La visite du « marché aux esclaves ». L’écrivain-voyageur à l’épreuve du topos (Lamartine, Nerval)
La visite du « marché des esclaves » ou « bazar des esclaves » est, dès le début du XIXe siècle, un lieu commun des récits de voyage en Orient. Constituée en « épisode », celle-ci a été intégrée à l’horizon d’attente du genre et fait l’objet de nombreuses reprises, largement influencées par les modèles de Lamartine (1835) et de Nerval (1851), dans leurs Voyage en Orient. Au Caire et à Constantinople, les voyageurs découvrent des corps exposés et vendus en fonction de critères racialistes. Dans le contexte abolitionniste et colonialiste de la France des années 1830-1850, ce topos a de lourds enjeux idéologiques et politiques. Il invite à interroger le positionnement du voyageur, mais également sa réaction et ses émotions face au spectacle de la misère humaine. Dans cette situation de voyage, l’écrivain se trouve confronté à lui-même et à son lecteur. Entre conventions et jeux de distanciation, cet épisode révèle également le potentiel subversif du récit de voyage dans sa confrontation au discours dominant.