"Que ce soit le chant d'une lampe ou bien la voix de la tempête, que ce soit le souffle du soir ou le gémissement de la mer, qui t'environne - toujours veille derrière toi une ample mélodie, tissée de mille voix, dans laquelle ton solo n'a sa place que de temps à autre. Savoir à quel moment c'est à toi d'attaquer, voilà le secret de ta solitude : tout comme l'art du vrai commerce c'est : de la hauteur des mots se laisser choir dans la mélodie une et commune."
Rainer Maria Rilke, Notes sur la mélodie des choses, 1898, Paris, Allia, 2008, p. 27.
L’histoire littéraire a longtemps retenu la date de la Révolution française comme étant la fin de l’âge d’or de la Parole de l’écrivain. Fini le temps de la Conversation et des Salons, l’artiste à l’ère de l’écrit, se serait isolé dans une tour d’ivoire, élaborant sans relâche, son œuvre. Pourtant, il suffit d’évoquer le nom de Montmartre pour que tout un univers de chansons et de poésies apparaisse. Nous savons par exemple que la voix de Verlaine est triste et éraillée, celle de Rimbaud est convulsive comme celle d’un enfant qui a du chagrin. La voix de Villiers est basse, celle de Mallarmé, flutée. L’histoire littéraire a contribué à occulter le dynamisme des pratiques orales au XIXe siècle qui nous permettent de recueillir ces empreintes vocales ; or, ces pratiques orales s’imposent en même temps que l’imprimé. Elles sont spectaculaires comme la chanson, la récitation, la lecture publique, ou encore le monologue humoristique. Elles peuvent aussi prendre des formes plus circonstanciées comme dans les discours, les conférences ou les sermons. Elles se fondent enfin dans les traits plus souples des sociabilités comme la causerie, la conversation et autres échanges nés du plaisir des rencontres entre artistes. Ainsi, le Paris littéraire est bavard et est « tiss[é] de mille voix1
» qui se font entendre de part et d’autre de la capitale.
À toutes ces pratiques orales correspondent autant d’espaces qui quadrillent la ville. Du café de La Nouvelle-Athènes ou encore du café du Rat mort, il n’y avait que quelques pas à faire pour se rendre au cabaret du Chat Noir où la scène était ouverte à qui voulait offrir quelques vers. À Saint-Germain-des-Prés, on se serre autour de Rachilde qui fait salon dans les bureaux du Mercure de France. À chaque quartier, ses lieux de rencontres, ses festivités, ses adresses. Cartographier ces lieux de paroles revient à souligner l’importance, voire les résistances, de la voix auctoriale en ce siècle dit de l’écrit à travers le dynamisme des sociabilités littéraires. Les révolutions esthétiques ont plus souvent lieu dans les salons et cénacles qu’au coin d’un bureau esseulé. Quel rôle ont ces lieux dans la formation de l’écrivain qui teste ses vers devant un public qui peut se montrer parfois cruel, parfois bienveillant, mais toujours exigeant2
? En quoi ces lieux participent-ils à l’élaboration d’une identité, d’une posture auctoriale par l’écrivain en recherche de reconnaissance ? Choisir le lieu où dire ses vers n’est pas sans enjeux et révèle autant les choix esthétiques que les stratégies de positionnements dans le champ littéraire de l’artiste. Dans la continuité des travaux initiés en sociologie de l’espace littéraire3
, nous gageons que les lieux de parole sont le théâtre des révolutions ou élaborations esthétiques de même que des mécanismes de légitimation ou d’exclusion symboliques.
À cela s’ajoute la part d’imaginaire que joue tout lieu de parole dans la vie littéraire. Le célèbre café Momus, figuré dans les œuvres de Murger puis de Puccini, fait par exemple partie du mythe de ce Paris sonore. Il est une image d’Épinal qui contribue à construire l’identité, réelle ou rêvée, de l’habitat de l’écrivain. Abondamment représentés dans les œuvres, dans la presse, dans les témoignages recensés dans les mémoires et journaux intimes, etc., les lieux qui abritent la parole vive construisent l’imaginaire de l’artiste au XIXe siècle. Ses figurations sont autant de discours portés sur la vie littéraire. Quelle est la continuité entre ces différents lieux, des cafés chics des Grands Boulevards aux scènes obscures du Quartier latin ? Mais aussi quelles sont les conséquences de ces pratiques orales sur les formes littéraires et dans l’histoire littéraire ? Entre espace historique, symbolique et imaginaire, les lieux de parole de l’écrivain offrent un angle d’étude particulièrement propice à la compréhension de ce qu’est être un écrivain à Paris au XIXe siècle. À partir de sources variées – journaux intimes, correspondances, représentations picturales, archives, livres d’or, journaux, voire même procès-verbaux de police – il est possible d’entendre les échos de ces voix et de retrouver leurs lieux de profération.
Paris bavard : des espaces de parole en régime scripturaire
Au XIXe siècle, le mécénat se délite pour laisser place à une forme de financement artistique régie par les règles de l’offre et de la demande. Ce sont les éditeurs, les directeurs de journaux, les directeurs de théâtre qui deviennent le soutien financier des littérateurs. Le nouveau statut indépendant de l’écrivain entraîne de nouveaux modes d’existence de l’artiste où l’oralité joue un rôle central. Le premier recensement effectué par Vincent Laisney des lieux de parole au temps dit de l’écrit montre leur place dans la vie littéraire de l’époque :
Paradoxalement, l’industrialisation de la littérature, stimulée par l’édition des livres à un sou et par la diffusion massive du journal, ne décourage pas les écrivains de réciter leurs œuvres en public, soit sur les tréteaux d’un café-concert, soit sur la table d’une brasserie, soit sur la scène d’un cabaret, soit dans une salle de conférence, soit dans un salon mondain, soit encore dans l’appartement d’un confrère4
.
Ainsi, brasseries et cafés, cabaret, café-concert, salon littéraire, résidence privée mais aussi salle de conférence sont des lieux de paroles de première importance pour l’écrivain. Cette liste est par ailleurs extensible : aux cafés s’ajoutent les crèmeries, à mi-chemin entre le restaurant et le café, les guinguettes qui sont des lieux festifs de réunion des sociétés chantantes comme le Moulin de la Galette immortalisé par le pinceau de Renoir, ou encore la rue, car il n’est pas rare de voir la fête et la conversation des terrasses gagner les trottoirs parisiens, comme on peut le voir ci-dessous dans la représentation du Boulevard des Italiens qui abrite de nombreux cafés.
L’engouement pour ces lieux de vie littéraire n’est pas sans lien avec les nouvelles conditions artistiques faites à l’écrivain. Ce dernier peine parfois à se faire éditer. Par la mise en voix de son œuvre, l’écrivain cherche à faire connaître son œuvre inédite. Par des lectures publiques ou en petit comité, des conférences, ou tout autre forme d’oralisation de l’œuvre écrite (et non forcément destinée à la scène), l’écrivain élargit les possibilités de diffusion de son œuvre. Et qu’en bien même l’écrivain a la chance d’être publié, parfois à grand tirage, l’essor de la presse étant notamment due à la modernisation des techniques d’imprimerie au XIXe siècle5
, incarner ses textes reste une pratique courante pour l’écrivain à succès. Soit que l’écrivain est sollicité pour faire vivre son œuvre en dehors de son support écrit afin de la partager, soit que, face à cette large diffusion de l’œuvre, il peut avoir le sentiment d’en perdre sa « paternité ». Certaines paroles d’écrivain semblent alors à l’intersection entre une affirmation auctoriale par un geste poétique inédit qui implique le corps de l’écrivain et une adaptation aux médiamorphoses6
qui régissent la vie littéraire et qui changent en profondeur les pratiques de l’homme de lettres et la place de l’écrivain dans la société. Dans ce régime de visibilité7
, la parole, on le comprend, est indispensable pour exister en littérature. Mais lire ses textes entre pairs, c’est aussi s’assurer une place dans la communauté littéraire : les lectures entraînent des relectures et des révisions et sont des étapes particulièrement précieuses dans la trajectoire de l’œuvre qui peut se voir remaniée à la suite des conseils des auditeurs ou du manque d’effet d’un passage sur ceux-ci. Nerval, dans une lettre adressée à Sainte-Beuve, présente en effet la lecture comme une épreuve. Il faut réunir autour de soi « un public de choix où l’on puisse essayer ses ouvrages d’avance8
». Ainsi, la lecture serait moins un moment privilégié avec le texte qu’une véritable confrontation avec l’auditoire. Mieux encore, ces pratiques orales sont aussi l’occasion de se divertir et de partager une même passion pour la littérature. L’enthousiasme de Musset qui compose des vers « pour avoir d’autres vers à réciter à ses amis9
» souligne le plaisir des auteurs à faire entendre leurs œuvres. Un plaisir qui peut devenir moteur de l’écriture comme on le voit ici.
Il n’est donc pas étonnant de retrouver ces lieux de paroles dans les fictions. Des Illusions perdues de Balzac avec les salons mondains et le cénacle « archétypal10
» de Daniel D’Arthez aux Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger, avec ses mansardes et ses cafés, les figurations des lieux de sociabilité dans les œuvres du XIXe siècle nourrissent les imaginaires liés à la parole d’écrivain. Représenté en orateur, comme l’héroïne de Corinne ou l’Italie de Germaine de Staël, improvisatrice admirée, ou comme le double fictif de Mallarmé, Calixte Armel, dans Le Soleil des morts de Camille Mauclair, dont le charisme et la voix provoque un « magnétisme inexplicable11
» sur les membres du cénacle, l’écrivain incarne son œuvre, en devient l’interprète jusque dans ses représentations fictionnelles. Cette figuration de l’écrivain en performance souligne l’ampleur des enjeux : il s’agit de se faire littéralement entendre et voir. C’est entouré de ses pairs que l’écrivain s’assure une place dans le monde littéraire et forge son œuvre12
.
L’explosion des lieux de paroles s’est faite progressivement. Cafés et cabarets artistiques n’étaient pas aussi fréquentés, voire n’existaient pas du tout dans la première moitié du siècle. On peut en effet observer au fil du siècle un déplacement progressif des espaces privés aux espaces publics. L’évolution des lieux accueillant les formes orales est révélatrice de la recherche par les écrivains d’une compagnie et d’un public toujours plus étendus.
Petite histoire des lieux de parole d’écrivain : de l’espace privé à l’espace public
La petite histoire des lieux de parole de l’écrivain au XIXe siècle, dessinée à gros traits, débute avec la première génération des Romantiques qui se regroupait essentiellement dans les résidences privées des écrivains. La demeure de l’écrivain propose trois configurations de sociabilité qui correspondent à autant d’espaces de l’habitation. La visite au grand écrivain, épreuve obligée et redoutée pour tout homme qui recherche la reconnaissance, se passe dans le bureau de l’auteur admiré, où l’hôte et le visiteur se lisent leurs œuvres et conversent13
. Les cénacles se regroupent, quant à eux davantage dans la salle à manger : la table au centre permet de travailler. Dans le tableau de Théo Van Rysselberghe, Une lecture, l’intimité du cercle est palpable : on assiste à une lecture dans un décor bourgeois, en habit de ville. L’auditoire, restreint et particulièrement attentif, représente l’atmosphère des premiers cénacles.
Enfin, le salon est la pièce qui donne son nom à la dernière forme de sociabilité dans l’espace privé : le salon littéraire. L’espace privé est, à travers ces pratiques sociabilitaires, paradoxal : l’intimité de l’écrivain-hôte est en réalité tendue vers l’extérieur. Il y a à la fois effet de sanctuarisation de l’habitat de l’écrivain, la vente du mobilier de Victor Hugo14
en est l’exemple, mais aussi effet d’exposition à ouvrir ainsi son espace privé à ses confrères. La démarche critique de Sainte-Beuve qui propose les portraits de ses contemporains dans leur intérieur, la mode des physiologies montre à quel point la dite vie privée est en réalité vie publique15
.
Ces trois configurations de sociabilité sont des formes majoritairement réservées à une élite artiste. Néanmoins, les ateliers d’artiste et les mansardes exigües du Quartier latin proposent une alternative plus populaire à l’intérieur bourgeois. De quelques types qu’ils soient, ces espaces privés, cadres privilégiés pour la parole de l’écrivain, sont des lieux de première importance dans la vie littéraire du XIXe siècle : ils assurent à l’écrivain une camaraderie littéraire16
essentielle dans la difficile traversée qu’est la carrière d’un homme de lettres à l’heure de l’ère médiatique de masse. C’est pourquoi ces espaces privés, du début du siècle avec le Groupe de Coppet à la fin du siècle comme on le voit avec les mardis de Mallarmé, ont été des lieux de parole d’écrivain particulièrement recherchés des littérateurs. Toutefois, ces formes de sociabilités qui ont cours dans l’espace privé répondent à des codes, construits pour la plupart au cours des siècles précédents, les salons des Lumières ayant notamment fait la gloire de la formule. Les paroles d’écrivain qui y sont proférées sont majoritairement formalisées. Les récits des visites au grand écrivain, par leur scénario répété de témoignage en témoignage et leurs topiques – apparition du grand homme, discussions et lectures captivantes – font de ces échanges des formalités littéraires, ritualisées et attendues. Il y a une manière de lire, un art de converser, une organisation habituelle des soirées et chaque écart à ces codes tacites fait événement17
.
Au milieu du siècle, l’essor des cafés parisiens a contribué à diversifier ces lieux de paroles et par là-même à s’écarter progressivement du formalisme attendu dans la parole auctoriale. Tout comme Rodolphe et ses compères des Scènes de la vie de bohème, l’écrivain quitte de plus en plus souvent sa mansarde pour gagner l’espace public. À partir des années 1850, l’évolution des cafés en font un lieu particulièrement apprécié de la population parisienne et plus particulièrement des artistes. Le café au début du XVIIIe siècle ne proposait ni alcool, ni restauration. Au XIXe siècle, ce statut a changé : on y boit, on y fume, on y mange. De nouvelles formes de sociabilités se développent alors. De 380 cafés recensés au début du XVIIIe siècle, on en compte 2000 à la fin du XIXe siècle18
. Ces cafés sont particulièrement appréciés des artistes. Baudelaire avait ses habitudes au Momus, Verlaine au François Ier, Barbey au Tabourey, Champfleury à la Brasserie Andler où il jette les fondements de l’esthétique réaliste, Zola au Guerbois. C’est encore au Rat Mort que quelques scènes fameuses entre Verlaine et Rimbaud se sont passées.
La parole y est spontanée : des conversations intenses, des récitations imprévues juchées sur les tables ou chuchotées à l’oreille ce qu’affectionnait particulièrement Baudelaire, mais encore des chansons et des sketchs s’invitent régulièrement dans les estaminets. Mais si l’espace public est aimé des écrivains, il n’offre peut-être pas la tranquillité nécessaire à l’élaboration d’une œuvre, d’une esthétique collective qui pourrait permettre à ces œuvres orales de se transformer en œuvre écrite. Le cas des Hydropathes le montre. Le 5 octobre 1878, cinq poètes, qui « di[sent] des vers19
» au premier étage du café le Rive Gauche, autour d’un piano mis à la disposition du tout venant, sont interrompus par des lycéens fêtards du quartier. Goudeau, Abram, Lorin, Rives et Rollinat, ainsi empêchés, font une demande auprès du patron du café : il leur faut un espace réservé, une fois par semaine. Pour amortir la location, chacun s’engage à venir accompagné d’amis partageant leur goût pour les lettres. Le premier vendredi, jour arrêté, ils sont 75. Rapidement le cabinet du café devient trop petit. Un local réservé à ces réunions est alors loué. Le club des Hydropathes ouvre ainsi ses portes le 17 octobre 1878 et ne les refermera qu’en 188020
. Les années 1880, avec la libéralisation de la vie culturelle, le développement des « cabarets artistiques » et la démocratisation du public, marquent le début d’une nouvelle ère de la culture orale.
Le dernier espace est donc un lieu véritablement dédié à la parole de l’écrivain. La scène est le lieu d’une représentation assumée qui tend vers une professionnalisation de la figure de l’« écrivain en voix21
». Une soirée au Chat noir fait alterner chansons, récitations, déclamation, monologues humoristiques mais aussi théâtre d’ombres, et discours plus ou moins sérieux.
Les cabarets artistiques, qui sont pour la plupart situés à Montmartre, donnent un nouveau statut à l’écrivain, qui, sans être un professionnel (un comédien, un chanteur) devient l’interprète de ses propres œuvres. Il y élabore tout à la fois ses vers et son image à travers ses performances scéniques. Ainsi exposé sur scène le statut de l’écrivain se transforme : il est non seulement poète, fantaisiste, chansonnier, mais aussi homme de scène. L’explosion des cabarets artistiques puis des cafés-concerts et des music-halls à partir des années 187022
montre l’engouement pour ce nouveau statut auctorial. L’écrivain peut encore se faire entendre sur une scène d’un autre genre : celle d’une académie ou d’une salle de conférence. Au Collège de France, à l’Académie française, voire même à la Sorbonne, l’écrivain profère une parole qui, par son incarnation, s’apparente à la notion de performance, la conférence étant une pratique à cheval entre le discours académique et la lecture artistique.
Dans ce cadre, l’écrivain s’inscrit dans une longue galerie d’écrivains orateurs. C’est le cas par exemple de Paul Valéry, dont les auditeurs, au regard des nombreux témoignages, viennent moins assister à son cours de poétique au Collège de France, qu’à une création en acte, et en quelque sorte à la naissance de la poésie tant le phrasé du poète était singulier23
.
En somme, les configurations et reconfigurations des lieux de parole suivent les mutations de la figure sociale de l’écrivain en voix. Plus encore, la multiplication des lieux de parole et leur évolution influencent les pratiques orales elles-mêmes : les formalités littéraires des premiers salons laissent place à une parole plus autonome et spectaculaire sur les scènes offertes aux écrivains notamment dans la deuxième moitié du siècle. En effet, au travers de cette mise en scène de l’auteur la parole se détache d’un pur acte de communication. Si elle n’est parfois qu’œuvre parlée, adossée à son texte publié, elle peut aussi devenir œuvre à part entière et être ainsi définie comme une œuvre orale. C’est de cette manière qu’a été définie la notion de parole vive comme toutes les formes de parole qui, par l’acte d’énonciation effectif qu’elle implique, fait œuvre24
. Les lieux, les contextes sociaux dans lesquels cette parole est proférée contribuent à définir le geste de la parole auctoriale entre formalités littéraires et créations ou œuvres orales. La carte littéraire de la parole d’écrivain est vaste puisque la parole, immatérielle et évanescente, s’adapte à toutes les configurations sociabilitaires.
Ces différents espaces, aussi divers soient-ils, offrent un cadre privilégié à la parole de l’écrivain. Leur existence et leur prolifération témoignent de l’importance de ces pratiques orales au XIXe siècle ainsi que de leur richesse dans leur variété de forme et de ton. Tous ces lieux forment l’écosystème symbolique de la vie littéraire parisienne au XIXe siècle, et participent à l’élaboration de son imaginaire.
Les voix littéraires et leurs adresses : construction d’imaginaire et processus de légitimation
La vie littéraire du XIXe siècle a ses adresses de prédilection. Certains endroits sont fréquentables, d’autres pas. Les réputations de chacun de ces lieux varient d’un groupe esthétique, et surtout d’un groupe social à l’autre. Les processus de légitimation des écrivains sont ainsi étroitement liés aux représentations des espaces qu’ils fréquentent. L’Académie est probablement le plus légitimé des lieux de parole d’écrivain. Son système de cooptation savant en fait une citadelle très difficile à prendre et ajoute à sa réputation : jeunes écrivains et talents trop indépendants sont rapidement découragés. Le salon mondain bénéficie de liens privilégiés avec l’Académie française. Les auteurs de l’Histoire de la littérature française du XIXe siècle soulignent l’entente qu’il peut y avoir entre ces deux institutions :
Une élection dans une des cinq académies, et a fortiori à l’Académie française, est presque toujours le couronnement d’une stratégie élaborée dans un salon. S’ils ne constituent pas à proprement parler une institution, les salons sont néanmoins un élément essentiel de la sociabilité intellectuelle et artistique du XIXe siècle dont ils forment […] “l’unité de base25
”.
Ainsi, le salon par ses liens forts avec les institutions et son ancrage historique représente un lieu stratégique pour créer son réseau et se créer une réputation.
Face à ce pouvoir, somme toute écrasant du salon et des institutions académiques, de nouvelles formes de sociabilités s’organisent et ainsi de nouveaux lieux qui peuvent être perçus comme des « anti-salons » ou des « contre-académies ». Au cabaret du Chat Noir, le personnel accueille le public par des égards exagérés dans le traditionnel habit vert des académiciens pour caricaturer ces milieux élitistes et leur népotisme. La liberté de ton et de forme est revendiquée dans ces lieux où, comme le rappelle Émile Goudeau, seul le public juge les artistes, et non les critiques et journalistes à la mode26
. Le cénacle, tel que représenté dans les Illusions perdues de Balzac par le cénacle de Daniel d’Arthez, cherche à proposer un modèle plus sincère, où le travail réel du texte prime sur les mondanités. Enfin, les mots de Léon Daudet en disent long sur ce que l’on pense du salon au café :
Le café est l’école de la franchise et de la drôlerie spontanée, tandis que le salon […] est en général l’école du poncif et de la mode imbécile. Le café nous a donné l’exquis Verlaine et le grand et pur Moréas, les salons, R. de Montesquiou27
.
Toutefois, les habitués de chacun de ces lieux ont une commune ambition de se faire connaître et surtout de se faire publier. Le refrain de l’hymne du Chat Noir est explicite : « Je cherche fortune autour du Chat Noir / Au clair de la lune à Montmartre le soir ». Les mots du sténographe de la revue des Hydropathes qui fait le compte rendu d’une des soirées du cabaret, sont aussi explicites :
Pour la poésie : Taboureux, Lafitte, Raoul Fauvel, Martin ont dit les vers inédits, qui ne demandent qu’à être édits, après avoir été dits. Oh !, je m’arrête sur cette pente fatale, - et vite je signe.
LE STENOGRAPHE28
.
Les performances ont ainsi un caractère stratégique, quelque soit le lieu, salon ou cabaret, le but étant de se faire une place dans le monde de la littérature. Une forme d’émulation est alors perceptible : on rivalise d’ingéniosité pour faire entendre sa voix, et par elle, son œuvre. Ces lieux deviennent, en quelque sorte, les laboratoires de la littérature. Le choix de la diction, le choix de la performance (lecture, discours, chansons, sketch, etc.), le choix d’une mise en scène, même dépouillée, s’avèrent révélateurs du statut accordé à l’œuvre et démontre la démarche esthétique de l’auteur qui soigne ainsi son ethos. La diction neutre choisie par Mérimée, loin des déclamations jusqu’ici de rigueur, pour lire son Cromwell dans la mansarde de Delécluze marque les mémoires de son auditoire. Son œuvre est trop moderne pour être lue dans la tradition déclamatoire. Ainsi, les écrivains adoptent une posture et mettent en scène leurs œuvres dans un double but de publicité et d’innovation esthétique. Chaque lieu a son identité propre et se construit par rapport à un autre. L’inaccessibilité de l’académie, du salon mais aussi de l’édition, conduit les artistes à organiser de nouvelles formes de sociabilités contestataires. Choisir de fréquenter une forme de sociabilité plutôt qu’une autre renseigne sur le milieu social de l’écrivain, ses ambitions littéraires et son esthétique. Paris se fréquente donc à la carte.
Toutefois, malgré les tensions et les oppositions entre ces différents lieux de paroles, ces catégories ne sont pas imperméables et un homme de lettres au XIXe siècle peut fréquenter la même semaine cafés et salons mondains, cabarets et cénacles. Charles Cros l’illustre particulièrement puisqu’il fréquentait tout aussi bien les Hydropathes ou le Chat noir que le salon de Nina Villard. La répartition se joue en réalité à une échelle plus fine : il s’agit moins de choisir son camp que de choisir parmi chaque modèle, quel type d’établissement on veut fréquenter.
Benoît Lecoq prend l’exemple de Francisque Sarcey : « En jeune homme distingué et déjà mondain, Sarcey vise Momus ; il n’oserait s’en prendre à Tortoni29
». Cette différence de réputation entre les établissements tient entre autre à leur emplacement géographique. Progressivement, Paris s’est scindé en deux groupes antagonistes, symbolisés par les deux rives. La rive droite est caractérisée par l’académisme et le bon goût bourgeois, tandis que la rive gauche est associée à la bohème. Dans les années 1880 la géographie parisienne est assez nette : le Quartier latin, où les loyers sont plus accessibles, est le quartier de la bohème qui loge dans ses mansardes et ses hôtels garnis. On y trouve des cafés populaires tels que la Brasserie Andler. Le confort y est restreint : bancs et tables en bois, bocks de bière. Ce type de café s’oppose radicalement au modèle du café des Grands Boulevards. Quartier où se concentrent les divertissements, les cafés des Grands Boulevards offrent un décor qui se veut luxueux : dorures, marbrures, bronzes, colonnes lustres, sofas couverts de velours envahissent la plupart des établissements. Les fréquentations varient selon le décor :
Dans les cafés du Boulevard, des hommes d’âge mûr s’inquiètent de la prochaine élection à l’Académie. Dans ceux du Quartier latin […] la jeunesse élève des statues aux écrivains qui n’en ont pas et démolit celles des auteurs consacrés30
.
Montmartre représente une troisième entité et vient rompre ce dualisme rive gauche et rive droite. La butte Montmartre n’est devenue parisienne qu’en 1859. Par cette annexion tardive, le quartier a gardé une forme de préservation par rapport aux grands travaux d’Haussmann. La butte est érigée en « ville libre » par les Montmartrois qui ont pour roi Rodolphe Salis, monarque autoproclamé. C’est là que prolifèrent les cabarets artistiques à mi-chemin entre un affranchissement esthétique et une allégeance aux lois commerciales, qui régissent le monde des spectacles du Boulevard. D’ailleurs, Montmartre déborde sur le 9e arrondissement et le monde des boulevards. La cohabitation est parfois houleuse. L’incompréhension et l’agacement de Philibert Audebrand le montre :
Ceux qui s’intitulaient les Jeunes et qui, pour la plupart, ne devaient pas vieillir, les novices du lendemain du 2 décembre, se montraient par moments au café de Robespierre. « Place aux Jeunes ! » s’était écriée, un jour, je ne sais quelle feuille de chou à leur dévotion. Et qui les empêchait donc d’avancer ? Qui leur volait l’espace et le soleil ? Ils venaient rôder autour de notre table, un peu pour nous voir, beaucoup pour nous railler. La Brasserie de la rue des Martyrs qui était quelque chose comme leur quartier général, nous en députait, tous les soirs, une demi-douzaine. Ils apparaissaient, vidaient un moss, fumaient une pipe, lançaient au plafond deux ou trois brocards dans lesquels nous étions traités de ganaches ou de Mathusalem, ce qui était à très peu de chose près le même mot, puis ils sortaient bruyamment, et, conséquemment, en répétant leur sempiternel refrain : « Place aux Jeunes31
! ».
On peut noter ici l’efficacité des toponymes qui font entendre à eux seuls les convictions de leurs habitués. Ainsi, les déplacements dans Paris sont dictés par des représentations symboliques des lieux. Le choix d’aller dire ses poèmes à un endroit plutôt qu’un autre est un choix hautement significatif. Ces rivalités géographiques et institutionnelles influencent les pratiques littéraires, confortent les amitiés et les rivalités, et font résonner les paroles d’écrivain dans la capitale.
***
Qu’est-ce qui finalement regroupe tous ces lieux qui semblent, pour certains, antagonistes ? Est-ce le désir de se former ? Celui de se faire connaître ou de créer son réseau ? Exister dans le champ littéraire par la fréquentation de ces espaces est effectivement un enjeu majeur de l’artiste au XIXe siècle.
Mais ces lieux sont aussi, et peut-être surtout, les espaces où la littérature se pense, se crée en acte, se vit. Sainte-Beuve l’affirme :
C’est le seul moyen de se rendre la vie de Paris tolérable que de se voir, de converser, de se lire entre soi ce qu’on fait, de s’échauffer mutuellement, les plus faibles aux rayons des forts32
.
Le plaisir, voire la nécessité de se former au contact des autres écrivains par ces paroles vives, voilà le véritable point commun des salons, cénacles, cabarets, cafés et autres lieux de parole.
Ainsi, de la butte Montmartre, au Quartier latin, en passant par les Grand Boulevards, Paris chante, converse, récite des vers et offre une scène privilégiée à la parole vive. Ces lieux sont autant de choix de positionnement de l’artiste dans le champ littéraire de l’époque, il y développe non seulement son œuvre mais aussi sa posture et médiatise sa création dans un geste symbolique et stratégique renouvelant ainsi la figure de l’auteur en auteur-interprète.
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- 1 Rainer Maria Rilke, Notes sur la mélodie des choses, 1898, Paris, Allia, 2008, p. 27.
- 2 Voir Vincent Laisney, En lisant, en écoutant. Lectures en petit comité de Hugo à Mallarmé, Paris, Les Impressions nouvelles, 2017.
- 3 Voir Clément Dessy, Julie Fäcker et Denis Saint-Amand (dir.), Les lieux littéraires et artistiques. XVIII-XXIe siècle, COnTEXTE, n° 19, 2017, [En ligne] https://journals.openedition.org/contextes/6288 (site consulté le 23.10.2019).
- 4 Vincent Laisney, En lisant, en écoutant, op. cit., p. 20-21.
- 5 Dominique Kalifa, La Culture de masse en France, 1860-1930, t. I, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2001.
- 6 Voir Pascal Durand, Médiamorphoses. Presse, littérature et médias, culture médiatique et communication, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2019.
- 7 Voir Nathalie Heinich, De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Sciences humaines », 2012.
- 8 Lettre de Gérard de Nerval à Sainte-Beuve, citée par Vincent Laisney, dans En lisant en écoutant, op. cit., p. 35.
- 9 Paul de Musset, Ibid., p. 48.
- 10 Anthony Glinoer et Vincent Laisney, « Le cénacle à l’épreuve du roman », dans Michel Lacroix et Guillaume Pinson (dir.), Sociabilités imaginées : représentations et enjeux sociaux, Tangence, n° 80, 2006, p. 25.
- 11 Camille Mauclair, Le Soleil des morts, Paris, Ollendorff, 1898, p. 879.
- 12 Voir Denis Saint-Amand (dir.), La Dynamique des groupes littéraires, Liège, Presses Universitaires de Liège, coll. « Situations », 2016.
- 13 Voir Olivier Nora, « La visite au grand écrivain », dans Les lieux de mémoire. La nation, t. II, Pierre Nora (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », 1986, pp. 563-587.
- 14 Voir Théophile Gautier, « Vente du mobilier de Victor Hugo », La Presse, 7 juin 1852, repris dans Histoire du romantisme, Paris, Charpentier, 1874, p. 126-133.
- 15 Voir Marie-Clémence Régnier, « Le spectacle de l’homme de lettres au quotidien : de l’intérieur bourgeois à l’intérieur artiste (1840-1903) », Romantisme, 2015/2, n° 168, p. 71-80.
- 16 Voir Anthony Glinoer et Vincent Laisney, L’Âge des cénacles. Confraternités littéraires et artistiques au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2013, 706 p.
- 17 On pense particulièrement à la surprise des auditeurs de la mansarde d’Étienne-Jean Delécluze, habitués à l’art déclamatoire, à l’écoute de la voix blanche et neutre de Mérimée : « À peine eut-il commencé la lecture de son drame, que les inflexions de sa voix gutturale et le ton dont il récita parurent étranges à l’auditoire. […] N’observant […] plus que les repos strictement indiqués par la coupe des phrases, mais sans élever ni baisser jamais le ton, il lut ainsi tout son drame sans modifier ses accents, même aux endroits les plus passionnés », dans Étienne-Jean Delécluze, Souvenirs de soixante années, Paris, Michel Lévy, 1862, p. 223.
- 18 Voir Alfred Franklin, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercées dans Paris depuis le XVIIIe siècle, Paris-Leipzig, H. Welter éd., 1906.
- 19 Émile Goudeau, Dix ans de bohème, Paris, La Librairie illustrée, 1888, p. 150.
- 20 Il continuera à exister de façon éphémère en 1884.
- 21 Voir pour la définition de l’écrivain « en voix » Pascal Brissette et Will Straw, Poètes et poésie en voix au Québec (XX-XXIe siècle), Voix et Images, vol. 40, 2015, p. 7-13.
- 22 Voir la carte interactive des cafés-concerts et des music-halls des années 1870 à 1945 [En ligne] http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/textes_divers/cafes_concerts_et_music_halls/cafes_concerts_et_music_halls_plan.htm (site consulté le 23.10.2019).
- 23 Christophe Charle, « Le Collège de France », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1992, t. III, p. 1983-2008.
- 24 Voir Stéphane Hirschi, Élisabeth Pillet et Alain Vaillant (dir), L’Art de la parole vive. Paroles chantées et paroles dites à l’époque moderne, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, coll. « Recherches Valenciennoises », n° 21, 2006, p. 8.
- 25 Jean-Pierre Bertrand, Philippe Régnier, Alain Vaillant, Histoire de la littérature française du XIXe siècle, Paris, Nathan, 1998, p. 409.
- 26 Émile Goudeau, « La coterie », dans la revue L’Hydropathe, n° 23, 10 décembre 1879, p. 2.
- 27 Léon Daudet, « Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux », dans Souvenirs et Polémiques, éd. B. Oudin, R. Laffont, coll. « Bouquins », p. 503.
- 28 Revue des Hydropathes, n°7, 20 avril 1879, p. 4.
- 29 Benoît Lecoq, « Le café », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, t. III., Paris, Gallimard, 1992, p. 92.
- 30 Ibid.
- 31 Philibert Audebrand, Un café de journalistes sous Napoléon III, Paris, Dentu, 1888, pp. 89-90.
- 32 Lettre de Sainte-Beuve à Alphonse de Lamartine du 5 janvier 1829, dans Sainte-Beuve, Correspondance générale, t. I, éd. Jean Bonnerot, Paris, Stock, Delamain et Boutelleau, 1935, 1821-1835, p. 122.