Plan de l'article :
- Le clip comme readymade artistique
- Du recyclage de clips à leur remake
- Reprise des codes du clip
Avec le développement des chaînes musicales dans le courant des années 1980, le clip vidéo s’est très vite imposé auprès du grand public comme une forme télévisuelle et culturelle majeure. Rapidement, il a également influencé les artistes dans leur pratique. Au tout début de la décennie 1980, nombre d’entre eux s’inspirent de ce format dans leurs vidéos, réalisant des travaux d’une durée courte, avec une bande sonore essentiellement musicale et des images colorées. Si leurs vidéos possèdent des caractéristiques communes au clip vidéo, elles ne sont pas produites pour promouvoir un titre musical à la télévision, mais bien conçues en tant qu’œuvres d’art[1]. Les artistes interrogent donc cette nouvelle forme audiovisuelle et son industrie, mais aussi de façon plus générale la culture populaire et le rapport que nous entretenons avec elle.
Cet article étudie comment des artistes, influencés par la forme « clip » ou par des réalisations particulières, ont anticipé dans les années 1990 certaines pratiques amateurs qui se sont ensuite développées sur Internet à partir du milieu des années 2000. Ils endossent la figure de l’amateur, se plaçant comme celui qui aime mais également comme celui qui crée de manière non professionnelle [2]. Leurs travaux s’inscrivent au sein d’une réflexion plus générale sur les images médiatiques, issues du cinéma et de la télévision, qui se développe dans les années 1980 et 1990 grâce à la démocratisation du matériel vidéo puis à l’arrivée du numérique. En étudiant ce phénomène, nous questionnerons les différentes positions adoptées par les artistes. Qu’ils apparaissent plus critiques face à ces productions ou au contraire proches de la figure du fan, ce qu’on observe avant tout est le rapport intime qu’entretiennent les artistes au clip vidéo mais aussi leur volonté d’émancipation. La création de leurs propres images se manifeste comme une façon de s’approprier ce format télévisuel en proposant une alternative aux images dominantes de la télévision. Cela passe par l’utilisation d’extraits de clips comme matériau artistique, la création de remakes et la reprise des codes du clip dans leurs vidéos.
Le clip comme readymade artistique
Parmi les artistes s’intéressant à la forme audiovisuelle du clip, la Sud-africaine Candice Breitz choisit, pour sa première installation, Babel Series (1999), de réutiliser directement des extraits de clips vidéo promotionnels. Elle souhaite questionner par ce biais notre rapport aux industries culturelles et à leurs productions à l’ère de la mondialisation. L’œuvre se compose de sept moniteurs, répartis à différentes hauteurs dans l’espace d’exposition, sur lesquels sont diffusés en boucle sept extraits extrêmement courts de clips vidéo de stars du début des années 1980 : les chanteuses Madonna et Grace Jones, les chanteurs Prince, George Michael, Freddie Mercury et Sting ou encore le groupe suédois ABBA[3]. Si Breitz se tourne vers ces productions pour réaliser son œuvre, c’est parce qu’elles ont marqué par leurs larges diffusions les débuts de MTV et des chaînes musicales. Elles ont ainsi accompagné l’adolescence de l’artiste, tout comme celle de millions de personnes dans le monde. Ces liens intimes que chacun entretient avec la musique populaire motivent le choix d’utiliser des extraits de clips : pour l’artiste, la pop music constitue « la bande originale de notre passé[4] ». « Nous nous définissons par la musique que nous écoutons, par les chansons que nous avons entendues à des moments clés dans nos vies passées[5] », ajoute-t-elle. C’est d’abord la dimension mémorielle de la musique pop qu’elle convoque dans son œuvre. Pourtant, loin du simple fétichisme nostalgique, l’œuvre interroge notre rapport non seulement au clip, mais aussi aux pop stars qui ont accru leur médiatisation et ont vu grimper leur célébrité par la diffusion télévisée de ces clips.
Dans l’installation de Breitz, les chanteurs se trouvent piégés dans une boucle frénétique, stoppés brutalement pendant qu’ils chantent et condamnés à répéter inlassablement la même syllabe tel un disque rayé, bégayant à leur insu et empêchés de poursuivre leur chanson. Les extraits ont été choisis par l’artiste selon les monosyllabes qu’elle souhaitait faire prononcer aux chanteurs. Ces syllabes – « Ma », « Pa », « Da », « No », « Aha », « Me », « Yeah », « No » – représentent pour elle « les premières expressions de l’apprentissage mimétique d’une langue[6] » qu’un enfant peut acquérir, faisant référence à différents mots selon la langue parlée. Les pop stars se retrouvent donc enfermées dans des postes de télévision, incapables de communiquer entre elles, emprisonnées dans un langage primaire. Avec cette installation, Breitz met en scène une Babel moderne faisant écho à son enfance en Afrique du Sud pendant l’apartheid, où onze langues étaient parlées par différentes populations incapables de se comprendre et de communiquer.
Breitz s’approprie les objets culturels à sa disposition tout en déconstruisant leurs mécanismes. Pour briser « l’aura de séduction » qui entoure la musique pop, l’artiste a choisi de régler le volume sonore de l’installation extrêmement fort pour provoquer l’inconfort des spectateurs. Lors de la première exposition de Babel Series pour la sixième Biennale d’Istanbul en 1999, certains visiteurs avaient fui la chapelle dans laquelle l’installation se trouvait en protégeant leurs oreilles de leurs mains car l’architecture de l’église provoquait un écho sans fin des monologues monosyllabiques des chanteurs[7]. En jouant sur le volume sonore, l’artiste entend traduire le sentiment d’aliénation ressenti lors de sa propre enfance en Afrique du Sud, assaillie par les nombreuses langues qu’elle ne comprenait pas. De la même façon, son but était de provoquer chez le spectateur un sentiment de rejet à l’encontre des chanteurs répétant en boucle le même son. La transformation de mélodies connues de tous en agression auditive[8] permet aussi de remettre en question la fascination pour les chansons pop et leurs chanteurs, et ainsi faire prendre conscience du faible niveau des produits que l’industrie musicale propose – l’emploi d’un vocabulaire peu élaboré[9], la répétitivité intentionnelle des sons et des mots ainsi que la redondance et la simplicité des sujets abordés, entre autres – pour entamer une véritable réflexion sur la pop music en général, devenue la véritable lingua franca du monde contemporain.
Cette installation met en lumière le rapport double qu’entretient Breitz à la musique populaire et aux chaînes musicales. Certaines chansons sont inévitablement liées à des souvenirs, bons ou mauvais, et certains chanteurs ou groupes renvoient à des périodes de notre vie bien précises. Mais pour l’artiste, notre rapport à la musique populaire est aussi à replacer dans son contexte de production, celle de la société de consommation. « Notre relation à la Pop est bien sûr une relation de consommation, mais la question est plutôt de savoir si nous consommons la Pop ou si nous nous laissons consommer par elle[10] », explique-t-elle. C’est pour résister à cette consommation passive de clips et d’autres produits culturels que Breitz les utilise comme matériau premier. Son but est de provoquer une réflexion critique sur ces productions chez le spectateur, pour qu’il sorte à son tour de la simple consommation. Elle montre comment la culture populaire peut devenir un terrain de questionnement :
J’aime l’idée que quelque chose de tout à fait familier et de totalement inerte puisse être recadré de telle manière qu’il suscite tout à coup, une prise de conscience, une pensée politisée, ou un dialogue critique. Une chanson de Whitney Houston, découpée et reconfigurée, ou entendue à un moment inattendu, peut être le moyen par lequel j’invite le spectateur à réfléchir de manière critique à la platitude de la culture mondiale[11].
Loin de n’être qu’une simple amatrice de produits culturels, Breitz réalise un commentaire critique et politique par ce recyclage d’images venant de la télévision. L’artiste inscrit son travail dans une tendance artistique qui s’est développée dès le début des années 1990 et qui a pu naître grâce notamment à la démocratisation du matériel technologique[12] et par l’arrivée du numérique et de la dématérialisation des supports. Mais cette pratique puise également son origine dans la technique de l’échantillonnage musical (sampling[13]), d’abord utilisé dans la musique hip-hop dès les années 1970, et qui devient dans les années 1990 un des principes de base de la musique techno. De la même façon que le disc-jockey crée un nouveau morceau musical à partir de différents extraits de titres déjà existants, l’artiste réalise une œuvre originale à partir d’extraits vidéo qu’elle s’approprie. Face à la profusion de produits culturels, Breitz choisit de puiser dans un fonds de formes déjà existantes et de les discuter, au lieu de produire de nouvelles images. Une attitude que Nicolas Bourriaud résume par cette phrase : « Le consommateur extatique des années quatre-vingt s’efface au profit d’un consommateur intelligent et potentiellement subversif : l’usager des formes[14] ». L’artiste devient ainsi « une autrice par sélection[15] ». Elle passe de la position de téléspectatrice passive à celle de créatrice-programmatrice.
Du recyclage de clips à leur remake
Si dans les années 1990, de nombreux artistes, dont Candice Breitz, créent des œuvres en recyclant des images venant des mass media, une autre pratique se développe, celle du remake[16]. Utilisé à l’origine par l’industrie du cinéma, le remake consiste à remettre au goût du jour un film ancien qui a connu un certain succès commercial en tournant une version moderne du même scénario, avec de nouveaux acteurs et souvent dans de nouveaux décors. Cette pratique permet aux artistes de s’approprier un film en rejouant une ou plusieurs séquences par leurs propres moyens. Tout comme le cinéma ou les séries télévisées, le clip vidéo a servi également, dans une moindre mesure, de scénario à rejouer.
Le français Brice Dellsperger a ainsi fait du remake sa pratique exclusive, avec la série Body Double[17] débutée en 1995. Pour ce projet, l’artiste recrée des séquences ou plus rarement des films entiers de l’industrie du cinéma, majoritairement hollywoodien. Comme pour de nombreux artistes s’inspirant du cinéma commercial des années 1990, le passage des films à la télévision a eu un rôle fondamental dans son approche. L’apparition et le développement du magnétoscope et de la VHS ont en effet conditionné son rapport au cinéma[18]. Le fait de pouvoir désormais regarder des films à domicile, dans son salon ou sa chambre, rend le rapport au cinéma plus intime mais également plus physique. À la différence d’autres artistes qui ont pu choisir un répertoire de films relativement savants et canoniques pour leurs remakes – ceux de Hitchcock et Pasolini chez Pierre Huyghe ; Fassbinder, Godard, Buñuel et Almodovar chez Rainer Oldendorf –, « chaque choix de séquence est lié à une profonde attirance, affection, purement subjectif[19] » pour Brice Dellsperger. Ses choix se portent aussi bien sur des films de cinéastes exigeants (De Palma, Van Sant, Lynch ou encore Kubrick) que sur des films plus populaires comme Return of the Jedi ou Saturday Night Fever. L’ensemble des Body Double peut être ainsi vu comme la « DVDthèque idéale » de l’artiste qui en cinéphile passionné aurait rejoué avec ses propres moyens ses séquences préférées, comme un « doublement de la fiction[20] » ou un cinéma de seconde vision.
De la même façon, quand il décide de réaliser le remake d’un clip au tout début de sa carrière pour la vidéo Ladies & Gentlemen (1995), son choix se tourne vers celui de Be Thankful For What You’ve Got du groupe anglais Massive Attack[21], qu’il apprécie particulièrement. Ce clip, tourné au Raymond Revuebar Theatre, célèbre club de striptease londonien, met en scène le striptease burlesque[22] et intégral de Miss Sparkle sur la musique langoureuse du groupe. Dellsperger rejoue la scène finale dans sa vidéo avec des moyens rudimentaires. Il se filme en plan fixe devant un rideau, avec comme seul effet le scintillement d’une boule à facette. Comme dans le clip original, la musique commence et une voix masculine annonce : « Mesdames et Messieurs, prenez un ascenseur pour le septième ciel avec Mademoiselle Ritzy Sparkle[23] ». L’artiste apparaît nu, portant uniquement des gants et un collier, puis effectue une danse qui se veut sensuelle – mais ne l’est pas – tandis qu’il se rhabille peu à peu, enfilant d’abord un string, des bas, des chaussures à talons et une robe bustier rose. La principale différence avec la scène qu’il copie se situe là : Dellsperger rejoue le striptease à l’envers. Plus précisément, il joue avec l’image de la vidéo en la passant à l’envers alors que la bande sonore est diffusée normalement. En faisant cela, il désactive le potentiel d’excitation et d’attente que peut habituellement susciter ce type de performance burlesque. Le registre sensuel ou lascif devient à la fois ridicule, grotesque et comique. Comme dans sa série des Body Double, l’artiste se travestit, jouant avec les genres et les identités. Le travestissement est d’ailleurs un des principes de son travail : les remakes qu’il réalise apparaissent comme « une doublure travestie[24] » du film original. Par cet artifice, il s’approprie le cinéma[25]. Si ses œuvres sont peuplées de travestis, c’est aussi parce que l’artiste aime cultiver l’ambigüité des identités, le trouble dans le genre. Son cinéma peut être perçu comme une relecture camp et transgenre du cinéma hollywoodien des quarante dernières années. Le choix du clip qui lui sert de modèle n’est pas anodin puisqu’il met en scène une strip-teaseuse transgenre : en reprenant le rôle, l’artiste brouille une nouvelle fois la lecture des genres.
Dix ans plus tard, en 2005, avec la vidéo Ladies & Gentlemen 02, l’artiste réalise une nouvelle version du remake. Il fait pour cela appel à la performeuse transgenre Joy Falquet, qui était déjà apparue dans les Body Double 10 et 12 en 1998 puis 21 en 2005. En la choisissant pour le rôle de la strip-teaseuse, il se rapproche de la version originale. De même pour le lieu de tournage : la vidéo est tournée au Baron, ancien bar à hôtesses parisien devenu discothèque dans les années 2000. Comme dans ses Body Double, Dellsperger transfère l’action dans un lieu réel plus ou moins semblable à celui du film original[26]. Si la performeuse exécute un décalque quasi parfait du striptease original en effectuant les mêmes gestes dans une tenue presque identique, l’effeuillage est de nouveau diffusé à l’envers : le mouvement des rideaux, du boa ou encore des vêtements trahit l’inversion. Mais contrairement à la version de 1995, l’artiste adjoint, à la séquence en sens inverse, une nouvelle diffusion dans le sens de lecture traditionnel, accompagnée d’un nouveau titre musical, plus énergique. La boucle est ainsi jouée cinq fois, successivement dans un sens puis dans l’autre sur des morceaux différents[27] pendant vingt-quatre minutes. Après avoir assisté une première fois au rhabillage de Joy Falquet, le spectateur suit à nouveau son striptease mais la surprise ou l’effet d’attente est depuis le départ brisé.
En jouant avec la boucle vidéo, Dellsperger épuise le potentiel fantasmatique de l’action mais aussi du corps de la performeuse, jusqu’à provoquer délibérément l’ennui du spectateur. Ce jeu lui a été inspiré par la fonction de rembobinage du magnétoscope et donc par la manière dont il consomme le cinéma sur son poste de télévision. L’artiste joue aussi avec le support de diffusion de l’œuvre. La vidéo était en effet commercialisée pour le grand public sur support DVD[28]. L’artiste questionne donc ici le passage de la VHS au DVD en jouant avec la boucle vidéo, mode de diffusion de beaucoup d’œuvres vidéo en musée ou en galerie. Il crée avec ce montage une boucle se faisant puis se défaisant, dans un sens puis dans l’autre. Ce choix résulte, comme les différents choix formels de ses vidéos, « des possibilités limitées offertes par les logiciels informatiques utilisés[29] ». Dellsperger propose une alternative à la boucle vidéo traditionnelle mais aussi une réflexion sur celle-ci et plus généralement sur le cinéma qui ne fait, pour lui, que tourner sans cesse sur lui-même[30]. Ses Body Double sont donc à voir comme une réponse et un commentaire à ce phénomène. Avec Ladies & Gentlemen mais encore plus avec Ladies & Gentlemen 02, il applique également ce constat au clip vidéo qui plus que n’importe quel produit culturel se répète, se recyclant sans cesse, absorbant et s’appropriant de multiples influences dans une démarche postmoderne.
Dellsperger n’est pas le seul à s’intéresser au clip vidéo dans le cadre de remakes artistiques. C’est aussi le cas de l’artiste anglaise Georgina Starr. Dans la vidéo There’s Something Going On in the Sculpture Studio qu’elle réalise en 1995, l’artiste s’inspire du célèbre clip réalisé en 1984 par Bob Giraldi pour le titre Hello ! de Lionel Richie. Dans le clip original, le chanteur joue un professeur de musique qui tombe amoureux d’une étudiante aveugle. Pour sa propre vidéo, Starr rejoue la fin du clip, qui montre le chanteur rejoignant la jeune étudiante dans l’atelier de sculpture. Cette idée de remake vient à Starr alors que le sculpteur allemand Georg Herold lui rend visite dans son atelier en vue d’une possible collaboration : le clip de Richie trouve alors un écho dans sa propre vie, et la vidéo se présente comme un document de cette rencontre. Herold reprend le rôle du chanteur. Dans la vidéo, il arrive à l’atelier londonien de Starr, jouant l’étudiante aveugle, tandis qu’elle finit un buste en argile représentant le sculpteur, avec pour bande sonore le titre de Richie. L’artiste se place dans une démarche performative en transposant le scénario du clip dans son univers personnel et professionnel, son atelier. Il devient une partition à rejouer avec de nouveaux interprètes, tandis que la version originale demeure toujours présente de manière subliminale à l’esprit du spectateur.
De la même façon, dans sa vidéo I’m a lover not a dancer (2002), l’artiste australienne Kati Rule se réapproprie une production très célèbre, le clip Thriller qui avait fait la célébrité de Michael Jackson en 1983. Production la plus coûteuse de l’histoire du clip à l’époque avec 500 000 dollars de budget, Thriller conquiert sa renommée par ses nombreuses innovations et citations cinématographiques. Dans sa courte vidéo d’un peu plus de deux minutes – bien moins que les presque quatorze minutes de la version originale –, Rule livre une version home movie[31] du clip. Elle réinterprète dans son garage le célèbre numéro de danse réalisée par le groupe de zombies. Elle en reprend approximativement la chorégraphie, habillée avec une veste de survêtement rouge et noire rappelant de manière évasive la veste de Michael Jackson dans la vidéo. Le contraste entre le remake et l’original est flagrant, ainsi que la différence de moyens entre le clip de Jackson et la vidéo de Rule. Par son absence de budget et par le titre où elle se présente en amatrice (a lover), elle se revendique avant tout fan du chanteur. En plaçant l’action dans un contexte domestique, Rule anticipe les vidéos d’anonymes qui se sont multipliées sur Internet ensuite. En effet, si elle avait été réalisée dans ce contexte, cette vidéo aurait tout à fait trouvé sa place parmi les centaines d’autres vidéos de fans recopiant les chorégraphies du chanteur sur Internet.
Kati Rule, tout comme Brice Dellsperger et Georgina Starr, montre un rapport au clip vidéo, et à la pop culture en général qui peut relever plus de celui du fan que de celui de l’artiste critique ou théoricien. Ces artistes anticipent en quelque sorte le retour de la posture de l’amateur à la fin des années 1990 et dans les années 2000. Avec lui, c’est un nouveau rapport à la culture qui se dessine, comme le constate Nicolas Thély :
La fin des années 1990 est marquée par le retour fulgurant de l’amateur, une figure portant jusqu’ici son lot de ringardise. […] Ce qui se cache derrière cette figure, et son regain d’intérêt, c’est la question de l’émancipation de tout un chacun, émancipation culturelle, émancipation aussi pratique, dans l’emploi et l’utilisation d’appareils qui permettent de manipuler les données et les médias[32].
En effet, avec le développement du web dans les années 1990 et une plus grande accessibilité des outils d’enregistrement et de reproduction, les pratiques amateurs se sont développées et ont trouvé une visibilité nouvelle sur Internet « qui d’une certaine manière a pris l’ascendant sur d’autres modes d’expression, notamment sur l’expression artistique[33] ». Les gestes, les opérations et le savoir-faire qui étaient jusque-là détenus par des experts du domaine, et notamment par les artistes travaillant avec les nouveaux médias, se retrouvent désormais aux mains de nouveaux utilisateurs. Ces amateurs développent de nouvelles formes de création, de nouveaux modes d’utilisation des outils, de la webcam par exemple ou du playback avec le phénomène des vidéos de « lip sync » qui apparaissent à partir de l’année 2006. On peut voir dans les travaux des artistes des années 1990 une préfiguration des pratiques amateurs qui se sont ensuite développées sur Internet[34]. Mais chez ces artistes, le lieu de diffusion de leurs productions reste la galerie ou le musée[35]. Avant que le phénomène des reprises se développe sur le Web, ces artistes ont réalisé des vidéos, qui en réinterprétant des productions célèbres de l’histoire du clip, montrent déjà combien celles-ci font désormais partie de notre mémoire culturelle commune.
Reprise des codes du clip
Si l’artiste suisse Pipilotti Rist ne réalise pas à proprement parler de remake de clips, elle reprend dans ses vidéos des années 1990 de nombreux codes de ces productions. Influencée par la pop culture et l’esthétique du clip, elle détourne les conventions du format, jusqu’à se les approprier totalement. La vidéo You Called Me Jacky (1990) s’intéresse notamment à la pratique du playback couramment utilisée dans l’industrie du clip. Rist se met en scène, se filmant en plan fixe et frontal devant un mur blanc, faisant semblant de chanter et de jouer à la guitare le titre Jackie and Edna (1973) du chanteur anglais Kevin Coyne qu’elle admire[36]. Ici, comme dans un clip, c’est la chanson qui détermine la durée de la vidéo. Pendant que Rist endosse la posture de l’interprète, des images de paysages et de villes sont projetées derrière elle, filmées vraisemblablement depuis la fenêtre d’un train en marche. Mais Rist se place à contre-pied des clips diffusés sur MTV où tout est maîtrisé. Son playback se révèle plus qu’approximatif, l’artiste semblant par moment hésitante ou ne se rappelant plus des paroles. Sa gestuelle et ses accords de guitare apparaissent aussi en total décalage avec la musique. Ses gestes sont exagérés afin de parodier les clips diffusés à la télévision, de caricaturer ou de vamper les pop stars de l’époque, telle Madonna, que certaines poses évoquent.
Rist « semble se moquer du genre du clip en général, ainsi que de la tradition de la performance du musicien en concert, et spécialement de celle du chanteur-auteur-compositeur[37] », dont elle reprend les clichés avec beaucoup d’humour. L’artiste détourne les codes du clip pour en montrer l’artificialité, sa fausse perfection grâce au playback, au montage et à la postproduction qui trahissent l’authenticité de l’auteur-compositeur. Sa vidéo rend aussi hommage, de façon certes très personnelle, à la chanson de Coyne. Elle en offre une « remédiatisation[38] » en lui ajoutant, grâce à la projection d’images derrière elle, une dimension visuelle, « une nouvelle couche performative[39] ».
Si la mise en image de Rist apparaît trop peu sophistiquée pour être comparée à un clip vidéo musical, elle peut néanmoins être vue comme une préfiguration inconsciente des vidéos d’amateurs qui commencent à peupler les plateformes de partage de vidéos comme YouTube et Dailymotion dans les années 2000[40]. Dans un certain nombre de ces créations, on peut voir les internautes se filmer dans leur intérieur, réalisant en plan fixe, un playback ou une reprise de leur chanson préférée ou d’un titre à la mode[41]. Cette pratique a d’ailleurs pris un nouvel essor depuis l’apparition de l’application TikTok en 2016, sur laquelle les utilisateurs postent des vidéos courtes où ils se mettent très souvent en scène sur un fond musical. La différence entre ces vidéos d’amateurs et celle de Rist réside dans le décalage réalisé par l’artiste avec le modèle original, la critique de la forme, la recherche plastique et le lieu de monstration de la vidéo.
En créant ses propres images, Rist revisite et détourne les stéréotypes visuels du clip. En se filmant elle-même, elle place le corps féminin au centre de son œuvre. Pour la vidéo Blutclip (Bloodclip) qu’elle réalise en 1993, elle choisit pour bande sonore le titre Yeah Yeah Yeah (1982) écrit par Netz E. Maeschi et interprété par le groupe suisse Sophisticated Boom Boom. Le morceau musical détermine la durée de cette vidéo dont le sujet, comme le titre l’indique, est le sang menstruel. Rist veut proposer une vision positive et joyeuse de ce phénomène féminin en s’inspirant de la forme clip. Le rythme de la musique se traduit à l’écran par une caméra en perpétuel mouvement. Dans un plan séquence très rapproché, une caméra mobile parcourt d’abord le corps de l’artiste allongé dans la forêt, nu et recouvert par endroits de verroteries de différentes couleurs, du sommet du crâne jusqu’au pubis, sur une musique très vive et entraînante, portée par une voix féminine. Dans un décor totalement noir, la séquence suivante filme l’écoulement du sang menstruel. L’artiste dévoile d’abord l’intérieur de sa culotte tachée de sang avant que celui-ci ne s’écoule le long de ses jambes de haut en bas, puis de bas en haut. Pendant toute la vidéo, la caméra longe le corps de Rist selon un procédé qu’elle avait mis au point l’année précédente pour la vidéo Pickelporno[42]. Si l’artiste a conçu cette vidéo comme un clip, les images ne sont pourtant pas au service de la musique du groupe Sophisticated Boom Boom. Au contraire, c’est la musique qui est là pour célébrer le sujet de la vidéo, le corps de la femme et ses menstruations. Si la forme de la vidéo de Rist ressemble à celle d’un clip, les images que l’on voit détonnent par rapport aux productions télévisuelles, comme le note Mathilde Roman :
Elle apparente la vidéo à un clip musical, bien que les images soient dans leur contenu en désaccord total avec celles que nous avons l’habitude d’y voir. P. Rist provoque ainsi l’imagerie télévisuelle des clips en copiant leur structure, leur esthétique, tout en y introduisant une image du corps féminin fort éloignée de celles des danseuses et des corps séducteurs qui sont d’ordinaire à l’écran[43].
Les codes du clip sont repris, mais détournés, les images étant aux antipodes de celles qui figuraient dans les clips vidéo de l’époque[44]. La vidéo de Rist met à mal les canons de beauté féminins véhiculés par les clips et plus largement par les médias, en montrant un corps à l’opposé des corps harmonieux et attirants des chanteuses populaires. Au contraire, son dispositif fait apparaître son corps comme déformé et étiré. Elle utilise des points de vue originaux afin de donner aux spectateurs une nouvelle vision du corps féminin et des menstruations. Son corps reste cependant filmé avec sensualité, « piégeant les regards en prenant en compte leurs désirs tout en les acculant à des images du corps habituellement refoulées hors des sphères de vision[45] ». Même filmé dans sa crudité, ce corps est sublimé par la mise en scène. Il apparaît d’abord dans une forêt lui servant d’écrin, habillé de pierres colorées puis flottant dans l’espace.
Avec cette vidéo, Rist aborde un sujet tabou dans la société et dans les médias en tentant de faire évoluer le regard du public. La musique gaie et entraînante, les images colorées et fantaisistes, en proposent une vision positive détonante, permettant d’interroger les préjugés sur le sujet :
L’idée est d’exposer le sang sur la place publique, de montrer ce liquide rouge, ce merveilleux liquide […]. La société a tendance à cacher le sang menstruel comme s’il était sale et malade. […] Les menstruations sont un signe de bonne santé, mais tout est fait pour les cacher, les rendre invisibles. Il n’a donc jamais été possible de donner au sang menstruel des associations positives. La conception potentiellement positive du sang en tant que force vitale ne peut être transférée aux menstruations qu’en les mettant en évidence, en les rendant visibles, comme je le fais dans mon œuvre[46].
En utilisant le titre musical du groupe Sophisticated Boom Boom pour illustrer ses images, Rist s’adressait en premier lieu aux adolescents et adolescentes et au plus grand nombre par le biais de l’art[47], la forme d’expression la plus efficace selon elle.
Dans la vidéo I’m A Victim of This Song que Rist réalise en 1995, l’enjeu est différent. Contrairement à Blutclip qui utilisait une chanson originale, l’artiste livre ici une reprise de la très populaire chanson Wicked Game de Chris Isaak[48], dont le clip original avait rencontré un certain succès[49]. Outre la reprise musicale, vocalement très personnelle, l’artiste crée aussi son propre clip. Visuellement, Rist fait alterner deux sortes d’images : celles en accéléré d’un ciel traversé par des nuages, et celles filmées par une caméra circulant à l’intérieur d’un café montrant des personnes attablées. Cette fois encore, la musique détermine le rythme et la durée de la vidéo. La version de Rist se fait d’abord douce, proche de celle d’Isaak. Les séquences de ciel nuageux dans la vidéo de l’artiste répondent aux plans de nuages du clip original. D’autres images se superposent aux séquences de nuages, comme d’anciennes photographies qui se fondent dans le ciel et apportent une couche mémorielle supplémentaire. En effet, le clip original plaçait Chris Isaak et la mannequin Helena Christensen dans une relation amoureuse fictive, courant et s’enlaçant sur une plage ; la vidéo I’m A Victim of This Song Rist semble évoquer le passé amoureux et les échecs sentimentaux de l’artiste. Les photographies qui apparaissent en fondu agissent comme une sorte de journal intime illustré. La version d’Isaak raconte l’histoire d’un homme tombé amoureux malgré lui d’une femme qui lui a brisé le cœur. Rist tente quant à elle de décrire la souffrance provoquée par l’illusion d’un amour absolu impossible.
Aux deux tiers de la vidéo, alors que Rist chante le dernier couplet et le refrain, une autre voix se fait entendre au loin, hurlant aussi les paroles de la chanson. Par ce dédoublement de sa propre voix, elle crie sa douleur : « Non, je ne veux pas tomber amoureuse[50] », alors qu’elle sait qu’il est déjà trop tard. Dans I’m a Victim of this Song, Rist apparaît comme « une victime » du titre d’Isaak et de ce qu’il représente pour elle : un amour déçu et impossible, les sentiments contradictoires qu’elle ressent. Au travers de ce titre populaire, il s’agit d’évoquer un sentiment général, une situation que chacun peut avoir vécue. Cette vidéo interroge donc l’hypothèse d’une mémoire musicale collective où chacun se reconnaîtrait dans une même chanson. S’appropriant le titre et créant ses propres images, Rist critique les émotions préfabriquées de la pop music qui informent et déforment notre perception du monde et des événements les plus quotidiens, comme l’analyse Nicholas Chambers :
Notre histoire personnelle se mélange aux rêves et aux désirs préemballés de la pop, et nous enrôle dans ses impératifs commerciaux. Pipilotti Rist reconnaît et résiste au pouvoir de séduction de la musique pop dans I’m a victim of this song (1995), dans laquelle elle chante et, finalement, crie sur « Wicked Game » de Chris Isaak, perturbant le flux de sa mélodie et la remplaçant progressivement par la sienne. Également victime du clip de la chanson, Rist remplace les images d’Isaak et d’un mannequin en tenue légère batifolant sur une plage par sa propre séquence d’images[51].
Ce titre renvoie l’artiste à un épisode précis de son passé ; ses sentiments et ses émotions se confondent alors avec ceux évoqués dans la chanson et dans le clip. Mais la réinterprétation permet à Rist de tenter de se réapproprier son histoire personnelle, et par la même occasion de ne plus subir les images imposées par l’industrie musicale en créant les siennes. Avec cette vidéo, l’artiste se place une nouvelle fois dans une démarche proche de celles que l’on retrouve ensuite dans les créations d’amateurs sur Internet. Blutclip utilise le pouvoir de séduction de la musique pop pour donner une image positive à un sujet qui ne devrait plus être tabou. De la même manière, I’m a victim of this song reprend un titre devenu une référence culturelle commune, dans une volonté de se réapproprier son histoire, loin des émotions toutes faites et des images stéréotypées véhiculées par la musique pop et la télévision. Les utilisateurs des plateformes de partage de vidéos, au milieu des années 2000, s’emparent aussi de la possibilité de créer leurs propres images et leurs propres histoires, d’une manière participative, alternative à celle de la télévision.
Qu’il s’agisse de réinterpréter un ou différents clips vidéo ou de réutiliser simplement leurs images, il est toujours question du rapport à la culture populaire, aux mass media et aux industries culturelles au prisme du clip. Si les artistes des œuvres étudiées s’inspirent de cette forme ou de certaines productions, c’est parce que celles-ci ont une importance particulière pour eux, qu’elles leur évoquent un souvenir précis de leur vie. Mais loin de la simple fétichisation, ils s’en inspirent pour produire un discours autour d’elles en les réinscrivant au sein d’une industrie culturelle mondialisée et pour s’interroger plus largement sur leur rapport à la pop culture. Dans leurs vidéos, ces artistes emploient des procédés qui ont été largement repris par la suite par de nombreux utilisateurs sur Internet. Mais contrairement à ces créations ludiques qui ne remettent généralement pas en cause le modèle qu’elles imitent, les artistes opèrent dans leurs œuvres un déplacement et une relecture de ces références.
Bibliographie :
Beausse Pascal, « La chambre rose », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html.
Beccaria Marcella (dir.), Candice Breitz, Milan, Skira, 2005.
Bolter Jay David et Grusin Richard, Remediation: Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 2000.
Bourriaud Nicolas, Postproduction. La culture comme scénario : comment l’art reprogramme le monde contemporain, Dijon, Les Presses du réel, 2003.
Canet Marie, « Brice Dellsperger », in Léa Gauthier (dir.), French connection. 88 artistes contemporains, 88 critiques d’art, Montreuil, Black Jack, 2008, p. 238.
Cassagnau Pascale, « Dans le laboratoire de Brice Dellsperger », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html.
Davila Thierry (dir.), Remakes, Bordeaux, CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux, 2003.
Dressen Anne (dir.), Playback, Paris, Paris Musées, 2007.
Doswald Christoph, « « I Am Half-aware of the World »: Interview with Christoph Doswald », in Pipilotti Rist, Londres, Phaidon, 2001, p. 116‑129.
Flichy Patrice, Le sacre de l’amateur : Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Paris, Seuil, « La République des idées », 2010.
Gaudin Antoine, « Le vidéoclip : de la forme brève cinématographique au médium autonome », in Sylvie Périneau (dir.), Les formes brèves audiovisuelles. Des interludes aux productions web, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 169‑185.
Hennion Antoine, « Ce que ne disent pas les chiffres... Vers une pragmatique du goût », in Olivier Donnat et Paul Tolila (dir.), Le(s) public(s) de la culture. Politiques publiques et équipements culturels, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, p. 287‑304.
Manovich Lev, « Échantillonner, mixer l’esthétique de la sélection dans les anciens et les nouveaux médias », in Yann Beauvais et Jean-Michel Bouhours (dir.), Monter, sampler : l’échantillonnage généralisé, Paris, Éditions du Centre Pompidou : Scratch projection, 2000, pp. 46‑60.
Parfait Françoise, Vidéo, un art contemporain, Paris, Éditions du Regard, 2001.
Perge Nicolas, « Remake ? », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html.
Roman Mathilde, Art vidéo et mise en scène de soi, Paris, L’Harmattan, « Histoire et idées des Arts », 2008.
Stange Raimar, « Candice Breitz », in Zurück in die Kunst, Hambourg, Rogner & Bernhard bei Zweitausendeins, 2003, p. 70‑80.
Sturm Martin et Plöchl Renate (dir.), Candice Breitz: CUTTINGS, Linz, O.K. Centrum für Gegenwartskunst, 2001.
Thély Nicolas, Le tournant numérique de l’esthétique, publie.net, « Art, Pensée & Cie », 2011.
Troncy Éric, « Ambiguités », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html.
Wallis Simon (dir.), Remix: Contemporary Art & Pop, Londres, Tate Publishing, 2002.
Weir Kathryn Elizabeth et Chambers Nicholas (dir.), Video Hits: Art and Music Video, South Brisbane, Queensland Art Gallery, 2004.
Wennekes Emile, « Compositions for a Visitor Who Might Arrive at any Minute: Music in the Work of Pipilotti Rist », in Elixir: The video organism of Pipilotti Rist, Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen, 2009, p. 131‑140.
Zaya Octavio (dir.), Candice Breitz : Exposición Múltiple / Multiple Exposure, León, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, 2007.
[1] Un des handicaps dont souffrirait le clip vidéo pour être reconnu en tant que forme artistique à part entière serait qu’il est avant tout un produit dérivé de la musique, un outil promotionnel soumis à certaines règles au même titre que le spot publicitaire. Voir à ce propos Antoine Gaudin, « Le vidéoclip : de la forme brève cinématographique au médium autonome », in Sylvie Périneau (dir.), Les formes brèves audiovisuelles. Des interludes aux productions web, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 169‑185.
[2] S’il ne possède pas de formation professionnelle, l’amateur n’en reste pas moins un « virtuose de l’expérimentation, esthétique, technique, sociale, mentale, corporelle » comme le souligne le sociologue Antoine Hennion. Voir Antoine Hennion, « Ce que ne disent pas les chiffres... Vers une pragmatique du goût », in Olivier Donnat et Paul Tolila (dir.), Le(s) public(s) de la culture. Politiques publiques et équipements culturels, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, p. 287‑304, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00200553/document, consulté le 20 janvier 2022.
[3] Les différents extraits utilisés proviennent respectivement des clips vidéo de Papa Don’t Preach (1986) de Madonna, Walking in the Rain (1981) de Grace Jones, I Wanna Be Your Lover (1979) de Prince, Bohemian Rhapsody (1975) de Queen, Careless Whisper (1984) de George Michael, De Do Do Do, De Da Da Da (1980) de The Police et Voulez Vous (1979) d’ABBA.
[4] Voir les propos de l’artiste dans Raimar Stange, « Candice Breitz », in Zurück in die Kunst, Hambourg, Rogner & Bernhard bei Zweitausendeins, 2003, p. 70. Sauf mention contraire, toutes les traductions sont de l’autrice.
[5] Ibid.
[6] Propos de Candice Breitz dans Octavio Zaya, « From Text to Action in the Work of Candice Breitz », in Octavio Zaya (dir.), Candice Breitz : Exposición Múltiple / Multiple Exposure, León, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León, 2007, p. 25.
[7] Voir Christopher Phillips, « Candice Breitz: Four Installations », in Martin Sturm et Renate Plöchl (dir.), Candice Breitz: CUTTINGS, Linz, O.K. Centrum für Gegenwartskunst, 2001, p. 25.
[8] Voir Marcella Beccaria, « Process and Meaning in the art of Candice Breitz », in Marcella Beccaria (dir.), Candice Breitz, Milan, Skira, Castello di Rivoli, 2005, p. 21.
[9] En 2015, une équipe d’analystes américains a étudié le niveau lexical des paroles de 225 chansons ayant occupé la première place du classement des meilleures ventes aux États-Unis depuis 2005. Le résultat montre que ces titres ont un niveau de lecture moyen de CE2, soit celui correspondant à un enfant de huit ans. Pour consulter l’étude, voir Andrew Powell-Morse, Lyric Intelligence In Popular Music: A Ten Year Analysis, http://seatsmart.com/blog/lyric-intelligence/, 18 mai 2015, republié par Dan Kuria https://realestgeek.blogspot.com/2017/06/lyric-intelligence-in-popular-…, le 7 juin 2017, consulté le 17 octobre 2021.
[10] Propos de Candice Breitz dans Raimar Stange, « Candice Breitz », op. cit., p. 70.
[11] Propos de Candice Breitz dans Raimar Stange, « Candice Breitz », op. cit.
[12] Voir Françoise Parfait, Vidéo, un art contemporain, Paris, Éditions du Regard, 2001, p. 293.
[13] Concernant l’influence qu’a exercé le sampling sur la création artistique des années 1990, voir Simon Wallis (dir.), Remix: Contemporary Art & Pop, Londres, Tate Publishing, 2002.
[14] Nicolas Bourriaud, Postproduction. La culture comme scénario : comment l’art reprogramme le monde contemporain, Dijon, Les Presses du réel, 2003, p. 35.
[15] Voir Lev Manovich, « Échantillonner, mixer l’esthétique de la sélection dans les anciens et les nouveaux médias », in Yann Beauvais et Jean-Michel Bouhours (dir.), Monter, sampler : l’échantillonnage généralisé, Paris, Éditions du Centre Pompidou : Scratch projection, 2000, p. 52.
[16] Voir à ce sujet Thierry Davila (dir.), Remakes, Bordeaux, CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux, 2003.
[17] Dellsperger a choisi ce titre en référence au film du même nom réalisé en 1984 par Brian de Palma traitant de voyeurisme et de manipulation auquel il a consacré les Body Double 2 et 3 (tous deux réalisés en 1995), mais également pour le sens de l’expression. « Body double » signifie littéralement « corps double » et renvoie dans le vocabulaire du cinéma à la « doublure corps » employée pour les cascades et les scènes de nudité.
[18] « Appartenant à la génération VHS, il régurgite une version filtrée par le tube cathodique des objets cinématographiques sur lesquels il fixe son intérêt », explique Pascal Beausse concernant le rapport au cinéma de Brice Dellsperger. Pascal Beausse, « La chambre rose », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html, consulté le 26 septembre 2021.
[19] Nicolas Perge, « Remake ? », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html, consulté le 26 septembre 2021.
[20] Propos de l’artiste dans Marie Canet, « Brice Dellsperger », in Léa Gauthier (dir.), French connection. 88 artistes contemporains, 88 critiques d’art, Montreuil, Black Jack, 2008, p. 238.
[21] Le clip apparaît par exemple dans le Top 13 de ses clips préférés dans le catalogue de l’exposition Playback. Voir Anne Dressen (dir.), Playback, Paris, Paris Musées, 2007, p. 65.
[22] Le burlesque désigne un style de striptease : « humoristique et féministe dans l’esprit des spectacles de cabaret », selon Le Petit Robert 2013.
[23] « Ladies & Gentlemen, take a lift to the 7th Heaven with Miss Ritzy Sparkle. »
[24] Pascale Cassagnau, « Dans le laboratoire de Brice Dellsperger », texte d’une conférence donnée le 8 novembre 2010 à l’école d’art Le Fresnoy, http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html, consulté le 26 septembre 2021.
[25] « Le cinéma emploie le costume sous toutes ses formes, et il est lui-même travestissement de la réalité dans son acte de reproduction, dans l’illusion qu’il génère. Le cinéma est un artifice, il est donc le parfait réceptacle de mes expérimentations en matière de travestissement et de jeu de genres. Je le vois comme une extension du domaine du film, un doublement de la fiction. » Propos de l’artiste in Marie Canet, « Brice Dellsperger », op. cit.
[26] L’artiste va parfois jusqu’à refilmer dans le lieu qui a servi de décor au film original. C’est le cas pour le Body Double (16) (2003) tourné au Château d’Elvaston, à Derby, en Angleterre pour la reconstitution d’une scène de lutte entre deux hommes du film Woman in Love, réalisé par Ken Russel en 1969. Voir le texte d’Éric Troncy, « Ambiguités », http://www.bricedellsperger.com/all_texts.html, consulté le 26 septembre 2021.
[27] Les différents titres utilisés, en plus de celui de Massive Attack, sont Hot Room ((TIGA REMIX) ; GIGOLO 87) de Linda Lamb, The Magnificent Dance de The Clash et At Midnight de T-Connection.
[28] La vidéo a été créée dans le cadre de la collection « DVD’ART » de la société de production <art-netart>, spécialisée dans l’édition d’œuvres vidéo en DVD.
[29] Pascal Beausse, « La chambre rose », op. cit.
[30] « La plus grande partie de la production cinématographique exploite quelques codes qui sont mis en boucle. Je m’efforce de récupérer ce stock de clichés qui tourne sur lui-même. Je ne fais que poursuivre un processus mis en place par le cinéma lui-même. Le cinéma se rejoue lui-même dans un processus d’auto-recyclage incessant. » Propos de Brice Dellsperger cités in Pascale Cassagnau, « Dans le laboratoire de Brice Dellsperger », op. cit.
[31] Un home movie est une production amateur, réalisée sans expertise ou matériel professionnel.
[32] Nicolas Thély, Le tournant numérique de l’esthétique, 1re éd., publie.net, « Art, Pensée & Cie », 2011, p. 25.
[33] Ibid.
[34] Mais il ne faut pas voir une influence de ces travaux artistiques sur les créateurs amateurs qui dans la très grande majorité des cas ne les connaissent pas, l’art contemporain n’étant pas leur modèle. Voir Ibid., p. 26.
[35] Ce n’est pas vrai pour Brice Dellsperger qui met en ligne toutes ses vidéos sur son site Internet (www.bricedellsperger.com/) ou sa chaîne Vimeo, ce qui permet à tous ceux et celles qui le souhaitent d’avoir accès à ses créations, bien que l’exposition reste un médium incontournable pour l’artiste.
[36] Voir Emile Wennekes, « Compositions for a Visitor Who Might Arrive at any Minute: Music in the Work of Pipilotti Rist », in Elixir: The video organism of Pipilotti Rist, Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen, 2009, p. 137. Ce titre a fait l’objet d’une reprise par Pipilotti Rist et apparaît sur l’album Lob Ehre Ruhm Dank du groupe de l’artiste Les Reines Prochaines en 1993.
[37] Ibid.
[38] Selon le concept de « remediation » développé par Jay David Bolter et Richard Grusin. Voir Jay David Bolter et Richard Grusin, Remediation: Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 2000.
[39] Emile Wennekes, « Compositions for a Visitor Who Might Arrive at any Minute: Music in the Work of Pipilotti Rist », op. cit., p. 137.
[40] En 2010, Patrice Flichy estimait que 80% des contenus de ces plateformes de partage vidéo étaient créés par les internautes eux-mêmes, majoritairement des home videos et, pour 15 % d’entre elles, des remix ou des remakes. Patrice Flichy, Le Sacre de l’amateur : Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Paris, Seuil, « La République des idées », 2010, p. 39.
[41] Voir à ce sujet Nicolas Thély, Le tournant numérique de l’esthétique, op. cit., p. 26.
[42] Pour la vidéo Pickelporno (1992), Pipilotti Rist met au point un dispositif de tournage composé d’une petite caméra de surveillance attachée à une tige que l’artiste promenait sur les corps d’un couple en train de faire l’amour dans le but de visualiser les sensations sexuelles.
[43] Mathilde Roman, Art vidéo et mise en scène de soi, Paris, L’Harmattan, « Histoire et idées des Arts », 2008, p. 122.
[44] À cause des standards établis par MTV (interdisant notamment la nudité et le traitement de certains sujets), un clip qui aurait comporté de telles images n’aurait jamais pu être diffusé sur la chaîne.
[45] Mathilde Roman, Art vidéo et mise en scène de soi, op. cit., p. 122.
[46] Propos de l’artiste in Christoph Doswald, « « I Am Half-aware of the World »: Interview with Christoph Doswald », in Pipilotti Rist, Londres, Phaidon, 2001, p. 126.
[47] Il est important de noter que les images de la vidéo Blutclip avaient d’abord été filmées par l’artiste pour une émission de télévision pour adolescents sur le thème des menstruations diffusée sur une chaîne suisse. Elle décide ensuite de les réutiliser pour réaliser une vidéo artistique sur le sujet. Par la suite, l’artiste a conçu deux installations à partir de ces images : Blauer Leibesbrief (Blue Bodily Love Letter) (1992/1998) et Blutraum (Blood Room), (1993/1998).
[48] Cette reprise du titre d’Isaak a été à l’origine enregistrée sous le titre „Opfer dieses Liedes“ pour apparaître sur l’album Le Cœur en Beurre du groupe Les Reines Prochaines sorti en 1995. Voir Emile Wennekes, « Compositions for a Visitor Who Might Arrive at any Minute: Music in the Work of Pipilotti Rist », op. cit., p. 136.
[49] Le clip du titre de Chris Isaak avait été réalisé en 1991 par le photographe de mode américain Herb Ritts. Il avait notamment connu un grand succès sur les chaînes musicales MTV et VH1 au moment de sa sortie. Cette grande popularité motive le choix de l’artiste.
[50] « No, I don’t wanna fall in love. »
[51] Nicholas Chambers, « Pictures came and broke you heart’ », in Kathryn Elizabeth Weir et Nicholas Chambers (dir.), Video Hits: Art and Music Video, South Brisbane, Queensland Art Gallery, 2004, p. 44.