tentation[94] », ou plus globalement par un pugnace « Éloge de la tristesse », puisque « la tristesse est la seule promesse / que la vie tient toujours[95] ». Cela s’exprime aussi par le rappel régulier d’un ennui qui semble parfois « prend[re] les proportions de l’immortalité[96] », éprouvé entre autres exemples par les différents protagonistes d’une chanson de 1980 qui, de « la veuve du fossoyeur » jusqu’aux « oreilles d’un sourd et muet », s’ennuient comme « des chiens dans un cimetière le 14 juillet[97] ». Ce sont aussi et bien sûr les multiples occurrences du terme « mélancolie » et de ses dérivations, dont portent par exemple la trace « Soleil cherche futur » ou « Confession d’un never been ». Et dans le contexte d’un répertoire influencé par John Lee Hooker et le Swinging London, les « diables bleus[98] » de la mélancolie se colorent en blues[99], synonyme électrifié du spleen baudelairien jusque dans le néologisme « bluesymental » créé en 1986[100].

Plus largement, le répertoire de Thiéfaine s’apparente à un « Chant d’automne[101] », où se déploie une poétique des « heures crépusculaires[102] » dont ne se départent jamais les textes en quarante ans d’écriture. Telle une dette à l’égard du romantisme frénétique et du roman gothique, prédomine un cadre spatio-temporel obstinément obscur, métaphore à peine voilée d’une noirceur intérieure, à l’image de l’évocation du Styx d’« En remontant le fleuve », ekphrasis macabre « où de furieux miroirs nous balancent en cadence / la somptueuse noirceur de nos âmes en souffrance[103] ». Les chansons de Thiéfaine ont pour cadre de prédilection les « nuits » et « crépuscules d’automne[104] », « sous la pluie des mortes saisons[105] », parce qu’elles fixent ainsi le paysage-état d’âme funeste d’un chanteur obnubilé par la mort et sa propre « fin programmée[106] », jusqu’à chanter ad libidum « vive la mort[107] » dans la coda d’« Alligator 427 » ou à envisager « une fin qui détonne / comme un jet de gaz ionisé / imprimée sur ma remington / calibre 12 & canon scié[108] », comme autant d’expressions de sa « libido moriendi[109] ».

Mais si les textes de Thiéfaine célèbrent « les brouillards du crépuscule[110] », si même les peintures pourtant fleuries et chatoyantes de Charles Belle[111] sont l’occasion d’évoquer une « errance au milieu de la nuit / dans un brouillard vertigineux[112] », c’est aussi parce que la nuit est le moment par essence de la marginalité sociale, cette heure où « les néons du drugstore flirtent avec les abîmes[113] ». Car le corpus étudié s’apparente à « un pandémonium[114] », un locus terribilis sorti de « l’atelier de Hieronymus Bosch[115] », où « les fleurs se tordent sous les électrochocs[116] » et les « magnolias [se] froiss[ent] au soleil noir flambant[117] », où l’on croise « dragons écarlates[118] », « succubes en rut[119] » et autres « clônures[120] », poétisation macabre d’une « faune urbaine[121] » que le chanteur a coudoyée jusqu’à en partager les « naufrage[s][122] ». Prostituées, junkies, alcooliques, mutants androgynes, en somme tous « les dingues et les paumés[123] » que la société a « relégué[s][124] » dans ses marges, mais que par moments la « poésie souterraine[125] » de Thiéfaine déifie, par le biais d’une esthétique burlesque de la disconvenance, à la manière de la « Vénus anadyomène » rimbaldienne : ainsi cette Sainte-Lilith peinte en « reine morte en pâture aux fantômes[126] » ou, bien sûr, la Lorelei du boulevard de Sébastopol, nymphe des « hôtel[s] paumé[s] aux murs glacés d’ennui » à qui le canteur littéralement enchanté clame sa dépendance[127].  

Une galerie de maudits

Enfin, au-delà de cette poétique de la « page noire[128] », les chansons de Thiéfaine sont autant de lieux de commémoration et de citation des grandes figures de la malédiction, qu’elles soient bibliques ou mythologiques, comme Caïn, Orphée, Narcisse, Sisyphe et Prométhée, ou bien historiques comme Nietzsche, Lord Byron, Nerval, mais aussi Isadora Duncan, étranglée par son « écharpe assassine[129] », ou Elmo Lewis, surnom de Brian Jones retrouvé mort à seulement 27 ans (à l’instar de Jim Morrison et de Jimi Hendrix, cités eux aussi par ailleurs).

Le corpus thiéfainien offre surtout une intertextualité avec les auteurs emblématiques de la malédiction poétique, pour certains évoqués dès l’ouvrage fondateur de 1884, pour d’autres relevant d’une liste non close que permettent d’établir, notamment, les travaux de Steinmetz ou de Brissette. Rimbaud figure au premier rang d’entre eux avec, parmi maints exemples, la chanson « Affaire Rimbaud » qui mêle références biographiques (notamment dans la paronomase « Horreur Harrar Arthur[130] » qui scande la chanson) et bibliographiques, empruntant aux Illuminations autant qu’à Une Saison en enfer. Baudelaire ensuite, dont Les Fleurs du mal sont convoquées, entre autres occurrences, dans « Les Dingues et les Paumés » comme périphrase métaphorique des paradis artificiels, ou bien encore lorsque l’animalisation baudelairienne du poète en albatros[131] nourrit les supplications du canteur de « Lorelei Sébasto Cha[132] » ou inspire le nom d’un « syndrome » de « poète estropié » sur l’album Eros über alles[133]. Il faudrait mentionner tout autant Verlaine, bien sûr, dont Françoise Salvan-Renucci a souligné la « présence et l’actualité dans le discours poétique des chansons de Thiéfaine[134] », ne serait-ce que dans l’emploi du néologisme « inespoir » dans le titre de la chanson éponyme de l’album Stratégie de l’inespoir ; Mallarmé également, dont « L’après-midi d’un faune » est doublement convoqué dans « 24 Heures dans la nuit d'un faune[135] » puis « 27ème Heure : Suite Faunesque[136] » deux ans plus tard ; Edgar Allan Poe, puisque le chanteur propose en 2011 « Trois poèmes pour Annabel Lee[137] », en référence au dernier poème écrit par le poète de Baltimore et traduit précisément par Mallarmé. Et sans prétendre ici à une quelconque exhaustivité, il conviendrait de citer enfin Lautréamont, évoqué métonymiquement à travers ses « Chants de Maldoror[138] », et François Villon, mentionné à l’heure de prendre la défense de Bertrand Cantat[139] ou d’implorer nos « frères humains » devant le « peu d’humanité » de « nos quartiers[140] ». En somme autant de figures auctoriales de la malédiction poétique qui ont nourri les lectures du chanteur depuis son adolescence et continuent aujourd’hui encore de l’inspirer. L’observation du matériau paratextuel nous le confirmerait : depuis ce corbeau, « clin d’œil à Edgar Poe[141] » devenu une récurrence visuelle totémique depuis 2011[142], jusqu’à cette « petite histoire » rapportée sur la scène de Bercy en 2018 expliquant qu’« Exil sur planète-fantôme » avait été composé dans « une chambre meublée de la rue Pigalle » où « avait séjourné, poursuivi par les huissiers, un certain Charles Baudelaire[143] ».

Pour conclure (même « si l’on n’en finit jamais[144] »)

Au terme de cette analyse fondée sur une multitude d’exemples empruntés à l’ensemble de la discographie, un constat s’impose : les topiques de la malédiction poétique sont, dans le corpus thiéfainien, d’une spectaculaire permanence. « On n'en finit jamais de refaire la même chanson[145] » affirme le canteur de « Annihilation » et, effectivement, dès l’écriture des premiers couplets destinés à figurer dans le répertoire définitif[146], « tout est déjà là[147] ». En 1978 comme en 2021, les topoï de la poésie thiéfainienne sont, pour une large part, ceux des « poètes que l’on appelle maudits[148] ». Et le dernier album en date – éloquemment baptisé « Géographie du vide » – en fournit l’illustration probante, avec ses mises en vers de l’irréductible mélancolie d’un « ange déchu, qui se serait trompé d'atmosphère[149] », ses mentions de « nuits blanches » à remplir des « pages noires », ses couplets innervés des « tristes pensées » d’un locuteur infailliblement convaincu d’être « maudit » et « pris au piège[150] ».

Néanmoins, il faudrait mentionner quelques nuances au sein de ces invariants, liées pour une large part à l’œuvre du temps sur leur créateur. C’est ainsi qu’au fil des ans les chansons de Thiéfaine ont été parfois le lieu de tendres déclarations d’amour paternel ou de célébrations émues de parents désormais disparus. De même, le canteur miséreux et valétudinaire – Brissette parlerait de « poète-misère » et « poitrinaire[151] » – se rencontre pour l’essentiel dans les premiers temps de la carrière discographique de l’artiste, reflets des années de « galères capitales[152] » du chanteur jurassien venu faire ses armes dans les cabarets de la rive gauche[153]. Et pourtant, même en de telles occasions, la plume thiéfainienne semble trempée dans une encre noire indélébile et maudite : ainsi quand il s’agit de se souvenir d’une rue de son enfance où l’« on descendait chercher le lait » à « l'âge des confitures / Des billes & des îles aux trésors », le chanteur opiniâtre intitule sa chanson « La Ruelle des morts ». Ironie tragique s’il en est, puisque le toponyme, pourtant bel et bien authentique, vaudra à son interprète une énième malédiction médiatique, télévisions et radios se montrant particulièrement réticentes à diffuser une chanson véhiculant dès son titre une telle imagerie macabre[154].

Enfin, l’étude des topiques du poète maudit dans l’œuvre thiéfainienne entreprise ici n’est qu’une esquisse et réclamerait une analyse amplement plus détaillée[155], ne serait-ce que pour rendre compte des « amours jaunes[156] » du canteur, de ses refrains blasphématoires et briseurs d’idoles « que l’on se fait pour planquer nos moignons[157] », de la poéticité d’une œuvre pour une large part surréaliste et à bien des égards « absolu[e] par l’imagination, absolu[e] dans l’expression[158] ». De même qu’il resterait à étudier l’influence de son public, constitué d’initiés d’une infaillible fidélité, dans la construction de cet ethos de poète maudit[159] et à souligner combien le chanteur s’amuse, à plus de soixante-dix ans, de sa posture et de son statut de maudit établi[160], jusqu’à faire voler en éclats sa statue de plâtre dans le clip d’une de ses dernières chansons[161].  

Il n’en reste pas moins qu’à travers sa reprise de topoï emblématiques et parce qu’elle a joué quarante ans durant sur une intertextualité avec les poètes maudits, l’œuvre de Thiéfaine s’inscrit bel et bien dans une continuité. Celle qui voit Verlaine estimer Rimbaud à l’aune d’un Corbière[162], Rimbaud pasticher une demande de libération de Villon dans le cadre d’un exercice scolaire[163], Baudelaire traduire l’œuvre de Poe, Mallarmé célébrer le poète de Baltimore et lui dédier un « Tombeau », repris à son tour par Verlaine[164]. En somme, s’est constituée par le biais de ce que l’on pourrait nommer un dialogisme de la malédiction, qui serait une manière de reconnaissance à travers les âges, une communauté de maudits dans laquelle Thiéfaine peut sans nul doute tenir sa place. Rien de surprenant, dès lors, à ce que le chanteur ait été sollicité le 27 juin 2015 pour inaugurer le nouveau Musée Rimbaud de Charleville-Mézières.


Bibliographie indicative

Corpus principal

Thiéfaine Hubert-Félix, 40 ans de chansons, l’intégrale des albums studio, Paris, Sony Music Entertainment, Legacy Recordings, 2019 ; 40 ans de chansons sur scène, Paris, Sony Music Entertainment France, Columbia, 2019 ; Géographie du vide, Paris, Sony Music Entertainment France, Columbia, 2021.

Corpus secondaire

- Astruc Rémi et Georgandas Alexandre (dir.), Thiéfaine, poésie souterraine, Versailles, RKI Press, 2017 ; Thiéfaine christ rock, Versailles, RKI Press, 2021.

- Bataille Sébastien, HF. Thiéfaine, animal en quarantaine, Paris, L’Archipel, 2021.

- Pascale Bigot, Hubert-Félix Thiéfaine, Paris, Seghers, « Poésie et Chansons », 1988.

- Brissette Pascal, La Malédiction littéraire : du poète crotté au génie malheureux, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, « Socius », 2005 ; « Poète malheureux, poète maudit, malédiction littéraire. Hypothèses de recherche sur l’origine d’un mythe. », COnTEXTES [en ligne], Varia, 2008.

- Festa-McCormick Diana, « The Myth of the Poètes Maudits », dans Pre-text/Text/Context : Essays on Nineteenth-Century French Literature, sous la direction de Robert L. Mitchell, Colombus, Ohio State University Press, 1980.

- Hirschi Stéphane, Chanson. L’art de fixer l’air du temps., Presses universitaires de Valenciennes, « Les Belles lettres », 2008.

- Loison Jean-Christophe, Hubert-Félix Thiéfaine, entre balises et mutations, Dole, éditions Gunten, 2021.

- Prévost François, « Le Poète au lupanar (une lecture de « Lorelei Sebasto Cha ») », dans Rémi Astruc et Alexandre Georgandas (dir.) Thiéfaine christ rock, Versailles, RKI Press, 2021.

- Steinmetz Jean-Luc, « Du poète malheureux au poète maudit (réflexions sur la constitution d'un mythe) », Œuvres critiques, vol VII, n°1, 1982, p. 75-86 ; Ces poètes qu’on appelle maudits, Genève, La Baconnière, « Nouvelle collection Langages », 2020.

- Théfaine Jean, H.-F. Thiéfaine. Jours d’orage, Paris, Fayard, 2011.

- Verlaine Paul, Les Poètes maudits, Paris, Léon Vanier, 1884 puis 1888.

 

[1] Pascal Brissette, « Poète malheureux, poète maudit, malédiction littéraire. Hypothèses de recherche sur l’origine d’un mythe », COnTEXTES, n°4, 2008, en ligne : https://journals-openedition-org /contextes/1983

[2] Aux noms de Tristan Corbière, Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé figurant dans l’édition de 1884 des Poètes maudits (Paris, Léon Vanier), s’ajoutent ceux de Marceline Desbordes-Valmore, Villiers de l'Isle-Adam et Pauvre Lelian (anagramme de Paul Verlaine) dans celle de 1888.

[3] Si le numéro d’octobre 1985 de Paroles et musique voyait déjà en lui un « chanteur maudit », la première qualification stricte de Thiéfaine en « poète maudit » trouvée à ce jour dans la presse date d’un article de Sud Ouest du 2 février 1987 invitant à « faire plus ample connaissance avec ce personnage insolite, dont la légende dit déjà qu'il est un peu le poète maudit des années 85 ».

[4] L’Olympia pour une semaine en 1983 ou le Zénith de Paris un an après son inauguration de 1984.

[5] Le premier album (Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir…) est sorti en janvier 1978, le dernier en date (Géographie du vide) en octobre 2021.

[6] Entretien personnel du 28 octobre 2021 avec Hugo Thiéfaine, manager de l’artiste depuis 2017.

[7] Higelin est né en 1940, Lavilliers en 1946, Bashung en 1947, Renaud en 1952.

[8] Thiéfaine a confié à plusieurs reprises son admiration pour Bob Dylan, Lou Reed, The Rolling Stones, The Kinks (cf. Jean Théfaine, Hubert-Félix Thiéfaine. Jours d’orage, Paris, Fayard, « Biographie », 2011, p. 48-49) ou pour The Animals et Van Morrison, le Chicago Blues et le Swing in London (François Bombard et Jean-Louis Saintain, « Sur les traces d’Hubert-Félix Thiéfaine », film documentaire de F3 Bourgogne Franche-Comté, juillet 2005). De même, il a raconté sa découverte miraculeuse d’un disque de John Lee Hooker inséré « par erreur […] dans une pochette de Dalida » (Michel Buzon et Dominique Debaralle, Galaxie Thiéfaine : Supplément d’âme…, film documentaire diffusé sur France 3 Franche-Comté le 15 décembre 2012).

[9] Gilles Bonnet (dir.), La Chanson populittéraire. Texte, musique et performance, Paris, Krimé, 2013.

[10] Comme en témoigne la collection « Poésie et chansons » des éditions Seghers, où l’on retrouve des ouvrages consacrés à Brel, Brassens, Trenet, Moustaki, Nougaro, Anne Sylvestre, etc., mais aussi des monographies dédiées à Higelin, Renaud ou Thiéfaine (Pascale Bigot, Hubert-Félix Thiéfaine, Paris, Seghers, « Poésie et Chansons », 1988).

[11] Voir par exemple l’annexe « Léo Ferré, entre les mots » de la biographie que Jean Théfaine a consacrée à son quasi homonyme (HF Thiéfaine. Jours d’orage, op. cit., p. 346 à 361) et qui détaille l’ « immense admiration » (p. 360) de Thiéfaine pour son devancier.

[12] Jean Théfaine, HF Thiéfaine. Jours d’orage, op. cit., p. 14.

[13] Sébastien Bataille, HF. Thiéfaine, animal en quarantaine, Paris, L’Archipel, 2021, quatrième de couverture.

[14] Rémi Astruc et Alexandre Georgandas (dir.), Thiéfaine, poésie souterraine, Versailles, RKI Press, 2017, p. 5.

[15] Paul Verlaine, Les Poètes maudits, op. cit., p. 17.

[16] Ibid., p. 56.

[17] Jean-Christophe Loison, « Les Charmes burlesques d’une sirène contemporaine (une lecture de « La Fille du coupeur de joints ») », dans Rémi Astruc et Alexandre Georgandas (dir.), Thiéfaine Christ rock, Versailles, RKI Press, 2021, p. 13.

[18] Ibid., p. 14.

[19] Pascal Brissette, art. cit.

[20] François Prévost, « Hubert-Félix Thiéfaine, la construction poétique et médiatique d’un ethos de poète maudit », thèse de doctorat de littérature française entreprise depuis octobre 2020 sous la direction de Marie-Ève Thérenty, Université Paul-Valéry Montpellier 3.

[21] Terme que l’on doit à Stéphane Hirschi, pour qui le canteur est « l’équivalent du narrateur dans une chanson » (Chanson. L’art de fixer l’air du temps, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, « Les Belles Lettres », 2008, p. 20).

[22] Que ce soit, pour emprunter à la terminologie de G. Genette dans Seuils, sur le plan péritextuel (l’artwork des albums y invite largement) ou sur le plan épitextuel (qui englobe notamment les apparitions et déclarations publiques). Et comme l’approche de l’œuvre de Thiéfaine est pour une large part cantologique, il conviendra de forger les néologismes de parachant et d’intertitres pour se munir des outils nécessaires à l’analyse du matériau discursif entourant l’interprétation scénique d’un morceau.

[23] Pascal Brissette, art. cit.

[24] Cf. Roland Barthes, préface de Sade, Fourier, Loyola, Paris, Seuils, « Points. Essais », 1971, ainsi que La Chambre claire, Paris, Gallimard, 1980.

[25] Diana Festa-McCormick, « The Myth of the Poètes Maudits », dans Pre-text / Text / Context : Essays on Nineteenth-Century French Literature, sous la direction de Robert L. Mitchell, Colombus, Ohio State University Press, 1980.

[26] Pascal Brissette, La Malédiction littéraire. Du poète crotté au génie malheureux, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, « Socius », 2005.

[27] Jean-Luc Steinmetz, « Du poète malheureux au poète maudit (réflexions sur la constitution d'un mythe) », Œuvres & critiques, vol. VII, n°1, 1982, p. 75-86.

[28] Stéphane Hirschi, Chanson. L’art de fixer l’air du temps, op. cit.

[29] « Annihilation », Séquelles, 2009

[30] Pascal Brissette et Marie-Pier Luneau, « La Malédiction littéraire en régime vocationnel », Deux siècles de malédiction littéraire, Liège, Presses universitaires de Liège, 2014, p. 5.

[31] « La Dèche, le twist et le reste », Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, 1978.

[32] « Alligator 427 », Autorisation de délirer, 1979

[33] « Soleil cherche futur », Soleil cherche futur, 1982.

[34] « Taxiphonant d’un pack de Kro », Dernières balises (avant mutation), 1981.

[35] « Syndrome albatros », Eros über alles, 1988.

[36] « Résilience zéro », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[37] Jean Théfaine, Hubert-Félix Thiéfaine. Jours d’orage, op.cit. p. 92

[38] Sébastien Bataille, HF. Thiéfaine, animal en quarantaine, op. cit. p. 67.

[39] « Résilience zéro », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[40] Paul Verlaine, Les Poète maudits, op. cit., p. 1.

[41] À titre d’illustrations non exhaustives, mentionnons ces quelques vers : « Excusez-moi de vous déranger/mais si j’peux encore vous causer/c’est que mon pétard est enrayé » (« Taxiphonant d’un pack de kro », Dernières balises (avant mutation), 1981), « Aujourd’hui la tempête aujourd’hui la tempête a lynché mes copains / & je suis le dernier à rater mon suicide » (« Exil sur planète-fantôme », ibid.) ou encore ceux de « Petit matin 4.10 Heure d’été » (Suppléments de mensonge, 2011) : « dans le jardin d’Éden désert / les étoiles n’ont plus de discours / & j’hésite entre un revolver / un speedball ou un whisky sour ».

[42] Jean Théfaine, op. cit., p. 146 et suivantes.

[43] « Un Vendredi 13 à 5h », Alambic/Sortie-Sud, 1984

[44] Pascal Rannou, De Corbière à Tristan. Les Amours jaunes, une quête de l’identité., Paris, Champions classiques, 2019, p. 349.

[45] Tristan Corbière, « Épitaphe », Les Amours jaunes, 1873.

[46] Selon les termes de Corbière inscrits sur son Autoportrait caricatural, une huile sur toile non datée, reproduite dans l'édition de Jean-Pierre Bertrand des Amours jaunes (Paris, Flammarion, GF, 2018, p. 306).

[47] « Je ne sais plus quoi faire pour te décevoir », Eros über alles, 1988.

[48] « La Fin du Saint-Empire germanique », Tout corps vivant sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, 1978.

[49] Ibidem.

[50] Ibidem. D’ailleurs, près de quinze ans plus tard, le temps ne fait rien à l’affaire : « 542 lunes & 7 jours environ/& tu vois mon amour, j’suis toujours aussi con » (« 542 lunes & 7 jours environ », Chroniques bluesymentales, 1990).

[51] « L’Agence des amants de Mme Müller », De l’Amour, de l’art ou du cochon, 1980.

[52] Ibidem.

[53] « Psychanalyse du singe », De l’Amour, de l’art ou du cochon, 1980.

[54] « Confession d’un never been », Scandale mélancolique, 2005.

[55] « Was ist das rock’n’roll ? », Eros über alles, 1988.

[56] « 113e cigarette sans dormir », Dernières balises (avant mutation), 1981.

[57] Ibidem.

[58] Le terme revient chez Corbière, bien sûr, mais aussi sous la plume de Verlaine à plusieurs reprises pour évoquer aussi bien le poète de Roscoff que celui de Charleville.

[59] « Was ist das rock’n’roll ? », Eros über alles, 1988.

[60] Corbière se présente « s’amusant à prendre le frais / Au large de l’humaine piste » dans un quatrain inscrit sur son Autoportrait caricatural (voir note 47).

[61] « Les fastes de la solitude », Défloration 13, 2001.

[62] « La Queue », Autorisation de délirer, 1979.

[63] Ibidem.

[64] « Les Jardins sauvages », Scandale mélancolique, 2005.

[65] « Les Dingues et les paumés », Soleil cherche futur, 1982.

[66] Convoqué dans une réécriture du mythe (« Diogène série 87 », Météo für nada, 1986).

[67] « Rock joyeux », Soleil cherche futur, 1982.

[68] « Exercice de provocation avec 33 fois le mot coupable », Le Bonheur de la tentation, 1998.

[69] « Animal en quarantaine », Fragments d’hébétude, 1993.

[70] « Was ist das rock’n’roll ? », Eros über alles, 1988.

[71] « Exercice de provocation avec 33 fois le mot coupable », Le Bonheur de la tentation, 1998.

[72] « Critique du chapitre 3 », La Tentation du bonheur, 1996.

[73] « Droïde song », Eros über alles, 1988.

[74] Stéphane Mallarmé, « Brise marine », Poésies, 1887.

[75] « Narcisse 81 », Dernières balises (avant mutation), 1981.

[76] Charles Baudelaire, « Élévation », Les Fleurs du mal, 1857.

[77] « Droïd song », Eros über alles, 1988.

[78] « Infinitives voiles », Suppléments de mensonge, 2011.

[79] « Errer humanum est », Météo für nada, 1986.

[80] Ibidem.

[81] « Exil sur planète-fantôme », Dernières balises (avant mutation), 1981.

[82] Ibidem.

[83] « Femme de Loth », Alambic/Sortie Sud, 1984.

[84] « Médiocratie… », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[85] Ibidem.

[86] « Un Automne à Tanger », Chroniques bluesymentales, 1990.

[87] Alfred de Vigny, Stello [1832], Paris, GF, Flammarion, 2008, p. 223.

[88] Paul Verlaine, « Les Sages d’autrefois, qui valaient bien ceux-ci », Poèmes saturniens, dans Œuvres complètes, Paris, Vanier, 1902, volume I, p.  1.

[89] « Amant sous contrôle », Amicalement blues, 2007.

[90] « Stratégie de l’inespoir », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[91] Psychanalyse du singe », De l’Amour, de l’art ou du cochon, 1980.

[92] « Soleil cherche futur », Soleil cherche futur, 1982.

[93] « Scandale mélancolique », Scandale mélancolique, 2005.

[94] Référence au diptyque La Tentation du bonheur (1996) et Le Bonheur de la tentation (1998).

[95] « Éloge de la tristesse », Défloration 13, 2001.

[96] Charles Baudelaire, « Spleen (« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans »), Les Fleurs du mal, 1857.

[97] « Comme un chien dans un cimetière le 14 juillet », De l’Amour, de l’art et du cochon, 1980.

[98] Alfred de Vigny, Stello, op. cit., p. 37.

[99] Par exemple dans « Lorelei Sébasto Cha » (Soleil cherche futur, 1982).

[100] « Bipède à station verticale », Météo für nada, 1986

[101] Charles Baudelaire, « Chant d’automne », Les Fleurs du mal, 1857.

[102] « Chambre 2023 & des poussières », Alambic/Sortie Sud, 1984.

[103] « En remontant le fleuve », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[104] Voir « Exit to Chatagune-goune », « Les Fastes de la solitude » et « Résilience zéro ».

[105] « Résilience zéro », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[106] « Lobotomie Sporting Club », Suppléments de mensonge, 2011.

[107] « Alligator 427 », Autorisation de délirer, 1979.

[108] « Loin des temples en marbre de lune », Scandale mélancolique, 2005.

[109] « Libido moriendi », Scandale mélancolique, 2005.

[110] « Exit to Chatagoune-goune », Soleil cherche futur, 1982.

[111] Peintre français né en 1956 dont l'œuvre, selon les termes mêmes de son site officiel, « est reconnue pour ses représentations de la nature dans des formats souvent monumentaux » (www.charlesbelle.com).

[112] « Camelia : Huile sur toile (à Charles Belle) », Défloration 13, 2001

[113] « Chambre 2023 & des poussières », Alambic/Sortie Sud, 1984.

[114] « Sentiments numériques revisités », La Tentation du bonheur, 1996 et « Annihilation », Homo plebis ultimae tour, 2012.

[115] « Solexine et Ganja », Soleil cherche futur, 1982.

[116] « Autoroutes jeudi d’automne », Soleil cherche futur, 1982.

[117] « Retour vers la Lune noire », Le Bonheur de la tentation, 1998.

[118] « Chambres 2023 & des poussières », Alambic/Sortie Sud, 1984.

[119] Ibidem.

[120] « Soleil cherche futur », Soleil cherche futur, 1982.

[121] « Toboggan », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[122] « La Dèche, le twist et le reste », Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir, 1978.

[123] « Les Dingues et les paumés », Soleil cherche futur, 1982.

[124] « La Môme kaléidoscope », Autorisation de délirer, 1979.

[125] Rémi Astruc et Alexandre Georgandas (dir.), Hubert-Félix Thiéfaine, poésie souterraine, op. cit.

[126] « Cabaret Sainte-Lilith », Dernières balises (avant mutation), 1981.

[127] « Lorelei ! Lorelei ! / Ne me lâche pas, j’ai mon train qui déraille / Lorelei ! Lorelei ! / & j’suis comme un cobaye / Qu’a sniffé toute sa paille » (« Lorelei Sebasto cha », Soleil cherche futur, 1982).

[128] « Page noire », Géographie du vide, Paris, Sony Music Entertainment, 2021.

[129] « La Terre tremble », Fragments d’hébétude, 1993.

[130] « Affaire Rimbaud », Météo für nada, 1986.

[131] Charles Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du mal, 1861.

[132] « Et je te dis : reviens on s’en va mon amour / recoller du soleil sur nos ailes d’albatros » (« Lorelei Sébasto Cha », Soleil cherche futur, 1982).

[133] « Syndrome albatros », Eros über alles, 1988.

[134] Françoise Salvan-Renucci, « Stratégie de l’inespoir : présence et l’actualité de Verlaine dans le discours poétique des chansons de H.-F. Thiéfaine », L’Actualité Verlaine, n°8, juin 2017.

[135] La Tentation du bonheur, 1996.

[136] Le Bonheur de la tentation, 1998.

[137] « Trois poèmes à Annabel Lee », Suppléments de mensonge, 2011.

[138] « Les Dingues et les paumés », Soleil cherche futur, 1982.

[139] « Télégramme 2003 », Scandale mélancolique, 2005.

[140] « Médiocratie », Stratégie de l’inespoir, 2014.

[141] Leïla Marchand, « Thiéfaine, tu as la splendeur d’un enterrement de première classe », entretien avec le chanteur publié le 7 mars 2011 sur le site : https://leilamarchand.wordpress.com/2011/03/07/thiefaine-tu-as-la-splen…

[142] L’animal figure sur le site officiel de l’artiste (www.thiefaine.com), sur les pochettes d’album et les décors scéniques depuis Suppléments de mensonge (2011) et il est même décliné commercialement sur des t-shirts et des magnets.

[143] 40 ans de chansons sur scène, Paris, Sony Music Entertainment France, 2019.

[144] « Annihilation », Séquelles, 2009.

[145] « Annihilation », Homo Plebis Ultimae Tour, 2012.

[146] « Je t’en remets au vent », Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir…, 1978.

[147] Françoise Salvan-Renucci, « "Des ténèbres où t’attendent quelques maillons maudits" : la figure du maudit dans le discours poétique des chansons de H.F. Thiéfaine », conférence donnée à Metz, Maison Verlaine, le 7 novembre 2018.

[148] Jean-Luc Steinmetz, Ces poètes qu’on appelle maudits, Genève, La Baconnière, « Nouvelle collection Langages », 2020.

[149] « Du Soleil dans ma rue », Géographie du vide, 2021.

[150] « Vers la folie », Géographie du vide, 2021.

[151] Pascal Brissette, art. cit.

[152] Jean Théfaine, op. cit., p. 66

[153] Parmi lesquels le Club des Poètes de la rue de Bourgogne ou Le Pétrin de la rue Mouffetard (Sébastien Bataille, HF. Thiéfaine, animal en quarantaine, op. cit., p. 64 à 76).

[154] Entretien personnel du 28 octobre 2021 avec Hugo Thiéfaine.

[155] Voir les travaux en cours : François Prévost, « Hubert-Félix Thiéfaine, la construction poétique et médiatique d’un ethos de poète maudit », thèse citée.

[156] Tristan Corbière, Les Amours jaunes, 1873.

[157] « Soleil cherche futur », Soleil cherche futur, 1982.

[158] Paul Verlaine, Les Poètes maudits, op. cit., p. 5

[159] À titre d’illustration, mentionnons cette analyse rétrospective livrée par Hervé Bergerat, producteur des premiers albums de l’artiste, qui expliquait à propos de fans exigeant « discrétion, bouche-à-oreille, et surtout pas de média majeur » : « Ces gamins, Thiéfaine était à eux. Ils ne voulaient pas le voir à la télé, sauf dans Les Enfants du Rock. Ils ne voulaient même pas l’entendre à la radio ! » (propos rapportés par Jean Théfaine, dans Hubert-Félix Thiéfaine. Jours d’orage, op. cit., p. 154).

[160] « Stratégie de l’inespoir » offre par exemple ce constat : « mes divagations n’emmerdent plus personne / je caresse mon corbeau, en chantant Duruflé / et joue pour les voyous virés de la Sorbonne ».

[161] « Page noire », mise en images réalisée par Yann Orhan (chanson extraite de Géographie du vide, 2021).

[162] « M. Rimbaud trop dédaigneux, plus dédaigneux même que Corbière […], son frère aîné, non pas son grand’frère, ironiquement ? Non. Mélancoliquement ? Ô oui ! Furieusement ? Ah qu’oui ! » (Paul Verlaine, Les Poètes maudits, op. cit., p. 37 et 41).

[163] Arthur Rimbaud, « Charles d'Orléans à Louis XI », Œuvres complètes II, Œuvres diverses et lettres 1864/1865-1870, Paris, Honoré Champion, 2007.

[164] Paul Verlaine, Les Poètes maudits, op. cit., p. 54.

Site Drupal adapté par Pierre-Carl Langlais.

ISSN  2534-6431