Plan de l'article :
Des objets de commémoration et de célébration
Une célébration médiatique de l’histoire et du patrimoine des journaux
La célébration d’un passé imaginé
L’interprétation généalogique et familiale de l’historiographie du journal, entre réalités et stratégies
Dire l’histoire du journal en termes de relations familiales
Stratégies d’écriture généalogique
Des généalogies professionnelles : filiations et transmissions symboliques d’identités professionnelles
Permanence des idéaux et réactivation des valeurs fondatrices
Les portraits, des lieux symboliques de la transmission d’un héritage professionnel
Les leçons de journalisme des numéros jubilaires : une identité journalistique en actes
Combien nous apparaît rapide le fleuve des ans, lorsque, regardant vers sa source, nous reposons nos regards sur les terres qu'il a fertilisées.
1883-1933 — cinquante années.
Une fois et demie la durée que les tables de vie accordent à une génération.
Cinquante années : le signal donné aux cloches des noces d'or.
Cinquante ans : la courte halte accordée à certains pour considérer en arrière si l'on a tenu ce que l'on s'est promis1
.
Ce « collaborateur de la première heure » de La Libre Belgique, P. Wauwermans, revient par l’écriture de ses souvenirs à la « terre » des origines du journal, en généalogiste qui circonscrit le territoire de ses ancêtres et se met en quête d’une histoire originelle. Il convoque un outil de mesure du temps de la vie humaine (« les tables de vie ») pour opérer une lecture de la longévité du journal et de ses acteurs ; les rédacteurs de 1933 appartiennent alors à la deuxième « génération » de journalistes de la maison. Il autorise donc à questionner la transmission de valeurs d’une génération à la suivante. L’anniversaire du journal s’apparente à celui d’un mariage (les « noces d’or ») ; c’est donc que ces générations successives sont les garantes d’une union et de promesses originelles. Ces deux métaphores, généalogique et maritale, invitent alors à questionner la permanence des identités journalistiques et de certains principes, tout autant que l'attachement des journalistes à leur maison. Cette double symbolique permet également de prendre conscience du contrat moral que peut représenter l'activité de journaliste, ce contrat étant exprimé non en termes de responsabilité sociale (contrat passé avec les lecteurs) mais d'appartenance à un lignage qui engage (double contrat passé avec une précédente génération et vis-à-vis des alliances fondatrices qu'elle a conclues). Aussi, la célébration de ce contrat originel peut à la fois être le moment de rappeler l'importance de certains (principes) fondateurs et de mesurer l'héritage reçu d'un tel contrat.
Dès lors, l’enjeu d’un numéro jubilaire est d’exercer un jugement sur le chemin parcouru ; le discours d’autocélébration du journal est ainsi envisagé comme une mise à l'épreuve de principes primitifs et de l'attachement à un engagement vis-à-vis d’une famille fondatrice.
Au-delà du seul cas de La Libre Belgique, la démarche et le programme représentationnel de la généalogie ont été utilisés par les journaux belges francophones pour penser leur propre histoire et pour envisager les rapports professionnels entre patrons, rédacteurs et ouvriers du journal, à un moment de structuration et définition du statut professionnel du journaliste en Belgique. La question des compétences journalistiques et de la formation qui mène à un tel métier est alors au cœur des préoccupations puisqu’est créé en 1921-1922 à Bruxelles le premier Institut pour journalistes. Des associations de journalistes existent depuis la fin du XIXe siècle en Belgique ; elles écartent du journalisme les amateurs puis tendent à se dissocier des patrons de presse au cours du XXe siècle, ce qui n’est pas sans faire écho à la situation de la profession en France 2
. Dans les années 1920 et 1930, la « modernité » se diffuse à tous les champs de l’activité humaine, de la littérature à l’industrie ; la presse belge se dit moderne et se présente comme telle au monde entier lors de l’Exposition internationale et universelle de Bruxelles en 1935. Les transformations mécaniques de la production de l’information s’accompagnent de la naissance d’une communication d’entreprise, qui permet de réguler les rapports entre patronat et ouvriers : quelques journaux d’entreprises sont créés en Belgique à « la fin des années ‘20, où le thème de la collaboration de classe est cultivé dans les milieux patronaux catholiques, et [aux] lendemains de 1936, quand l’opposition au mouvement ouvrier organisé, plus particulièrement au communisme, mobilise plus fortement le patronat3
». Ainsi, la communication d’entreprise commence à être comprise comme un moyen de prévenir d’éventuels conflits sociaux et de maintenir un lien entre le patronat et les ouvriers. C’est donc dans ce contexte de structuration du groupe professionnel des journalistes belges francophones, de la célébration de la modernité de la presse d’information et de la création d’une communication journalistique d’entreprise, que paraissent les numéros jubilaires de grands quotidiens nationaux, dont L’Étoile belge (1925), Le Peuple (1925 et 1935), La Libre Belgique (1934) et Le Soir (1936-1937)4
. Comment dès lors ces numéros rendent-ils lisible une identité collective des journalistes attachés à un titre de presse ? Quels sont les enjeux de ce « social apprivoisé par la "mise en famille"5
» ?
Ces objets de commémoration et de célébration mettent en lumière un patrimoine historique familial, attesté par des documents d’archives, au cœur du récit d’un passé imaginé. L’historiographie des journaux se trouve alors mise en tension entre la réalité et des stratégies de communication, dans lesquelles l’interprétation généalogique du passé est la clé. Dans ce cadre, les identités professionnelles journalistiques apparaissent par conséquent comme le fruit de filiations et de transmissions symboliques, des fondateurs aux collaborateurs des années 1920 et 1930.
Des objets de commémoration et de célébration
Une célébration médiatique de l’histoire et du patrimoine des journaux
Les dispositifs éditoriaux des quatre quotidiens pour célébrer leur anniversaire ont pour point commun de présenter deux principaux types de contenus : des contenus documentaires qui reviennent sur les grandes heures et figures de leur histoire, et le récit des célébrations en elles-mêmes. À cela s’ajoute un troisième contenu pour deux journaux : la promotion d’une entreprise de presse moderne, essentiellement grâce à de nombreuses photographies des ateliers.
L’Étoile belge célèbre en 1925 ses 75 ans à travers l’édition d’un « supplément gratuit » qui constitue le « numéro jubilaire » ; la « journée jubilaire » est racontée en Une du numéro du lendemain. En 1925 également, Le Peuple fête la sortie de son premier numéro quarante ans auparavant en consacrant trois pages d’un numéro à cet événement. Dix ans plus tard, il célèbre sa cinquantième année d’existence grâce à un dispositif transmédiatique de grande ampleur, constitué d’une succession d’annonces et d’articles sur neuf numéros, accompagnés de deux concerts retransmis à la radio et d’une programmation de 46 conférences entre le 10 et le 29 décembre 1935. C’est une véritable campagne de presse à la gloire du journal et du Parti Ouvrier. La Libre Belgique fête beaucoup plus modestement son cinquantième anniversaire en 1934 à travers deux pages spéciales et le récit des célébrations dans le numéro du lendemain. Fin 1936, Le Soir consacre des pages spéciales à ses 50 ans d’existence dans trois numéros consécutifs. Dans ces dispositifs, les lecteurs deviennent spectateurs de fêtes familiales ; ainsi, « la maison de l’"Étoile belge" devait être belle pour fêter les noces de diamant de notre journal avec l’actualité6
» ; « la grande famille du "Soir" » organise « une fête du cœur et de l’amitié » destinée à « tout le personnel, — direction, rédaction, administration, agence, ouvriers confondus dans une même fraternité7
». Le Peuple se trouve pour sa part victime de son succès en devant se justifier auprès de ses lecteurs qui n’auraient pas reçu l’une des 1400 cartes d’invitation en circulation8
. Toutefois, la pertinence de telles festivités d’anniversaire est paradoxalement contestée par P. Wauwermans pour La Libre Belgique :
La date de 1934 ne sera […] célébrée par des festivités en des atmosphères d'apothéose, mais par des souvenirs et des prières.
Le journaliste assiste à trop de cérémonies, entend, de par sa profession, trop de discours et de toasts, — dont le vide lui apparaît si souvent insondable lorsqu'il doit les résumer — pour qu'il soit enclin à des rites de ce genre. Le journaliste, juif-errant de l'actualité, n'a pas le loisir de s'arrêter, fut-ce [sic] même tous les vingt-cinq ans, pour exalter son œuvre.
À peine peut-il, en continuant sa course, tourner un regard en arrière pour mieux comparer la route à suivre à celle à poursuivre.
1934 : une date. Dieu protège la "Libre Belgique" et la conserve telle que l'on faite ses fondateurs9
.
Le rédacteur rejette un discours autotélique de la presse (condamnable, selon lui, sur le plan éthique), associé à une célébration laïque du souvenir. La Libre Belgique organise plutôt une messe solennelle d’actions de grâces, célébrée par le R. P. Robert Jourdain, fils de Louis Jourdain, et par son premier assistant, l’abbé Georges Valentin, petit-fils de Victor Jourdain, Louis et Victor étant les deux fondateurs du Patriote, prédécesseur de La Libre Belgique. Ceux qui prennent en charge la célébration ont donc une autorité religieuse qui confèrerait sa légitimité à la cérémonie, en même temps qu’ils ont une légitimité naturelle (puisqu’ils sont descendants des fondateurs) qui autorise dès lors la prise de parole.
La célébration du journal est ancrée dans la représentation photographique de ses locaux, qui incarnent un patrimoine reçu en héritage, solide et toujours vivant10
. Pour les quatre journaux, les numéros jubilaires permettent de dresser un bilan de leur existence (par des articles sur l’histoire du journal, d’autres à propos de sa situation dans le débat d’idées actuel) et de se projeter vers l’avenir : « Vingt cinq [sic] années de journalisme [depuis les noces d'argent] de caractère tout différent, où la "Libre" a su conserver sa place. […] Voici à présent un nouveau cycle qui s'ouvre. La course vers le Centenaire11
. » Les anniversaires sont aussi un moment commémoratif de la disparition de journalistes. Dans des portraits très élogieux, relevant presque de l’hagiographie, Le Peuple rend hommage à ses « Disparus ». La mémoire d’un des leurs « est restée chère aux camarades actuels de la rédaction qui ont eu le bonheur de vivre avec lui le coude à coude amical et fraternel du travail journalier ». C’est le souvenir des morts qui fonde l’esprit de confraternité : « Ils sont morts, aujourd'hui, mais dans la maison qu'ils aidèrent à bâtir, leur souvenir ne périt pas12
. »
Ces numéros jubilaires constituent par conséquent aussi des archives pour l’histoire du journal car ils sont une compilation d’articles de souvenirs et de réimpressions. Une poétique de l’archive est mise au service de l’authentification13
d’un héritage et d’une filiation, comme le ferait un généalogiste en quête de ses racines. Les réimpressions d’articles réactivent les valeurs fondatrices et rappellent les mots de ralliement des premiers journalistes. La Libre Belgique republie en 1934 un article de Victor Jourdain écrit pour le 25e anniversaire du Patriote, pour rappeler l’indépendance du journal vis-à-vis des hommes politiques et des financiers, tandis que Le Peuple réimprime en 1935 le « Manifeste du Parti Ouvrier aux associations ouvrières en 188514
». Dans trois des quatre journaux, les fac-similés des premiers numéros constituent des lieux de mémoire d’une poétique éditoriale. L’Étoile belge reproduit par exemple les quatre pages de son premier numéro, sur chacune des pages du supplément « anniversaire » [illustration 1] : « On y trouvera des indications curieuses sur la presse de l’époque15
. »
Ce dispositif graphique invite à une lecture historicisée du premier numéro (l'intérêt de celui-ci s’étend manifestement au-delà de la seule actualité) et fait des journaux édités en 1850 un fonds convocable pour écrire l'histoire d'une entreprise de presse. L’Étoile belge propose ici une filiation poétique du support journalistique en ce que les lecteurs peuvent observer l’évolution du rubriquage et de la quatrième page de couverture, alors dépourvue d’annonces en 1850.
Dans cette convocation de l’objet archivistique, les portraits photographiques sont une matière essentielle et occupent souvent des pages entières [illustration 2].
Ils participent à la transmission d’une image de la famille composée de peu de femmes16
. La Une du Peuple du 13 décembre 1925 est une galerie de soixante portraits des fondateurs (au centre), rédacteurs, collaborateurs et correspondants [illustration 3].
Ce sont la cohésion des membres et la force d’un collectif qui s’expriment dans cette accumulation. Le numéro jubilaire du Soir du 31 décembre 1936 contient jusqu’à 111 portraits photographiques. Preuve de l’importance du portrait pour la célébration du journal comme groupe structuré, son absence est sentie comme un manque dans l’historiographie de l’entreprise de presse, ce qui accentue par contraste l’importance du travail d’enquête et de recomposition généalogique qu’exécutent les journalistes dans les numéros jubilaires :
J'aurais voulu illustrer mon article d'un portrait de Marcellin Faure : j'ai vainement recherché ce portrait, j'ai vainement fait appel à l'Institut international de bibliographie, à mes confrères de l' « Intermédiaire des chercheurs et curieux », aux lecteurs du « Soir », à M. Paul Hymans. Sous le signe du daguerréotype, on ne prodiguait point son image17
!
Dans Le Peuple, la scénographie auctoriale des journalistes est complétée, comme sur un acte notarial, des signatures autographes des auteurs pour le numéro des 15 et 16 décembre 1935. Objet mémoriel d’une figure tutélaire, la médaille gravée parachève le kaléidoscope de la représentation généalogique : La Libre Belgique reproduit la médaille jubilaire à l’effigie des fondateurs du Patriote, Victor et Louis Jourdain, en Une du numéro des 1er et 2 janvier 1934 ; Le Soir reproduit le profil gravé de D’Arsac, qui lui est offert pendant la cérémonie d’anniversaire18
. Comme s’il était plus durable qu’une pièce de monnaie, le journal enregistre l’héritage sculpté d’une famille. La célébration du passé du journal s’appuie donc sur tous les « fétiches » d’une archivistique familiale.
Pour autant, la modernité technologique de l’entreprise est elle aussi promue grâce à des photoreportages dans les ateliers, dans lesquels les employés posent devant leur poste de travail — avec plus ou moins de naturel. Les numéros jubilaires célèbrent la puissance économique du journal par des séries photographiques : « la salle de rédaction », « la typographie », « la clicherie », « l’administration », « l’atelier de photogravure », « la rotative » et « l’expédition » du Peuple sont dévoilés aux lecteurs en 192519
; les ateliers donneront lieu dix ans plus tard à un « Petit voyage autour du journal Le Peuple20
» constitué d’un photomontage pleine page [illustration 4] ; Le Soir présente en 1937, entre autres, « la salle des dépêches, rue Royale, avec vue sur les rotatives » et le bureau des « fils spéciaux21
».
Derrière ces photographies, c’est le message d’une équipe unie qui est défendu :
Une des caractéristiques du journal dont on fête aujourd'hui le cinquantième anniversaire de la fondation, c'est l'admirable esprit d'équipe qui unit fraternellement les rédacteurs, les ouvriers, les employés. Un esprit qui a l'occasion, chaque jour, de se manifester et dont les preuves, invisibles cependant, s'étalent quotidiennement dans le journal que l'on confectionne22
.
Ces photoreportages reflètent un esprit de cohésion interne et la conscience qu'un collectif fait corps ; les limites du collectif ne sont alors pas celles de l’activité de journaliste mais de celles de tous les métiers du journal : « Cet esprit est sans doute provoqué dans une large mesure, par le lien qui unit tous les services d'une telle organisation. Tout se tient et on ne peut mieux comparer l'ensemble de l'œuvre qu'en songeant à une main composée de ses cinq doigts23
. » Dans cette représentation collective textuelle et photographique, l’entreprise de presse est aussi puissante que la main d'un seul homme, qui est tout autant celle de l’ouvrier que celle du journaliste qui écrit.
La modernité célébrée du journal est également celle de la division et de la spécialisation du travail : « télégraphistes », « rédacteurs », « secrétaire de rédaction », « typographes », « linotypistes », « correcteurs », « habilleurs », « metteur en page », « envoyés spéciaux », « rédacteurs de province », « homme de soupe – ainsi appelé en raison de la diversité de sa tâche24
» sont photographiés. Le Soir consacre une page de cinq photographies de groupes d’employés spécialement attachés à la diffusion du journal : « le service des annonces », le « Service de l'affichage et de la publicité dans les tramways », « les porteurs de journaux du "Soir" », « le personnel des services "Journaux divers" et "Studio" et les courtiers de l'agence Rossel », « le personnel mécaniciens et chauffeurs du service des transports», le photoreportage étant complété par une vue en plongée sur la foule attendant « la sortie d'une édition devant l'immeuble du "Soir"25
». Les photographies peuvent par ailleurs se prêter à une interprétation familiale du collectif, puisqu’elles rappellent notamment celles prises au moment des noces26
.
Par la mise en scène d’un patrimoine familial qui paraît être le socle d’une l’organisation actuelle moderne des firmes médiatiques, les quatre journaux mènent une véritable « action de propagande »27
. Celle-ci s’inscrit d’ailleurs dans le discours de promotion de la presse belge face au monde entier lors de l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles en 1935, puisque le président de l’Association Générale de la Presse Belge, un certain Frans Fischer, fait le choix de ne présenter qu’une exposition de la presse belge, plutôt que de montrer l’hétérogénéité idéologique et industrielle de la presse mondiale. Il loue alors pour la Belgique les « richesses matérielles et morales que représentent dans l'économie et la civilisation d'un pays, les entreprises, les patrimoines techniques et les rayonnements culturels, éthiques et esthétiques du journalisme d'opinion et d'information. »28
La célébration d’un passé imaginé
Le passé qui est commémoré est en réalité un passé imaginé, qui permet l’ancrage symbolique de la généalogie du journal29
. Les articles au contenu historique empruntent à une mythologie des origines. « Le grain de senevé [sic] est devenu un grand arbre »,30
écrit par exemple Émile Vandervelde, qui parle de la prospérité du Peuple grâce une métaphore religieuse. Le passé de la création d’un journal fait référence à un « âge d’or » et au « feu »31
originel des journalistes.
La mémoire des origines se dit aussi avec des accents lyriques et épiques qui transfigurent les ancêtres fondateurs. Pour son quarantième anniversaire, Le Peuple rend « aux survivants de ces temps héroïques — à Louis Bertrand, Édouard Anseele, Joseph Milot, Édouard Bosiers, Romain Van Loo — [son] hommage ému et reconnaissant »32
. Il est aussi question de « l’inoubliable phalange des rédacteurs du "Peuple" »33
qui s’est mise « en route pour une aussi grandiose aventure », ayant « au poing les meilleures armes pour atteindre, frapper et éliminer l'adversaire »34
. Journal catholique, La Libre Belgique convoque également cet imaginaire du combat pour désigner ses journalistes : « Le Patriote [...] a créé des catholiques virils et fiers d'eux-mêmes, osant regarder l'adversaire dans le blanc des yeux, il a formé des lutteurs, qui, à la force du poignet, ont fini par se faire respecter. »35
Le Patriote était alors « animé du désir de conquérir pour la presse catholique un plus vaste champ d'action »36
. La naissance du journal dans les années 1880 s’inscrit dans une aspiration (épique) à la modernité, elle-même grand enjeu discursif des années 1920 et 1930 :
Il fallait un journalisme nouveau, des troupes fraîches et d'attaque. La Belgique réclamait un journal catholique, conçu selon d'autres méthodes plus modernes et alertes37
.Ils avaient déjà la vision de ce qu'un journal écrit pour le peuple devait être non seulement une feuille de combat, mais une sorte d'immense magasin d'idées, une « wholesale » intellectuelle où rien de ce qui peut solliciter la curiosité du lecteur ne lui fût refusé38
.
Dans cette grandeur mythique du passé, toute la troupe armée des rédacteurs se masse dans le petit local des débuts, lieu d’ancrage à la fois réel et symbolique d’une mémoire. D’après Vandervelde, l’idée de la création du Peuple prend forme à « l'estaminet du "Cygne" », « dans un petit local, à côté de la cuisine du patron »39
. La « Maison de la rue de Ligne » du Patriote était une « ruche », dans laquelle « salle à manger, salons, vestibules, [étaient] encombrés d'affiches, circulaires, bulletins de souscription »40
. Le Soir, quant à lui, « vit le jour vers la fin de décembre de l'année 1887, dans un modeste local de la rue d'Isabelle, aujourd'hui disparu. »41
Le journal Le Soir en 1937 se démarque des autres journaux en ce qu’il ne présente pas de reconstruction d’un passé mythique (bien qu’il célèbre ponctuellement les grandes valeurs de ses fondateurs). Il retrace dans un article de fond très documenté l’histoire et le développement de la presse belge. Toutefois, cet article réutilise le biographème d’un Marcellin Faure « rédacteur sténographe habile et intelligent »42
(cité entre guillemets), appelé de Paris, déjà présent dans le récit donné par L’Étoile belge de sa propre histoire en 1925, ce qui instille le doute quant à l’objectivité d’un tel récit, peut-être en réalité nourri d’un imaginaire médiatique collectif du journalisme. Mobilisant les mêmes topoï d’une époque et d’un lieu originel, les numéros « anniversaire » sont donc le lieu d’une mémoire mythique du journalisme, mais aussi celui de la fabrication d’un ethos corporalisant43
du journaliste combattant et engagé. L’historiographie du journalisme belge francophone qui s’écrit dans ces numéros oscille entre commémoration de la naissance des journaux, invention d’une lecture épique des débuts et promotion d’une modernité technique. Ces trois aspects font l’objet d’une mise en récit médiatique dont la généalogie est la clé.
L’interprétation généalogique et familiale de l’historiographie du journal, entre réalités et stratégies
Dire l’histoire du journal en termes de relations familiales
La mémoire généalogique du journal s’écrit à travers le vocabulaire métaphorique de la filiation et des catégories de parentés, qui sont deux « structures mentales »44
de la représentation généalogique de l’histoire d’une famille, ici convoquées comme cadre du récit journalistique de l’histoire d’une entreprise de presse. Outre la récurrence des termes « maison », « frères », « père », etc. dans les quatre journaux, le journal est corporalisé à travers le récit de son enfance. Le Patriote était en 1884 un « nouveau-né »45
. Le journal est baptisé : « On peut dire que le "Soir" a eu deux fondateurs : Émile Rossel, qui présida à son baptême, en 1887, et son fils Victor Rossel, qui, en novembre 1918, après la guerre, lui redonna la vie. »46
Puis l’enfant grandit : « Ses premiers pas furent quelque peu hésitants, mais les difficultés, inhérentes aux débuts, ne durèrent pas longtemps. »47
Le journal est aussi enfant des idées et des partisans qui l’ont vu naître : « Il a bien marché, le petit fils du socialisme et de la classe ouvrière organisée, pour la lutte émancipatrice du Travail. »48
Les rédacteurs du Peuple utilisent largement la métaphore du journal être vivant de papier, « rejeton » qui prend de la force au fil des ans sous le regard d’un père fondateur :
C'est qu'il a grandi, son gars, pris du muscle, élargi son cœur et meublé son cerveau. Si chaque dimanche, Louis Bertrand, en passe de devenir octogénaire, vient lui rendre visite, ce n'est pas comme un bon aïeul, paterne et trop enclin à ne parler que de vieilles histoires du passé, mais comme un rude et alerte compagnon de vie, l'esprit en éveil, la plume toujours aux doigts, disant à tous comment il faut parler au peuple49
.
La relation familiale permet de décrire le rapport d’un ancien à la nouvelle rédaction, en contournant ce que cette représentation de la filiation et de la transmission pourrait contenir de négatif (la figure de l’aïeul radotant et donc débitant des informations peu pertinentes). L’enfant devient finalement « un grand journal moderne malgré son âge » :
Le « Peuple » a cinquante ans. Il ne les paraît pas, car s'il a grandi, il n'a pas vieilli. Au contraire, pourrait-on dire. Il suffit de contempler le visage qu'il a en ce jour anniversaire pour fonder sur son avenir les plus belles espérances. C'est, en quelque sorte, un bel adulte qui promet et qui a l'habitude de tenir ses promesses50
.
La « promesse » est celle de l’expérience de l’adulte (et non celle de l’enfant qui serait prometteur et dont les exploits resteraient encore à prouver). Elle fonde de manière imagée la maturité du journal. Celui-ci est engagé vis-à-vis de ses lecteurs par l’héritage familial qu’il a reçu. Les motifs de la naissance et du passage à l’âge adulte construisent peut-être dans le discours journalistique l’idée de la responsabilité pérenne de la presse vis-à-vis de ses lecteurs qui ne peut être reniée parce que fondée par un attachement naturel à des ancêtres et à leurs idées.
Stratégies d’écriture généalogique
« Rhétorique de légitimation » 51
, la généalogie est malléable pour celui qui, cherchant des origines nobles, écarte de la lignée un ancêtre un peu trop roturier. Les stratégies de certains journaux sont à cet égard caractéristiques. Émile Rossel, d’une « droiture intégrale », n’a été en effet « maître… et du terrain, et du Soir » qu’après avoir réglé le conflit qui l’a opposé à ses premiers associés. Ceux-ci l’avaient trahi en louant la quatrième page à une société de publicité financière. Le récit généalogique est alors celui d’une possession territoriale et de l’exclusion des traîtres de la lignée : « le caractère du journal fut, dès ce jour, définitivement établi, sa voie définitivement tracée. — Ce serait un journal honnête et pur de toute compromission financière, ou il ne serait pas. » L’intégrité morale devient l’emblème de la famille du « père Rossel » : « Il y a cinquante ans de cela et la règle n'a pas changé. Ce fut la devise d'Émile Rossel, ce fut celle de Victor Rossel, et ce sera celle de leurs successeurs. Le Soir restera honnête et pur, ou Le Soir cessera d'exister. »52
Lorsque l’entreprise n’est pas le fruit des efforts conjugués d’une même famille sur plusieurs générations, la lecture généalogique devient un enjeu primordial pour donner des gages sur la solidité des fondations de l’entreprise. La recherche des ancêtres s’apparente à une explicitation, voire à une justification, de leur lien au journal. C’est le discours que tient L’Étoile belge à ses lecteurs à propos de Marcellin Faure, un Toulousain propriétaire fondateur du journal en 1850. D’abord anonyme dans le récit de fondation, il est un « rédacteur sténographe habile et intelligent » « appelé de Paris » 53
en 1830 pour rendre compte des séances du Congrès National dans L’Union Belge, journal officiel publié aux frais du gouvernement. Dans ce « métier de galérien »23
, le travail est ingrat, la tâche est surhumaine pour un seul homme, le journaliste est peu aidé par les membres du Congrès qui ne daignent pas lui envoyer la copie manuscrite de leurs discours. L’intertitre « Où Marcellin Faure apparaît » permet alors d’identifier textuellement ce personnage du récit historique, que le rédacteur qualifie par la prolepse de « futur fondateur de l’"Étoile Belge" ». Si les racines belges du journal sont bel et bien écrites, l’auteur se lance également dans une enquête généalogique en retranscrivant intégralement l’acte de naissance de Marcellin Faure. Cet acte permet en réalité de signaler la profession du père, « homme de loi ». Le fils Marcellin, lui, « fait son droit », comme héritant d’un choix professionnel… qu’il renie finalement au profit du journalisme : « Ce grade de licencié permettait à Faure d’entrer au barreau. Le bâtonnier de l’ordre des avocats de Toulouse, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, m’ont fait savoir qu’il ne s’y fit point inscrire. » À Paris, il se « passionn[e] surtout pour la "tachygraphie", un système d’écriture rapide ». Et le voilà tout à coup arrivé en Belgique : « Faure fit donc, au Congrès, le compte rendu des séances pour l’"Union Belge". »54
On voit comment le portrait, sous la forme d’une enquête généalogique incarnée par le « je » du journaliste, permet d’écrire la trajectoire de Marcellin Faure jusqu’à la Belgique et de faire un sort dans le récit à ses racines françaises. Ce portrait, ainsi que le récit de carrière qui le suit, ont une fonction de cheville narrative pour l'histoire du journal. Ils résolvent le paradoxe de la création d’un journal belge par un Français. Autrement dit, ce portrait est la généalogie d’une adoption (celle de Faure par la Belgique)55
, plus que d’une naissance.
Une stratégie d’écriture de la filiation est aussi perceptible dans le numéro « anniversaire » de La Libre Belgique. Propriété de la famille Jourdain, Le Patriote, quotidien commercial populaire d’opinion catholique, disparaît en 1915 du fait de la guerre et c’est une Libre Belgique clandestine qui paraît le 1er février 1915, sous la direction secrète de Victor Jourdain. Pendant la guerre, un groupe de catholiques se manifeste par l’intermédiaire d’un « allié de la famille Jourdain » pour reprendre le titre de La Libre Belgique. Mourant, Victor Jourdain se voit contraint de décider ce que lui et son frère avaient toujours refusé, céder leur journal et le faire paraître non plus sous le titre originel du Patriote, mais sous celui de La Libre Belgique. L’article fait alors le récit des tractations, qui sont de véritables pourparlers tels que l’on pourrait en rencontrer lors de l’alliance de deux familles : « Sur son lit de mort, questionné une dernière fois, presqu’en rendant [son] dernier soupir, il céda […] et déclara qu’on pouvait s’en [référer ?], pour une décision à prendre, [à] l’avis du cardinal Mercier. » Alors que les deux frères meurent en 1918, le tiers désigné pour régler la succession autorise la reprise du titre par le groupe de catholiques. Et l’auteur de l’article de conclure en avalisant la transmission du titre sur le plan des valeurs : « Victor et Louis Jourdain sont morts. Leurs successeurs sont pénétrés du même esprit qui les animaient [:] ils s'efforcent de servir au mieux les intérêts de la Religion et du Pays, ils conservent une indépendance un peu farouche... »56
Rien n’est dit sur le retour de Paul, l’un des deux fils de Victor Jourdain, passé en Angleterre pendant la guerre et qui prend finalement la direction du titre « au lendemain de la guerre »57
. La transmission ainsi racontée n’est pas celle d’un héritage familial mais celle d’une alliance de principe entre une famille et un groupe de partisans de la cause catholique. Les numéros jubilaires aménagent la réalité de la transmission de l’entreprise grâce à une lecture généalogique des faits, la généalogie étant entendue comme un système représentationnel de l’authenticité d’une filiation. Si la famille et les liens de sang sont une clé de compréhension et de promotion de l’histoire du journal, ils permettent également d’expliciter une transmission de valeurs et de contribuer à forger des identités professionnelles par-delà les générations.
Des généalogies professionnelles : filiations et transmissions symboliques d’identités professionnelles
Permanence des idéaux et réactivation des valeurs fondatrices
Comme les généalogistes qui s’intéressent à la transmission d’une identité familiale, les numéros jubilaires sont le réceptacle d’un discours sur la transmission de valeurs dans lequel l’idée de filiation permet de valider les orientations éditoriales du journal. Frans Fischer évoque une fidélité aux principes originels du Peuple : « Un journal qui se respecte n'a pas le droit de céler [sic] ni ses origines, ni ses ressources. Il ne doit surtout n'avoir jamais à en rougir. Nous sommes fiers d'habiter une maison bâtie par le sacrifice de la multitude des pauvres. »58
La Libre Belgique insiste à plusieurs reprises sur le programme initial du Patriote. Celui-ci est réimprimé dans le numéro anniversaire de 1934 : il appelait cinquante ans plus tôt au « retour des traditions d'union et de liberté de 1830 » pour le rétablissement des droits constitutionnels des citoyens et à la non-intervention de l’État « dans tous les actes les plus intimes de la vie morale des citoyens »59
. La ligne éditoriale de La Libre Belgique est donc une réactivation des idéaux de 1830 qui ont été fixés dans la Constitution belge. La solidité idéologique du journal est attestée par les mêmes fondations que celles de l’État belge.
Des articles comme les « Éphémérides des Campagnes menées par le Peuple depuis 1885 »60
, qui listent année après année les combats dans lesquels s’est engagée la rédaction, ou « Les grandes enquêtes du Soir », démontrent en réalité beaucoup plus précisément la permanence des valeurs que les déclarations de principe évoquées précédemment, celles-ci apparaissant peut-être davantage comme une résolution discursive du paradoxe inhérent au journal, c’est-à-dire un perpétuel renouvellement qui doit pourtant assurer la permanence d’une identité éditoriale. Voulant démontrer que Le Soir a parfaitement rempli son devoir d’informateur, un rédacteur détaille les grandes enquêtes menées par les reporters à l’étranger et conclut : « Ajouterons-nous que succès oblige et que demain, comme hier, le « Soir » sera présent partout où quelque chose de neuf sera signalé, qu’il continuera à tenir impartialement, complètement, ses lecteurs au courant des grands événements internationaux. »61
Cet affichage ostensible d’une permanence des valeurs paraît être le résultat d’une injonction des discours de commémoration retranscrits dans ces numéros jubilaires : si l’on commémore les fondateurs, l’on commémore aussi les valeurs héritées. La célébration se transforme en édification morale qui acte ainsi l’impossibilité de se départir d’un héritage familial et engage les journalistes dans leur attachement à l’entreprise :
Messieurs, l'exemple d'Émile Rossel et de son fils doit demeurer dans nos mémoires. Il illustre ce que peuvent réaliser la volonté et la droiture humaines, unies dans une action persévérante. — Vous ne les oublierez jamais, et surtout si nous traversions à nouveau des heures d'épreuves, et si vous deviez vous-même consentir des sacrifices, vous songerez, à ce qu'ils furent pour vous. — Leur bonté, leur préoccupation de vous considérer comme des amis, ces qualités bienfaisantes, vous les retrouverez chez leurs descendants. — Demain comme hier, faire partie de la Grande Famille du Soir, doit vous inspirer confiance et réconfort, ainsi qu'affection et dévouement ; tous les grands sentiments de la vie doivent être réciproques62
.
L’on peut conclure que la démonstration d’une fidélité est tout autant la conséquence d’une réalité historique (les titres de journaux ont bel et bien perduré) qu’une condition discursive de cette réalité : c’est parce les journaux savent dire leur attachement aux valeurs de leurs fondateurs qu’ils démontrent leur capacité à perdurer dans le champ médiatique. Les numéros jubilaires participent d’une réactivation constante des valeurs qui justifie la mission d’information des journaux à destination de publics qui leur restent ainsi attachés par-delà les générations. La métaphore de la filiation permet de naturaliser un processus qui est entièrement socioculturel (la permanence d’une ligne éditoriale) et donc soumis à des changements idéologiques. Comme l’évoque André Burguière dans son article qu’il consacre à la généalogie comme un des Lieux de mémoire,
l'ancienneté comporte aussi une autre signification. Elle ne traduit pas un pur désir de durer, une puissance biologique de la lignée qui sous-tendrait sa puissance morale. Elle affirme un droit à demeurer là, au sein de la bonne société, qui a été acquis par l'ancêtre responsable de l'établissement [en un lieu] et confirmé par la suite grâce au maintien des qualités que la ville d'accueil avait reconnues chez le nouvel arrivant. Ce récit généalogique énonce en forme de parabole un droit de bourgeoisie63
.
Se souvenir des valeurs fondatrices et retracer leur transmission à travers les portraits de plusieurs générations de journalistes, c’est donc réaffirmer un droit de cité dans le paysage belge francophone des années 1930.
Les portraits, des lieux symboliques de la transmission d’un héritage professionnel
Quelles sont donc les valeurs professionnelles admirées chez les journalistes des années 1850 et 1880 ? Une des matières essentielles des numéros jubilaires est le portrait, textuel ou iconographique, de grandes figures du journalisme. Ces portraits sont envisagés comme des modèles de vertu journalistique : « Et je ne les évoquerai, en dépit de l'émotion qui nous étreint tous, que dans ce que leur existence magnifique eut d'exemplaire et de réconfortant »62
, précise le directeur du Soir à propos d’Émile Rossel et fils, quand son confrère P. Wauwermans se souvient, pour La Libre Belgique, « de visages aimés — dont des croix rappellent les noms et les exemples »37
: le journaliste Moulinasse, dont Wauwermans se rappelle « l’érudition » et « l’écriture nette » et qui ne « pactis[ait] ni avec l’ennemi, ni avec l’hypocrisie » ; « Ryckmans — cœur d’or — qui écrivait « des chroniques sur tout, puisées dans un fond inépuisable de souvenirs », « encyclopédie vivante du journalisme ».
Le portrait du rédacteur en chef du Soir en 1937 est caractéristique de la transfiguration de certains hommes de presse en personnalités tutélaires dans ces numéros jubilaires. D’Arsac (pseudonyme d’Auguste Cavin) est encensé par le directeur du quotidien : il était un « journaliste documenté et intrépide » avant même d'entrer au Soir, lui qui a écrit dans le premier numéro du journal le 3 décembre 1888. Il surpasse tous ses confrères, étant à la fois « informé sur toutes les choses avec cette précision scientifique » et « infiniment lettré ». D’un voyage au Brésil, « il en avait gardé des visions aiguës des gouffres où l'exploitation de l'homme par l'homme peut conduire la misère et la naïveté humaines. » L’expérience personnelle est élevée au rang de connaissance quasi philosophique de la nature humaine et est dès lors affichée comme une aptitude proprement journalistique, l’évocation du voyage exemplifiant le caractère « documenté et intrépide » du journaliste. Lors de l’affaire Dreyfus, « il fut parmi les hommes de cœur de l'époque un des premiers clairvoyants qui alertèrent l'opinion publique contre l'effroyable erreur qu'elle était en train de commettre » : le journaliste a été un visionnaire conscient de sa responsabilité sociale. Il incarne une forme de parole éclairée et impartiale qui caractérise le métier de journaliste dans les représentations. M. Fuss, directeur du Soir, est véritablement un prêtre devant ses fidèles qui leur permet d’approcher cette figure tutélaire : « Qu'il me soit permis [...] de me faire l'interprète de l'adoration unanime dont il est ici l'objet ». Les qualités proprement journalistiques sont alors indistinctement fondues dans un discours saturé d’un lexique religieux. D’Arsac semble être une icône dont « le pur acier de son âme ne s'est pas terni. Il brille aujourd'hui d'un éclat plus impressionnant encore », et « sa plume lance toujours les étincelles de la jeunesse ». Du point de vue de l’identité professionnelle, une telle représentation favorise l’idée que l’expertise journalistique ne s’explique pas clairement et résulte d’une sorte d’alchimie ou du « rayonnement »62
de l’âme qui donne ses lettres de noblesse et sa puissance à l’écriture journalistique. Ce portrait signale qu’on ne devient pas journaliste, on l’est dans son âme et par une sacralisation par ses pairs 64
.
D’autres portraits soulignent l’incroyable force de travail dont certains fondateurs ont fait preuve : « Faure, d’ailleurs, se dévouait tout entier à l’œuvre. Il passait ses journées dans son cabinet, faisant l’"Étoile Belge" avec la seule préoccupation, chaque jour, de ce que le public dirait […] »65
. La polyvalence est la qualité principale du patron de presse : « Pendant vingt-cinq ans, de 1887 à 1912, Émile Rossel fut sur la brèche. C'était un travailleur inlassable. Administration, rédaction, il menait tout de front. C'était un homme doué d'un sang-froid et d'un bon sens sans pareils. » Son fil Victor a fait preuve de la même opiniâtreté : « Grâce à une puissance de travail considérable, il réussit à mener sa tâche à bonne fin. »66
Ce sont des hommes dont on dit qu’ils « connaiss[ent] le "métier" » et qu’ils ont « en plus l'instinct et l'amour du journalisme. »62
Comme D’Arsac était « documenté » et « lettré », Marcellin Faure était « instruit, élégant, nourri de fortes études, [il] connaissait à fond la politique de la France et celle de la Belgique, qu’il avait suivi de très près depuis 1830. »65
Au-delà de la circulation des motifs, la mise en série des portraits des membres d’une même entreprise de presse fait naître l’idée d’un héritage continué et déployé sur plusieurs générations, soit l’idée même du progrès. Alfred-Casimir Madoux, directeur de L’Étoile belge en 1878 « élargit, assouplit et perfectionna l'instrument qu'il tenait des mains paternelles, modernisant l'organisation du journal, créant des rubriques, s'entourant de collaborateurs dont il avait flairé les aptitudes et dont il excitait les talents, communiquant à toute la maison l'élan et l'ardeur de sa nature. » La représentation familiale assure finalement la stabilité de l’entreprise et l’attachement de son personnel : « Quand il disparut, son fils lui succéda comme lui-même avait succédé à son père. Le troisième Madoux a recueilli et développé l'œuvre de sa famille. Il est resté fidèle aux traditions de la maison et, comme son père, il est aussi notre patron. »67
L’identité journalistique dans ces numéros jubilaires est en réalité bien plus en prise sur les figures de patrons de presse que sur les journalistes des quotidiens, même si ceux-ci sont ponctuellement évoqués.
Les leçons de journalisme des numéros jubilaires : une identité journalistique en actes
En parallèle des hommages contenus dans les portraits, les numéros jubilaires sont l’occasion de diffuser un discours prescriptif qui régule l’identité idéale du journaliste des années 1920 et 1930. La frontière de l’identité journalistique est notamment celle qu’elle partage avec l’écrivain. En témoigne le contraste entre la vision de L’Étoile belge et celle du Peuple. Dans L’Étoile belge, pour Arthur Boghart-Vaché, un bon journaliste en 1850 comme en 1925 ne pourrait pas se contenter d’être un très bon écrivain :
Celui qui sait écrire un article à loisir dans son cabinet, ciseler un feuilleton, faire le compte rendu d’une cérémonie, d’une représentation dramatique, peut être un excellent écrivain, mais il n’est pas ce qu’on appelle un journaliste. Le journaliste doit savoir composer, au besoin, un journal à lui tout seul, depuis le titre jusqu’au nom de l’imprimeur. Il doit savoir tout ce qui se trouve dans les quatre pages, depuis les dépêches jusqu’aux annonces, s’occuper de dix besognes à la fois, surveiller la correction, la mise en page, la mise sous presse, avoir l’œil à tout, prévenir le plus léger retard, éviter les erreurs et au besoin en tirer parti, mettre à profit la science et le concours de tout le monde, faire quelque chose avec rien, être toujours au poste et ne jamais bouder l’ouvrage… Le journaliste doit être au courant de tout, savoir tout saisir et tout apprécier, avoir des notions générales de toutes choses, pouvoir répondre à toutes les demandes, avoir un arsenal de ressources pour toutes les situations, savoir obéir lorsqu’il est en sous-ordre, savoir commander s’il est chef 68
.
La multiplicité des missions à réaliser distinguerait le journaliste de l’écrivain. Or, en 1925, la spécialisation des tâches au sein du journal est bien avancée, comme en témoigne les nombreuses photographies des différents ateliers et services des maisons de presse dans les numéros jubilaires. C’est donc une différenciation des deux métiers qui est toute symbolique plus que réaliste mais qui n’en construit pas moins les frontières d’un imaginaire du groupe professionnel des journalistes. C’est l’intérêt pour la fabrication technique du journal qui fonderait l’identité journalistique, d’après la prescription de Boghaert-Vaché, alors même que tous les journalistes ne s’occupent pas de mise en page ou d’impression. La différence de métier entre écrivain et journaliste résiderait dans la capacité à projeter son texte dans la forme du journal et son esprit dans les diverses rubriques du quotidien. Le journaliste serait celui qui maîtrise à tous les niveaux son support de communication ; il est celui qui détient une compétence médiatique ou, autrement dit, la maîtrise d’une poétique du journal.
Mais la figure de l’écrivain n’est pas pour autant définitivement repoussée, puisqu’elle permet aux rédacteurs du Peuple de motiver leur indépendance rédactionnelle en 1935 : le Parti Ouvrier, dont Le Peuple est l’organe officiel, les Coopératives et les Syndicats « ont compris qu’ils ne pouvaient obtenir l'élan généreux et spontané de notre plume qu'à la condition de respecter notre liberté d'écrivain dont nous sommes fort ombrageux. C'est pourquoi, jamais, ils n'ont voulu nous traiter en valets de plume ni en courtisans »69
. La résolution du conflit éthique qui se pose au journaliste engagé par la double mission de propagande pour le Parti Ouvrier et d’information pour un large public, passe par la figure de l’écrivain souverain sur sa propre expression. L'image de l’écrivain vient nourrir la figure du journaliste impartial et incorruptible 70
et permet aussi de différencier le journaliste du publiciste ou du propagandiste.
Paradoxe : sans être écrivain, le journaliste a en pourtant le talent littéraire. Le directeur du Soir fait même de cette qualité l’avenir du journalisme dans un discours prescriptif qui régule l’écriture journalistique et ses genres :
L'information, l'explication et le commentaire doivent plus que jamais être colorés par la personnalité, l'originalité et, n'ayons pas peur de l'exiger, par le talent littéraire.
Plus de relations omnibus. À la porte, Monsieur Communiqué ; au panier, le papier rédigé en style procès-verbal. Et pas de complaisance pour le copain qui veut faire passer sa prose dans le journal et ne sait pas écrire.
Il n'est d'ailleurs pas de rubrique mineure. On peut mettre autant d'intérêt, de style, d'émotivité, de cran ou d'humeur, voire de philosophie dans la relation d'un "Fait-Divers" ou d'un match de rugby que dans la plus éblouissante des chroniques 71
.
D’autres points permettent de donner corps à l’identité journalistique dans ces numéros jubilaires, et principalement la responsabilité sociale du journaliste, « le journaliste [étant], en somme, un des principaux magistrats de la démocratie. »72
Les numéros jubilaires sont aussi un espace d’affirmation et de régulation d’une éthique et de pratiques journalistiques. Un article de D’Arsac dans Le Soir du 31 décembre 1936 est à ce propos exemplaire. Les trois valeurs essentielles de son journal, « Neutralité – Objectivité – Impartialité », sont d’abord définies : « La neutralité d'un journal doit être entendue dans le sens d'objectivité, d'impartialité. On n'est pas neutre devant l'injustice, on n'est pas neutre devant le crime. » Puis il déploie une leçon de déontologie journalistique :
Avec de la bonne foi, le respect d'autrui et du talent, quand on en a, il est possible de discuter des problèmes les plus ardus et les plus épineux, sans froisser les honnêtes gens. […]
Il est des vérités qu'il faut avoir le courage de dire. Ce faisant, on remplit un véritable devoir.
[…] [L]a neutralité du journal neutre ne doit pas consister à cacher les fautes de ceux-ci ou de ceux-là47
.
D’Arsac poursuit par un « classement des journaux » : il critique le « journal d’un homme », le « journal d’opinion » et le « journal standardisé » (dans les pays à régime totalitaire), et met en valeur le « journal d’information », en comparant Le Soir au Corriere della Sera italien.
Sont alors débattues dans le paysage de la presse belge des années 1930 l’idée de la neutralité dans la rédaction du journal, ainsi que celle de la partition entre opinion et information. Pour D’Arsac, il s’agit donc de positionner Le Soir dans cet écosystème qui se donne de nouvelles règles. En 1935, lors de l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles, Joseph Demarteau, président de l’Union des Journaux Catholiques de Belgique, affirme que « la neutralité ainsi conçue ne comporte pas, pour le journal, une renonciation à formuler un avis : en dehors de ces domaines réservés, combien reste-t-il encore d'idées à défendre ou à combattre ! » Cette construction d’une neutralité journalistique compatible avec la formulation d’un jugement est le résultat de l’évolution de la place de l’information dans le journal :
Le souci de certains directeurs a même été plus loin […], ils ont, au cours de ces dernières années, délibérément atténué leur mentalité de journal d'opinion, s'intéressant de moins en moins aux luttes d'idées et notamment aux querelles de parti : ainsi les avantages pris par l'information sur l'opinion ne se marquent plus seulement sur une question d'emplacement plus ou moins large ; ils se traduisent par une modification dans le caractère même de plusieurs journaux importants.
La presse, fondée naguère pour l'information, bientôt réquisitionnée par l'opinion, puis reprise peu à peu par l'information, va-t-elle longtemps encore accentuer son évolution dans ce dernier sens 73
?
La neutralité journalistique telle que formulée par un Demarteau ou un D’Arsac tente de résoudre l’ambivalente mission du journal moderne. Mais la réaffirmation de la neutralité assortie de la possibilité de jugement sonne différemment sous la plume de D’Arsac à la veille de 1937 : la Belgique a connu depuis novembre 1935 la montée du mouvement rexiste, emmené par Léon Degrelle, qui tente une régénération du Parti catholique. Cette intervention dans la politique belge est violente et spectaculaire. La presse belge est alors contrainte à des prises de positions complexes, la presse catholique étant la première gênée par l’irruption de ce réformateur74
. Pour D’Arsac au Soir, redéfinir en décembre 1936 la neutralité comme une forme d’engagement envers la vérité et réaffirmer la valeur du journal d’information pour la formation de l’opinion publique, c’est rappeler des principes déontologiques questionnés par la montée du rexisme. Ce rappel n’est pas purement symbolique, il est avant tout pragmatique. Dès lors, le manuel qu’il fournit à ses journalistes dans la suite de son article, titré « Directives », est l’explicitation concrète d’une marche à suivre qui est plus que jamais d’actualité. Elle assoit aussi la crédibilité du journal auprès des lecteurs :
Rien nier « a priori ». Rien admettre sans preuves. À l'annonce d'une nouvelle douteuse, d'une découverte déconcertante, au lieu de s'écrier tout d'abord : « C'est impossible ! C'est absurde ! », dites-vous : « Et si c'était vrai ? » Souvenez-vous que presque toutes les découvertes, toutes les inventions ont été niées. […]
Le témoin peut varier, se tromper de la meilleure foi du monde75
.
L'anniversaire de la fondation du Soir est l'occasion d'un partage avec les lecteurs d'un savoir-faire, à tel point que l'on peut se demander si les lecteurs ne sont pas considérés comme des journalistes en puissance. La mission de formation du public est assumée par une série de bonnes pratiques exemplifiées. L’écriture généalogique de l’histoire de l’entreprise de presse permet de construire une identité professionnelle du journaliste qui se transmet de génération en génération. Les valeurs qui fondent cette identité sont constamment convoquées pour souligner la puissance des fondations du journal et donner une légitimité et une cohérence historique aux pratiques journalistiques. Mais à travers ce récit mythique et consensuel de l’évolution d’une entreprise de presse, se dessinent en creux d’autres identités professionnelles que celles d’un journaliste fondateur travailleur et visionnaire. Les relations professionnelles ne sont pas entièrement solubles dans une représentation généalogique.
Conclusion : patrons, rédacteurs et employés : représentations textuelles et graphiques d’identités professionnelles en concurrence ?
Les numéros jubilaires témoignent d’une conscience discursive de l’histoire collective d’une entreprise de presse, qui scénarise dans ses propres pages, ses acteurs, ses pratiques et ses valeurs. Peut-être est-ce là, dans l’utilisation du cadre représentationnel primitif qu’est le modèle familial, la concrétisation journalistique d’une condition discursive nécessaire à la régulation du statut de journaliste professionnel en Belgique francophone. À la question de savoir qui est journaliste et qui ne l’est pas, les numéros jubilaires répondent qu’un journaliste est celui qui appartient à une entreprise de presse (à un collectif) et ne fait pas ce métier en dilettante ; il occupe un poste précis dans l’entreprise, et par conséquent il a droit à son portrait-vignette dans le numéro « anniversaire » du journal pour lequel il travaille. Un individu est aussi journaliste en tant qu’il hérite son savoir-faire d’un ensemble de valeurs et de pratiques ancestrales (mêmes si elles n’ont que quelques décennies), dont la réussite économique du journal et la lecture généalogique de l’histoire en attestent le bien-fondé et l’efficacité.
Mais à travers ces généalogies pseudo-familiales d’entreprises de presse se jouent d’autres liens que ceux policés, aimés et ordonnés de la parenté — réelle ou imaginée — qui structure un collectif. Si l’idée de famille fait sens et apparaît comme un enjeu de communication d’entreprise, elle attire aussi l’attention, en sous-main, sur un enjeu interne de différenciation des métiers et de hiérarchisation des statuts au sein de la production du journal. Si l’entreprise a recours à la métaphore des liens de parenté et à l’imaginaire médiatique de la photographie de famille pour véhiculer une image valorisante de ses activités, c’est bien parce qu’elle est structurée selon des logiques qui ne sont pas celles de l’unité familiale, mais des rapports professionnels. « Faire famille » apparaît comme un enjeu discursif paradoxal au moment où se créé une presse spécialisée différenciée pour journalistes et pour patrons de presse76
. Ainsi, une place prépondérante est accordée dans les numéros jubilaires aux figures de directeurs et de rédacteurs en chef. La Libre Belgique ne donne par exemple aucune représentation de ses ateliers ou de ses ouvriers. Le discours se concentre sur les frères fondateurs et sur quelques figures de journalistes présentés dans leur rapport à l’écriture77
, ce qui laisse impensé tout un collectif de collaborateurs et d’ouvriers indispensable à sa fabrication. Lorsque les ateliers sont mentionnés, ce ne sont que les chefs qui récoltent les lauriers78
. Le groupe professionnel des journalistes de La Libre Belgique est donc réduit à ses fonctions les plus symboliques et prestigieuses. Derrière l’idée d’une famille composée de quelques grands journalistes, le lecteur peut donc percevoir une stricte hiérarchisation des fonctions et une valorisation dans l’imaginaire collectif de la figure du journaliste au détriment de subalternes. Le Soir laisse en revanche une grande place à la représentation des employés, même si ceux-ci ne bénéficient pas d’une mise en lumière à la hauteur des journalistes et des fondateurs. La hiérarchisation des statuts décrit la spécialisation des métiers valorisée par la photographie [illustration 5].
Le Peuple insiste quant à lui sur l’égale importance de chaque membre du personnel, « sans faire de distinction entre eux, ne songeant qu'aux services rendus par chacun dans la mesure de ses capacités, les englobant tous dans le même sentiment de gratitude »79
, mais publie une liste hiérarchisée des disparus, des rédacteurs en chef aux rédacteurs. Ainsi, la communication d’entreprise de presse produit une segmentation des identités professionnelles qui entame l’idée d’une cohésion familiale dans le cas de La Libre Belgique mais qui la fortifie dans Le Soir puisqu’elle démontre la puissance organisatrice de l’entreprise.
Cette segmentation des identités professionnelles dans le monde du journalisme, lisible à travers les photographies des différents services au sein de l’entreprise et la célébration des grandes figures patronales, paraît être le résultat d’une sédimentation de valeurs et de pratiques continuées de génération en génération, exprimée sous la forme d’un discours historique et patrimonial. Toutefois, le déroulement étrangement téléologique des récits généalogiques invite à être critique. Plutôt que l’affirmation d’une continuité, ces numéros ne sont-ils pas plutôt la célébration de la conscience collective d’une rupture avec le passé, conscience de rupture nécessaire à la stabilisation des frontières du groupe professionnel des journalistes (les amateurs du XIXe siècle ne sont plus les bienvenus dans le groupe du XXe siècle), au moment où toute une société, par ailleurs, se pense et se dit moderne ? Que sont ces reportages photographiques dans les ateliers, sinon la représentation journalistique d’une rupture technologique et professionnelle avec le passé ? Les numéros jubilaires semblent ainsi réussir le tour de force d’envisager le renouveau du journal dans l’affichage d’une permanence des valeurs et des identités journalistiques.
Bibliographie
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Wrona, Adeline, Face au portrait : de Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann, « Cultures numériques », 2012.
- 1P. Wauwermans, « Souvenirs d’un collaborateur de la première heure », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 1.
- 2Lire à ce sujet Pierre Van den Dungen, « La professionnalisation des journalistes belges francophones au XIXe siècle », Revue belge de philologie et d’histoire, vol. 79, no 2, 2001, p. 643‑644. Dans leur article sur la mise en place de la carte de presse en Belgique francophone, Florence Le Cam et Cédric Tant indiquent que l’Association de la presse belge (APB), fondée en 1885-1886 et qui tente de définir un statut de journaliste, « se transforme en 1929 en Association Générale de la Presse Belge (AGPB) », à un moment où la question du contrat de travail des journalistes divise. « En parallèle, les patrons créent l’Entente des directeurs de journaux bruxellois et la Fédération belge des directeurs de journaux de province (après 1918). » F. Le Cam et C. Tant notent que « ces conditions matérielles d’exercice du journalisme vont animer de nombreux débats internes au groupe professionnel. Les congrès nationaux de la Presse Belge de 1921, 1923, 1924, 1925, 1928, 1929, 1930 abordent la question ; enfin le congrès de Spa-Verviers en 1937, en fait son objet principal : au statut matériel du journalisme est d’ailleurs rattachée la question de l’Ordre des journalistes. » Finalement, « le premier contrat-type qui consacre notamment le repos hebdomadaire est créé en 1937, après de longs pour-parlers [sic] entre l’AGPB et les groupements de directeurs de journaux. » (Florence Le Cam et Cédric Tant, « Premiers pas de la carte de presse en Belgique francophone (1885-1966) », Le Temps des médias, no 30, printemps 2018, p. 204-205.) À propos de la situation en France, Christian Delporte, Claire Blandin et François Robinet écrivent que « la crise des années 1920 a […] pour effet de rompre le mythe de la grande "famille" de la presse, en éloignant les journalistes des patrons de journaux », les premiers faisant un « sentiment d’appauvrissement ». « Le journaliste est d’autant plus conduit à s’interroger sur sa condition sociale que, contrairement aux ouvriers de l’imprimerie, il ne bénéficie pas des avantages nés des combats syndicaux et de la législation sociale de l’immédiat d’après-guerre » ; « socialement déclassé, il doit aussi subir le regard désapprobateur de la société choquée par la répétition des scandales. Du coup, le journaliste n’hésite plus à se démarquer de son patron […] ». En 1918 naît en France le Syndicat des journalistes, qui compte 1200 membres dix ans plus tard (Christian Delporte, Claire Blandin, François Robinet (dir.), Histoire de la presse en France. XXe-XXIe siècles, Paris, Armand Colin, 2016, p.88-90).
- 3Eric Geerkens, La rationalisation de l’industrie belge de l’Entre-deux-guerres, Bruxelles, Palais des Académies, « Histoire quantitative et développement de la Belgique. 2e série, XXe siècle », vol. 1, t. 3 « Les forces de production », 2004, p. 502. « Pour l’Entre-deux-guerres, nous n’avons relevé que 24 titres de journaux propres à une entreprise » précise l’auteur. « La fin des années '20 connaît une conjonction entre un engouement pour l’organisation scientifique et une attention particulière portée par le patronat aux réalisations qui assurent la "collaboration" de classe [...] » (p. 501-502).
- 4Marc Reynebeau indique que dans les années 1930, « la conviction se développa [en Belgique] que la presse ne pouvait plus rester une entreprise artisanale, mais devait se professionnaliser. Les innovations techniques (rotatives, héliogravure, photogravure bélinographes) exigeaient de lourds investissements. » À cette époque, « la presse belge était essentiellement conservatrice : la tendance catholique occupait la première place (deux douzaines de titres), suivie des journaux libéraux » (M. Reynebeau, « L’homme sans qualités », dans Caisse générale d'épargne et de retraite de Belgique, Les Années 30 en Belgique : la séduction des masses, Bruxelles, Caisse générale d'épargne et de retraite, 1994, p. 45-46). Bien que née après la première guerre mondiale, La Libre Belgique fête ses cinquante ans en 1934 car elle est officiellement la suite du Patriote, créé en 1884 par Victor et Louis Jourdain, et qui relève d’une presse commerciale populaire d’opinion catholique. Le Patriote se présente comme le journal « d’une famille ou d’un petit clan », d’après Pierre Van den Dungen, au lieu d’être « une œuvre de propagande catholique », ce qui lui vaut les critiques d’éminentes personnalités politiques et cléricales belges. Le Patriote tente d’ « imiter » l’adversaire que représente alors L’Étoile belge, de tendance libérale (P. Van den Dungen, Milieux de presse et journalistes en Belgique (1828-1914), Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 2005, p. 321-333). Celle-ci est fondée en 1850 par le journaliste français Marcellin Faure, qui a travaillé au développement d’une presse gouvernementale nationale belge depuis les années 1835. En 1858, la propriété du journal revient en partie à Denis Joseph Madoux, né en France et issu du milieu des affaires (Idem, p. 48 et 69-72). Fondé en 1887, Le Soir est d’abord un journal quotidien gratuit, financé par les annonces. Il est l’œuvre d’Émile Rossel, propriétaire d’une entreprise de publicité. Le quotidien populaire d’information veut être reconnu pour sa neutralité, ce qui passe pour être une « politique de combine » aux yeux des « défenseurs du journalisme d’opinion » (Ibidem, p. 148). Quant au Peuple, journal de masse créé en 1885, il est l’organe officiel du Parti Ouvrier Belge. Dans l’entre-deux-guerres, le P.O.B. devient « aussi puissant que le parti catholique » et « particip[e] aux premiers gouvernements d’union nationale » (Emmanuel Gerard, « La démocratie contestée », dans Caisse générale d'épargne et de retraite de Belgique, Les Années 30 en Belgique : la séduction des masses, p. 76). Le corpus est composé des numéros suivants : L’Étoile belge : 20-22 décembre 1925, n° 353 et 354-355. Le Peuple : 13 décembre 1925, n° 347 ; 5-17 décembre 1935, n° 339-351. La Libre Belgique : 1-3 janvier 1934, n° 1 et 2-3. Le Soir : 31 décembre 1936-2 et 3 janvier 1937, n° 366 et n° 1 de la nouvelle année. Ils ont été numérisés et sont accessibles après inscription sur le site Belgicapress, développé par la KBR (Bibliothèque royale de Belgique), que nous tenons à remercier pour les autorisations de reproductions accordées pour cet article. URL : https://www.belgicapress.be/index.php (consulté le 13 novembre 2020).
- 5Adeline Wrona, Face au portrait : de Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann, « Cultures numériques », 2012, p. 342.
- 6[Anonyme], « Les 75 ans de "L’Étoile belge". La journée jubilaire », L’Étoile belge, 21 et 22 décembre 1925, n° 354-355, p. 1.
- 7[Anonyme], « La célébration du cinquantenaire du "Soir" », Le Soir, 2 et 3 janvier 1937, n° 2-3, p. 7.
- 8« La fête du 15 est une fête nationale, c'est-à-dire qu'elle est offerte aux représentants de l'ensemble de notre mouvement ouvrier du pays. Des invitations ont été envoyées aux membres du Conseil d'administration de "La Presse Socialiste" ; aux membres de notre personnel ; à nos correspondants et à nos pensionné ; aux membres du Comité national de presse et des comités de presse et de propagande des diverses fédérations ; aux représentants des journaux socialistes belges et étrangers ; aux délégués du Conseil général du P.O.B., de la Commission Syndicale, de l'Union nationale des Fédérations de Mutualités, de Coopératives, des J.G.S., de la Centrale d'Éducation Ouvrière; de la Centrale sportive, de Resef, du Comité d'Action féminine, etc. » ([Anonyme], « Cinquantième Anniversaire du "Peuple". Toutes les cartes pour la Fête du "Peuple" sont en circulation », Le Peuple, 8 décembre 1935, n° 342, p. 1).
- 9P. Wauwermans, art. cit., p. 2.
- 10L’Étoile belge présente son immeuble en Une du supplément du 20 décembre 1925 ; Le Peuple, en Une du numéro du 13 décembre 1925, puis à nouveau le 14 décembre 1935 et dans le numéro des 15 et 16 décembre ; Le Soir, en Une le 31 décembre 1936 à l’aide de trois photographies (« L'immeuble du "Soir", rue d'Isabelle, en 1887 », « La façade du "Soir", rue Royale » et « La façade du "Soir", place de Louvain, et les camions automobiles du service des transports »).
- 11Idem, p. 2.
- 12[Anonyme], « Les Disparus », Le Peuple, 13 décembre 1925, n° 347, p. 2.
- 13André Burguière, « La généalogie », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, « Quarto », vol. 3, 1997, p. 3887.
- 14[Collectif], « Manifeste du Parti Ouvrier aux associations ouvrières en 1885 », Le Peuple, 14 décembre 1935, n° 348, p. 5.
- 15Arthur Boghaert-Vaché, « La fondation de "L’Étoile belge" », L’Étoile belge, 20 décembre 1925, n° 353, supplément, p. 2.
- 16Les femmes sont très peu représentées dans les numéros jubilaires. Le Soir publie le portrait iconographique de la gérante Marie-Thérèse Rossel, ainsi que ceux de trois femmes journalistes citées pour leur participation à la « Tribune libre » et de trois autres collaboratrices. Seul un portrait de femme journaliste est publié dans Le Peuple (Emma Guillaume). L’Étoile belge mentionne les « femmes de ménage » et célèbre la plus ancienne ouvrière ainsi que la femme du directeur, qui incarne le réconfort maternel. Aucune mention de femmes journalistes n’apparaît dans les numéros jubilaires de La Libre Belgique. Ces numéros contribuent à la minimisation du rôle des femmes journalistes et confirment l’identité masculine du journaliste, de l’homme de presse, du patron de journal. L’analyse de la place des femmes journalistes sera développée dans un autre article, actuellement en cours de rédaction. Sur les femmes dans le monde du travail en Belgique, notamment dans les années 1920-1930, lire Éliane Gubin, « Les femmes d’une guerre à l’autre. Réalités et représentations 1918-1940 », Cahiers d’histoire du temps présent, 1998, no 4, 249-281. Sur les femmes journalistes, lire Vanessa Gemis, « Femmes écrivains-journalistes (1880-1940) : questions de genre(s). Pistes de recherche et réflexions autour de Marguerite Van de Wiele », Textyles. Revue des lettres belges de langue française, décembre 2010, no 39, p. 39‑50 ; et Marie-Ève Thérenty, Femmes de presse, femmes de lettres. De Delphine de Girardin à Florence Aubenas, Paris, CNRS éditions, 2019.
- 17Idem, p. 1.
- 18Godefroid Devreese, « Le médaillon offert à M. D’Arsac par le personnel du "Soir" », Le Soir, 2 et 3 janvier 1937, n° 2-3, p. 7.
- 19[Collectif], « Les installations du "Peuple" », Le Peuple, 13 décembre 1925, n° 347, p. 3.
- 20[Collectif], « Petit voyage autour du journal Le Peuple », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 2. L’argument de la puissance économique du journal se déploie aussi à travers une rhétorique du gigantisme du travail du journal : « Le journal "Le Peuple" a sept éditions quotidiennes, c’est-à-dire en d’autres qu’il sort, chaque soir, de notre immeuble de la rue des Sables, sept journaux différents. Sept journaux composés, imprimés en sept heures à peine ! Sait-on assez dans le grand public ce qu’un tel travail représente d’efforts patients et obstinés, de ténacité, d’attention, de rapidité et de fièvre ? » ; « Mais [que lecteurs] essaient de se représenter le travail gigantesque, les conditions énervantes dans lesquelles il doit s’effectuer […] » ([Collectif], « Les sept éditions du journal "Le Peuple" », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 4).
- 21[Anonyme], Le Soir, 1er janvier 1937, p. 7. Le journal accompagne la série de photographies de ses ateliers d’un encart rappelant « les tirages moyens du "Soir" » entre 1920 et 1936 (p. 8), liant ainsi efficacité technique et réussite économique.
- 22[Collectif], « Petit voyage autour du journal Le Peuple », art. cit., p. 2.
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Idem, p. 2. - 24[Collectif], « Les sept éditions du journal "Le Peuple" », 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 4. « L’homme de soupe » est notamment celui qui coupe ce qui n'entre pas dans la forme du journal.
- 25Le Soir, 1er janvier 1937, n° 1, p. 12.
- 26« La photographie elle-même n'a-t-elle pas pris la place de la mémoire ? En réalité, les photos de groupe tirées au moment des noces comme l'habitude s'en est prise surtout en milieu paysan, au lendemain de la Première Guerre mondiale, se présentent souvent, par la façon dont les invités se placent de part et d'autre des mariés, en respectant la hiérarchie des générations et des degrés de parenté, comme de véritables arbres généalogiques vivants. » (André Burguière, art. cit., p. 3905.)
- 27L. S., « Les fêtes du Cinquantième Anniversaire du "Peuple" ont commencé, jeudi, au Pays-Noir par une séance remarquable à Radio-Châtelineau », Le Peuple, 8 décembre 1935, n° 342, p. 1.
- 28Frans Fischer, « Une vision de la presse belge », 1935. Bulletin officiel de l’exposition universelle et internationale de Bruxelles, février 1935, no 20, p. 95.
- 29Dans Les Lieux de mémoire, André Burguière parle de « passé imaginaire » dans lequel le généalogiste projette ses ancêtres (André Burguière, art. cit., p. 3882). Comme l’écrit François Caron à propos de l’entreprise comme lieu de mémoire, « la mémoire des hommes construit une histoire d'entreprise dramatisée, héroïsée, fortement marquée par quelques actions glorieuses, quelques grands moments, qui semblent la résumer par eux-mêmes. Le premier de ces moments, le plus chargé de légende, est sa création, à laquelle se trouve étroitement associée l'évocation de la ou des familles fondatrices. » (François Caron, « L’entreprise », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, « Quarto », vol. 3, 1997, p. 3311).
- 30Émile Vandervelde, « Comment avons-nous chance d’être les premiers ? Par la Presse », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 1.
- 31« Nous entendons parfois les anciens parler avec une émotion attendrie, de l'âge d'or, des temps héroïques, où les fondateurs, les premiers bataillons sacrés du Parti, ne connaissaient ni animosité, ni mésintelligences, ni querelles. Ils exagèrent un peu, mais ils n'ont pas tort, en gros [...] » (Idem, p. 3). Mais avant les années 1880, 1850 était déjà « l'âge d'or pour les journalistes qui avaient le feu sacré » (Arthur Boghaert-Vaché, s. t., L’Étoile belge, 20 décembre 1925, n° 353, supplément, p. 2). La métaphore du feu est aussi utilisée par un rédacteur de La Libre Belgique : « En nous replongeant un instant dans le passé, les anciennes passions que Le Patriote suscita en nous se réveillent. Le feu qui dormait sous une cendre de cinquante ans se ranime et les étincelles qui jaillissent nous enflamment encore aujourd'hui. » (Louis Verhaeghe, « Le "Patriote" et le renouveau de la fierté catholique », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 2).
- 32[Anonyme], s. t. [« Le "Peuple" parut pour la première fois le 13 décembre 1885, … »], Le Peuple, 13 décembre 1925, n° 347, p. 2.
- 33[Anonyme], s. t. [« De l’inoubliable phalange des rédacteurs du "Peuple" de la première année… »], Le Peuple, 13 décembre 1925, n° 347, p. 2.
- 34Frans Fischer, « Il y a cinquante ans le "Peuple" naissait », Le Peuple, 13 décembre 1935, n° 347, p. 2.
- 35Louis Verhaeghe, art. cit., p. 2.
- 36[Anonyme], « Comment naquit un grand journal », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 1.
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P. Wauwermans, art. cit., p. 1. - 38Frans Fischer, « Il y a cinquante ans le "Peuple" naissait », art. cit., p. 2.
- 39Émile Vandervelde, art. cit., p. 1. Karl Marx a fréquenté l’estaminet du Cygne entre 1845 et 1848. En 1886, c'est le lieu de rendez-vous des associations ouvrières et des groupes socialistes (lire Louis Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique : les hommes – les idées – les faits, Bruxelles, Dechenne & Cie Libraires-éditeurs, vol. II, 1903, p. 297).
- 40La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 1.
- 41D’Arsac, « Le Soir », Le Soir, 31 décembre 1936, n° 366, p. 10.
- 42[Anonyme], « La Presse », Le Soir, 1er janvier 1937, n° 351, p. 12.
- 43Lire à ce sujet Roselyne Ringoot et Yvon Rochard, « Proximité éditoriale : normes et usages des genres journalistiques », Mots. Les langages du politique, 2005, n° 77, p. 78-81.
- 44André Burguière, art. cit., p. 3882.
- 45[Anonyme], « Comment naquit un grand journal », art. cit., p. 2.
- 46[Collectif], « Les deux fondateurs du "Soir" », Le Soir, 31 décembre 1936, n° 366, p. 10.
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D’Arsac, art. cit., p. 10. - 48[Édouard Anseele], « Edouard Anseele raconte les Débuts du "Peuple" », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 3.
- 49Frans Fischer, « Il y a cinquante ans le "Peuple" naissait », art. cit., p. 1.
- 50[Anonyme], « Le Cinquantenaire du journal "Le Peuple" sera célébré à Bruxelles et en province par des grandes fêtes qui marqueront d'un éclat particulier ce jour anniversaire », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 1.
- 51André Burguière, art. cit., p. 3889.
- 52M. Fuss, « Les Discours », Le Soir, 2 et 3 janvier 1937, n° 2-3, p. 7.
- 53Arthur Boghaert-Vaché, s. t., L’Étoile belge, 20 décembre 1925, n° 353, supplément, p. 1.
- 54Ibidem, p. 1.
- 55La transcription dans ce numéro anniversaire des hommages rendus à Marcellin Faure à sa mort confirment cette impression : il est rappelé qu’il a été « sincèrement dévoué au Roi et aux institutions de la Belgique, dont il fut en maintes occasions le zélé défenseur. […] Il avait mis au service de la cause constitutionnelle et de l’indépendance du pays le ferme bon sens dont il était doué et cet esprit de justice et de modération dont il a donné tant de preuves pendant sa longue et utile carrière. » (Philippe Bourson, cité par Arthur Boghaert-Vaché, ibidem, p. 2.)
- 56[Anonyme], « La Libre Belgique, pourquoi nous avons adopté ce titre », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 2.
- 57André Gyselinx et Pierre Stephany, Quand « La Libre » s’appelait « Le Patriote ». 1884-1914, Paris, Gembloux, Éditions Duculot, 1984, p. 55.
- 58Frans Fischer, « MERCI. Ce que les travailleurs belges ont fait pour leur journal "Le Peuple" », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 3.
- 59[Anonyme], « Comment naquit un grand journal », art. cit., p. 2.
- 60[Anonyme], « Éphémérides des Campagnes menées par le Peuple depuis 1885 », Le Peuple, 13 décembre 1925, n° 347, p. 3 & 6.
- 61[Anonyme], « Les grandes enquêtes du "Soir" », Le Soir, 1er janvier 1937, n° 1, p. 7.
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M. Fuss, art. cit., p. 7. - 63André Burguière, art. cit., p. 3895.
- 64M. Fuss emploie la même idée d’une connaissance innée pour parler de la science du fils du fondateur du Soir, Victor Rossel, qui semble recevoir par le sang ses aptitudes journalistiques : « Les hommes et les machines l'avaient vu enfant... Il avait acquis sa science de la technique du journalisme, encore en culottes courtes. Nul n'avait dû se préoccuper de lui enseigner la tradition de la Maison ; il était cette tradition même, cette tradition d'honneur faite homme. » (Idem, p. 7.) Cette identité professionnelle est complémentaire à une autre représentation selon laquelle le journalisme s’apprend, notamment dans un lieu comme l’Institut pour journalistes à Bruxelles.
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Arthur Boghaert-Vaché, s. t., L’Étoile belge, 20 décembre 1925, n° 353, supplément, p. 2. - 66[Collectif], « Les deux fondateurs du "Soir" », art. cit., p. 10.
- 67[Anonyme], « Le deuxième Madoux », L’Étoile belge, 20 décembre 1925, n° 353, supplément, p. 2.
- 68Arthur Boghaert-Vaché, « Sept années de la vie d’un journal », L’Étoile belge, 20 décembre 1925, n° 353, supplément, p. 2.
- 69[Anonyme], « Les fêtes du cinquantenaire du "Peuple" se sont déroulées dans une atmosphère d'enthousiasme et de fraternité », Le Peuple, 17 décembre 1935, n° 351, p. 1.
- 70La Libre Belgique, journal ouvertement catholique, confirme elle aussi l’importance de l’indépendance dans l’éthique journalistique par le truchement de la figure de la star : « Encourageons les journalistes qui obéissent à leur conscience. » « Il leur faut de la vertu pour subir une pluie de récriminations, alors qu'ils pourraient recueillir une pluie d'or. Un journaliste qui ne se laisse pas acheter touche moins pendant toute sa vie que tel cabotin ou telle star en quinze jours. » (Georges Hoornaert, « C’est chic ! », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 2).
- 71Frans Fischer, « Il y a cinquante ans le "Peuple" naissait », art. cit., p. 2.
- 72Louis de Brouckère, « Cinquante ans. Comment instruire en amusant et entraîner le lecteur vers la réflexion », Le Peuple, 15 et 16 décembre 1935, n° 349-350, p. 3. « Le rôle essentiellement critique de celui-ci est aussi indispensable [que celui de l'homme politique] pour la formation d'une opinion civique éclairée que l'intervention et les votes du député par la formation d'une résolution législative et gouvernementale judicieuse. Mais sa position et ses devoirs sont différents. [...] Il doit être un point d'appui moral, pour ceux-ci comme pour ceux-là, solide, permanent, [illisible], soustrait aux petites influences et aux hommes. » ([Collectif], « Cinquante ans… », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 1).
- 73Joseph Demarteau, « Presse d’opinion et presse d’information », 1935. Bulletin officiel de l’exposition universelle et internationale de Bruxelles, février 1935, no 20, p. 101.
- 74Le programme du mouvement d’extrême-droite de Léon Degrelle est d’épurer le Parti catholique, de dévoiler les scandales politico-financiers et de réformer l’État. Il cherche la « propreté » et veut « chasser les pourris » (Renée Grabinier, « La montée du Rexisme : étude de la presse bruxelloise non rexiste, octobre 1935-mai 1936 », Res Publica, vol. XI, no 4, 1969, p. 717‑756.)
- 75D’Arsac, art. cit., p. 10-11.
- 76En 1920 est créé Le Journaliste, « véritable organe des groupements professionnels de la presse quotidienne. Il s’adresse aux collaborateurs et rédacteurs à l’exclusion des directeurs désormais réunis, pour cause d’intérêts de classe divergents – autre manifestation de la hiérarchisation et donc de la structuration de la profession – dans une Association belge des éditeurs de journaux ayant La Presse pour périodique d’information. » (Pierre Van Den Dungen, art. cit., p. 644.)
- 77P. Wauwermans, art. cit., p. 1. Un certain Ryckmans est décrit « griffonnant sur des revers d'enveloppes, des fragments de lettres de faire part, et, qui sait, peut-être même des billets de tramways, des chroniques sur tout, puisées dans un fond inépuisable de souvenirs » ; en un mot, il était « l'encyclopédie vivante du journalisme ».
- 78Le numéro anniversaire fait mention des décorations décernées par le Roi à un directeur d'administration, un chef de service, un chef d'atelier, un chef clicheur et un chef conducteur de rotative ([Anonyme], « Distinctions honorifiques », La Libre Belgique, 1er et 2 janvier 1934, n° 1-2, p. 3).
- 79[Anonyme], « In memoriam », Le Peuple, 14 décembre 1935, n° 348, p. 1.