« Nous habitons ici et ça n'est pas peu dire1
» déclarent en 2012 les habitants de plusieurs lieux de la zone à défendre (zad) de Notre-Dame-des-Landes. L'affirmation associe un sujet collectif – un « nous » – à un lieu ; elle fait de la zad, par l'usage du déictique « ici », non seulement le lieu d'habitat mais aussi l'ancrage de la parole énonciative ; elle revendique une définition « pleine » de l'habiter ; elle évoque par la négative cette définition, en l'opposant à un « peu dire », à une acception pauvre ou réductrice ; elle suppose un certain pouvoir du verbe, invite à considérer la déclaration verbale comme une action, un « dire » plutôt qu'un dit. Dans ces quelques mots publiés sur le site internet de la zad se condensent un grand nombre des enjeux qui nourrissent le rapport entre la notion d’habiter et la production littéraire à Notre-Dame-des-Landes, territoire rural du nord de Nantes où s'est déployée depuis les années 2000 une lutte d'occupation contre un projet d'aéroport controversé2
.
S'il est bien un terrain où la question de l'habiter est au cœur de tensions politiques, artistiques et existentielles, c'est celui de la zad. Habiter a constitué l'une des premières modalités de lutte politique contre la réactivation du projet d'aéroport dans les années 2000. L'idée selon laquelle « un territoire se défend avec celles et ceux qui l’habitent3
» est au fondement de l'appel des « habitants qui résistent » en 2008, invitation publique à « établir des campements d’occupation sur les terrains que se sont injustement appropriés les promoteurs d[u] projet4
». Par ailleurs, depuis l'abandon officiel du projet d'aéroport par le gouvernement au début de l'année 2018, la défense d'une certaine « manière d'habiter » à la zad est devenue l'un des arguments centraux de la poursuite de la lutte et du maintien des occupants sur le terrain5
, ainsi qu'en témoigne notamment la création du comité « Défendre. Habiter ». L'importance accordée à la notion, loin d'être l'apanage des habitants de la zad, essaime dans l'ensemble des publications médiatiques et scientifiques qui s'y rapportent, que l'on songe par exemple à l'appel publié par une centaine d'intellectuels, architectes et urbanistes en avril 2018 sur Mediapart : « comme à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, défendons d'autres manières d’habiter6
».
Il s'agit ici, dans une perspective littéraire, de comprendre ce qu'un tel investissement de la notion d'habiter fait à la littérature – et par extension aux études littéraires. Les productions littéraires de la zad se caractérisent par une forte diversité de formes, de modes de publication et de fonctions. Tracer les contours d'un corpus cohérent s'avère une entreprise complexe. Le critère d'autochtonie qui permettrait d'identifier des textes produits depuis la zad par les habitants de la zad est mis à mal par les modalités mêmes de l'habiter zadiste. Ainsi en témoigne le récent ouvrage Chroniques de la zone libre7
, témoignage d'une existence voyageuse, voire nomade, d'un auteur circulant entre différentes zad et communautés autogérées. De la même manière, les échelles de production et de diffusion des productions littéraires varient fortement, d'une publication en ligne sur le site de la zad à un article paru dans le journal local ZadNews, de petits zines auto-édités à des publications livresques en maison d'édition. Le critère de sélection doit moins être celui de l'espace et de ses frontières poreuses que celui du temps. Les ensembles de pratiques et de textes que l'on a identifiés font l'objet de publications très diverses mais ils ont un point commun : l'expérience d'un enchevêtrement spécifique entre temps d'élaboration des textes et temps de vie sur la zad. Écrire l'habiter, écrire en habitant et écrire pour habiter se présentent comme les trois faces d'une même littérature dont on cherchera à exposer et à analyser les enjeux dans un parcours à travers les livres du collectif Mauvaise Troupe8
, les collectes de voix du collectif Adventices9
, les productions du Journal Intime Collectif10
et du Zad Social Rap11
ainsi que les interventions de terrain des Troupes de l'imaginaire12
.
Théories : Écrire l'habiter
Le communiqué de 2012 fait de l'habiter une notion polémique. Sa définition est doublement négative. D'une part, « habiter n'est pas loger13
». Le logement se réduisant à « une case », voire à « une cage dont les murs nous sont étrangers14
», le sens commun qui associe habitat et logement est rapidement mis à distance. Il s'agit certes de s’opposer à une acception appauvrie de la notion, relevant de l’idée reçue, mais également à une acception bien plus affermie : celle des aménageurs, fruit de « leurs rêves cauchemardesques de métropole où l’on ne ferait que passer14
». Habiter, dans les textes littéraires produits sur la zad, est ainsi avant tout une notion à défendre. Les ouvrages de la Mauvaise Troupe, plus particulièrement, y consacrent des développements théoriques qui interrogent l’inflation discursive que connaît actuellement l’habiter dans le champ universitaire :
Par le nombre de publications universitaires, de colloques, d’expositions sur le sujet, on peut se demander quelle manie a touché tant de sociologues, philosophes, urbanistes, anthropologues, paysagistes, artistes qui se regroupent pour travailler ce « concept »15
.
L’interrogation n’est pas exempte d’ironie : le terme de « concept » n’est repris que pour être mis à distance, esquisse de critique d’une pensée jargonnante et désincarnée de l’habiter, tandis que la question de la « manie » s’avère rhétorique. La passion de l’habiter, en effet, relève moins pour les auteurs de la folie que d’un financement public privilégié, la notion étant devenue une « marotte pour aménageurs14
». La pensée de l’habiter à la zad de Notre-Dame-des-Landes ne peut que se fonder sur une critique généralisée de l’aménagement du territoire. Il est important de réinscrire l’inflation discursive et la conflictualité qui entourent actuellement la notion d’habiter dans un contexte historique particulier. Ainsi que le rappelle le géographe Philippe Subra, si un consensus se dessine dans la France de l’après-guerre autour du développement économique des territoires via leur aménagement, les années 1970 sont le théâtre d’une « transformation de la politique d’aménagement du territoire en une question conflictuelle16
». En 1976 paraît ainsi l’un des premiers livres de critique de l’aménagement et de la croissance, dans le cadre de l’opposition au premier projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : Dégage !… on aménage17
. Face à la multiplication croissante des conflits d’aménagement se développent alors dans les années 1990 des dispositifs relevant de la « démocratie participative », du débat public et de la concertation. C’est bien dans ce cadre de gestion des conflits que l’usage croissant de la notion d’« habiter » est devenu, selon la Mauvaise Troupe, le signe d’une « volonté de déterminer avec plus de subtilités les moyens de faire accepter à une population donnée un projet industriel18
».
Faire de l’habiter une valeur de la zad implique ainsi de mener une entreprise contre-définitionnelle. Le géographe Frédéric Barbe, reprenant la distinction de Berque entre topos et chôra19
, propose d’opposer au « lieu mathématisé de l’aménageur et de l’élu visionnaire » (topos) le « lieu existentiel et relationnel » (chôra) défendu par les occupants de la zad20
. Dans Contrées, Mauvaise Troupe souligne que les gestes de nomination du territoire s’inscrivent dans ce même jeu d’opposition. Contre l’acte de nomination étatique et aménageur, « vaste relooking sémantique21
», qui homogénéise les territoires sous des appellations réglementées et marchandisées (zones Natura 2000, Parc National, bassins stratégiques, etc.), est invoqué le « geste immémorial » par lesquels les habitants de la zad donnent des noms aux « territoires libérés », palimpsestes « qui racontent des histoires au présent22
». Le détournement de l’acronyme ZAD (Zone d’Aménagement Différé) constitue le parfait exemple de cette « façon de disputer le sens même des choses à l’autorité qui prétend les administrer23
». Par ce « bricolage des acteurs comme (a)ménagement non formel24
», il s’agit de « ménager. Comme nommer sans blesser14
», pour reprendre les mots du feuilleton numérique « Poétique de l’appel d’offre » publié depuis Notre-Dame-des-Landes en 2013. Se présentant comme une « farce poétique et fabuleuse sur l’aménagement, l’urbanisme et la marchandise25
», le feuilleton, fortement nourri de références universitaires, s’inscrit en faux contre l’instrumentalisation de notions telle qu’« habiter » ou d’« invention de formes inédites », productions d’« une géographie qui se dit parfois critique, mais souvent ne dit rien et fait sans nommer26
».
Comment lutter contre l’appropriation gestionnaire ou hypocrite de la valeur « habiter » ? C’est dans la réponse à cette interrogation que semblent se fonder les modalités d’élaboration et de compréhension des productions littéraires à la zad. Mauvaise Troupe relaie dans Constellations une conception relationnelle de l’habiter qui puise chez les anthropologues Sahlins, Clastres, Ingold, ou encore chez le philosophe Deleuze, ses assises théoriques. Habiter désigne ainsi « une façon de s’enchevêtrer à des mondes singuliers, de se sentir des attaches quelque part, de modeler et créer ses espaces quotidiens27
» dans un rapport d’interdépendance entre hommes et lieux. Deux remarques peuvent être faites à propos de ce référentiel de l’habiter à Notre-Dame-des-Landes. D’une part, il s’inscrit dans une conception du politique comme façon de vivre ici-et-maintenant28
. Pour reprendre la réflexion d’Isabelle Fremeaux et de John Jordan, habitants de la zad, il relève d’un projet politique d’utopie au présent29
, de nowtopia30
, dans l’héritage très large d’une pensée anarchiste de l’écologie sociale31
. D’autre part, il est irrigué par un courant de pensée en fort développement depuis le milieu des années 1990 dans le champ des sciences humaines et sociales, fondé sur ce que l’on nomme désormais un « tournant ontologique32
» remettant en cause, pour le dire rapidement, l’universalisme de la modernité occidentale et le partage entre nature et culture. Les enjeux de ce tournant, activement observés et débattus en anthropologie33
, nourrissent une large partie des productions artistiques et littéraires contemporaines34
.
« Notre époque n’a jamais autant parlé d’habiter au moment même où elle apparaît proprement inhabitable35
. » Le constat de la Mauvaise Troupe a cela d’intéressant qu’il propose une piste historique afin d’expliquer pourquoi la pensée de l’habiter « par-delà nature et culture36
» constitue désormais un impératif, au risque de devenir un véritable chant des sirènes. Il prend acte – et ratifie – le nouveau grand récit qui structure l’imaginaire collectif : celui de l’anthropocène. Ainsi que le note Michel Serres dès les années 1990, si l’homme est appréhendé comme une force naturelle, histoire et nature ne peuvent alors que se rencontrer : « l’histoire globale entre dans la nature ; la nature globale entre dans l’histoire37
».
Ce détour par les référentiels qui structurent de manière générale la pensée de l’habiter à la zad est fondamental. Il permet dans un premier temps une saisie affinée des représentations littéraires du vivre à Notre-Dame-des-Landes. Ainsi d’un témoignage publié sur le site internet de la zad par exemple, « fondus dans la forêt », qui confirme la puissance politique conférée à la pensée relationnelle de l’habiter :
Marcher dans le maïs, les bauges, les forêts. Se déchirer avec les barbelés. Chercher les sentiers passables. Retrouver les amis, les complices. Habiter la nuit. Devenir la nuit, l’esprit de la nuit, qui hulule, qui se déplace comme une nuée pour envelopper les gendarmes38
.
Ce sont bien les expériences de l’arpentage, de la déchirure du soi puis de l’enchevêtrement avec l’élément nocturne qui permettent d’enclore les forces de l’ordre, dans une entreprise de « dissolution des corps constitués14
». La mobilisation de la notion d’« habiter » a ici ceci de spécifique qu’elle construit un imaginaire politique du devenir-nuit tout autant qu’elle rapporte une expérience vécue – le texte se plaçant sous la catégorie générique du témoignage. Elle invite ainsi à envisager les productions littéraires dans leur constant dialogue avec le vécu et l’action politique.
Gestes : Écrire en habitant
À quelles représentations se vouer si « l’on veut savoir ce qui se passe ici39
», à la zad de Notre-Dame-des-Landes ? Dans « derrière la vitre14
», morceau réalisé collectivement par le Zad Social Rap, atelier d’écriture et d’enregistrement hebdomadaire, l’injonction au portrait du lieu est refusée au profit d’une invitation impérative : « reste pas derrière ta vitre, sors bouge regarde ce qui se dessine ». L’exploration des possibilités métaphoriques de la vitre permet de perturber les lignes de partage entre les actifs et les passifs mais aussi entre le réel et ses reflets. Ainsi que le souligne Jacques Rancière dans Les Bords de la fiction, les portes et les fenêtres dans les textes littéraires peuvent être envisagés comme des métaphores du « cadre au sein duquel la fiction délimite et peuple un monde sensible spécifique40
». Dans « derrière la vitre », il s’agit progressivement de renverser le cadre de la « jolie vitrine » pour y substituer un autre point de vue et, partant, un autre monde sensible : celui depuis lequel « derrière la vitre on lâche nos huit41
», c’est-à-dire celui de la zad et de sa production artistique en acte. Le retournement du regard et de l’usage de la vitre témoigne du refus d’un « amour de l’apparence », pour reprendre l’expression de Laurent Schneider à propos de Baudelaire42
. Faisant indirectement allusion au « mauvais vitrier43
», le texte du Zad Social Rap condamne en effet un monde qui « a préféré butter le vitrier » au motif de vouloir la « vie en beau44
». Les productions littéraires à Notre-Dame-des-Landes soulignent plus généralement les dangers de l’art conçu comme représentation. Le Rosier45
, recueil de voix élaboré par le collectif Adventices, s’ouvre sur une carte de la zad accompagnée d’emblée d’un avertissement : « la carte n’est pas le terrain46
». Dans Constellations, le collectif Mauvaise Troupe en appelle explicitement à « une autre manière de saisir un territoire47
» :
Non plus celle qui le représente comme espace (là où les êtres sont distribués de façon fixe et proportionnelle, à chacun son domaine de contrôle et ses propriétés, à la manière d’un champ avec ses parcelles découpées et attitrées) mais bien celle qui l’éprouve comme contre-espace (là où les êtres circulent, déambulent mais dans le même mouvement y habitent, y restent, le font vivre, comme à la manière du libre pâturage des nomades)14
.
La pensée de l’habiter, c’est-à-dire d’un « éprouver le territoire », implique un rejet des pouvoirs immortalisants – conçus comme pétrifiants – de la représentation. Il s’agit à l’inverse d’adopter la « perspective résidentielle » défendue par l’anthropologue Tim Ingold selon lequel les « formes que les hommes construisent » – y compris les formes discursives – « surgissent au cours même de leur activité, dans les contextes relationnels spécifiques de leur engagement pratique avec leur environnement48
». La littérature est ainsi moins conçue comme un exercice de représentation seconde du monde que comme l’apprentissage toujours reconduit de sa perception.
Dans les entretiens, les membres d’Adventices, du Journal Intime Collectif (JIC) comme ceux de la Mauvaise Troupe envisagent la littérature avant tout comme un geste. La collecte de voix et l’écriture du Rosier sont envisagées par les auteurs comme une « manière de devenir complices du lieu49
». Il s’agit là d’une double complicité permise par le geste d’écriture. Par un travail de montage de documents et de témoignages, le recueil tisse l’histoire d’un lieu emblématique de la zad, le Rosier, premier squat occupé à partir de 2007. Le récit du lieu, de son évolution, des successives destructions et reconstructions, s’avère ainsi indissociable du vécu des voix que le texte orchestre. Mais pour les auteurs, arrivés des années plus tard à la zad, l’enquête et l’écriture elles-mêmes sont l’occasion pour eux d’acquérir une compréhension affinée du lieu et de s’approprier l’histoire de son occupation. En effet, les productions littéraires à Notre-Dame-des-Landes ne sont pas le fruit d’« autochtones » mais d’« adventices », pour reprendre l’imaginaire végétal du collectif. Une note en ouverture du Rosier précise que les adventices désignent des plantes « qui poussent dans les cultures sans y avoir été semées », c’est-à-dire quelque chose « qui vient du dehors, qui est acquis », par opposition ce qui serait « inné, déterminé par la naissance50
». Le geste d’écrire, ainsi que le souligne Vilém Flusser, ne consiste pas à ajouter de la matière sur une surface – de l’encre sur une feuille par exemple51
. Graphein signifie plutôt « gratter une surface », faire des trous, des inscriptions. Écrire désigne donc bien moins un « geste constructif » qu’un « geste pénétrant », une manière de s’inscrire dans un environnement14
.
Le travail mené lors des ateliers d’écriture et de discussions collectives du JIC est à cet égard exemplaire. Défini par son initiatrice comme un « appareil de production » régi par un ensemble de règles, le JIC impose de « décrire des scènes ou paysages réels, des personnages anonymes », d’écrire « de manière strictement descriptive ; (pas de psychologie ou de jugement de valeur) sans utiliser le pronom “je” », « au présent », et de faire précéder le texte « de la date, de l’heure et du lieu52
». Ces quelques règles impliquent ainsi un impératif de référentialité tout en déjouant la possibilité de constitution d’un savoir-pouvoir par le travail d’anonymisation. Elles donnent priorité au monde extérieur plus qu’à l’univers psychologique ; elles construisent une contemporanéité entre moment de l’observation et geste d’écrire ; elles ancrent l’écriture dans le temps et l’espace. En cela, elles constituent un véritable dispositif d’« ouverture au monde », une « façon d’être plus là », dans un lieu que les gens « habitent réellement53
», pour reprendre les mots de la conceptrice. Les productions rassemblées sous forme de recueils témoignent d’une langue en travail, cherchant à qualifier les formes spécifiques du vivre à la zad. Ainsi d’une absence de lune « aunuitd’hui54
», évoquant des nuits non-éclairées, échappant au productivisme « 24/755
» ou encore du « chblouc56
», onomatopée caractéristique des milliards de paires de bottes marchant dans la boue. L’interdiction du recours au point de vue d’un « je » surplombant met à distance la notion de paysage conçu comme pur produit du regard57
. Au récit d’exploration exotique ou d’explication causale se substitue le plaisir de la reconnaissance des choses du quotidien, ainsi que le révèle par exemple, dans l’un des textes du JIC, l’usage massif de la détermination définie : « Il y a les deux rangées d’arbres sur les côtés qui encadrent le chemin58
». Dans un style souvent fragmentaire, privilégiant la phrase nominale, les textes font comparaître, en les juxtaposant, éléments humains, non-humains, paroles et objets :
Au loin... des tas de matériaux, un coup à gauche, un coup à droite, pneus, palettes, grillages, bonbonnes de gaz, morceaux de bois, de métal, bouteilles vides, portes, phrases écrites, des fleurs. Tchip Tchip Cui Cui. Elle est légère.
Elle regarde dans tous les sens en chantonnant.
« Salut ! »
« Oh la vache »
« Tout à construire »
« On lâche rien »
« On travaille la terre avec entrain »
« Pas toujours facile hein ? »59
Le parti pris de la description est ainsi conçu comme une pratique d’engagement perceptuel dans lequel l’être humain, par le geste d’écrire, affine ses relations à l’environnement, s’enchevêtrant par exemple à un « soleil [qui] brille et fait briller la peau ». Il s’agit là d’une conception de la pratique littéraire relativement proche de la pensée écocritique selon laquelle le texte participe de la construction culturelle de notre relation au monde60
, voire d’une approche écosémiotique du langage qui envisage toute communication et toute signification dans un rapport de continuité avec l’environnement61
.
Si l’assimilation de la production littéraire à un geste d’inscription dans les lieux est commune à la plupart des auteurs rencontrés, les modalités de cette inscription diffèrent cependant. Certes, les chapitres « fêtes sauvages » et « la folle du logis » de Constellations, soulignent les membres de la Mauvaise Troupe, relèvent d’une « écriture exploratoire62
» qui vise à penser les expériences au présent, dans un mouvement d’incessants « aller-retours avec la vie14
». La pensée se réalise ainsi par le geste d’écriture, rejoignant la réflexion de Vilém Flusser selon lequel « il est faux de dire que l’écriture fixe la pensée », écrire étant en soi « une manière de penser63
». Une telle appréhension de la production littéraire s’inscrit dans un renversement plus large de la division du travail à la zad. Ainsi que le note la sociologue Geneviève Pruvost, « l’activité discursive » n’y est point « séparable de l’environnement dans lequel elle se déploie » car « les moyens de production de la vie matérielle ne constituent pas le décor ou les coulisses d’une agora qui occuperait le devant de la scène64
». La production littéraire de la Mauvaise Troupe ne correspond cependant pas à un « geste pénétrant » en ce qu’elle s’attacherait à décrire les lieux, mais bien plutôt en ce qu’elle entretient d’étroits rapports avec l’action. S’ouvrant sur le récit d’un résistant à un projet de train à grande vitesse dans le Val de Suse, Contrées précise que chacun des mots de ce dernier « respire ce territoire où, depuis quelques années maintenant, il s’est résolu à combattre65
. »
L’imaginaire d’un rapport de continuité organique entre les mots et le monde est assuré non par la description mais par le souffle épique qui traverse la totalité des textes du collectif. S’il s’agit certes d’écrire en habitant – au sens d’un refus de la séparation entre l’art et la vie, il est peut-être plus intéressant encore d’envisager cette production littéraire comme un écrire pour habiter. En effet, maintenir l’habitat à la zad, pour des occupants constamment menacés d’expulsion, exige une littérature de situation.
Actions : Écrire pour habiter
Dans Constellations, l’évocation des mobilisations littéraires dans le cadre de la lutte contre l’implantation d’un train à grande vitesse dans le Val de Suse est l’occasion d’une réflexion sur l’articulation entre littérature et lutte politique. Dans l’héritage de Walter Benjamin, le texte élabore une pensée de la littérature qui prolonge l’ancestrale pratique des conteurs :
Les contes sont nés autour d’un feu, il y a 25 000 ans, pour parler du danger. Celui de s’éloigner du feu, d’abord. Ce danger, il court et remonte ce temps élastique en changeant de forme, pour s’emparer de nos récits, d’une certaine histoire. […] Nous sommes, aujourd’hui comme toujours, il y a 25 000 ans, autour d’un feu, au moment du danger14
.
Prise dans le feu de l’action, la littérature telle qu’elle est produite à la zad ne se réduit pas à une entreprise mémorielle, a posteriori ; elle répond à des objectifs de lutte politique plus ou moins proches de ceux qu’affiche par exemple le Camp Climat organisé sur la zad en 2012 : « résistance par l’action directe créative », souci « d’alternatives concrètes » « ici et maintenant », « large éventail d’ateliers et de discussions » et « internationalisation du mouvement » sont des principes que l’on retrouve dans les pratiques littéraires des différents collectifs. On a ainsi identifié quatre modalités selon lesquelles les productions littéraires, à la zad, participent des actions de lutte pour le maintien de l’habitat. Tout d’abord, elles s’inscrivent dans un champ discursif conflictuel : celui des définitions de ce qu’est la zad. Elles s’engagent ainsi dans une lutte des représentations. Toujours élaborées par des groupes, produits d’un faire collectif, elles constituent également des dispositifs d’organisation collégiale qui débordent souvent les frontières du territoire géographique de Notre-Dame-des-Landes. Elles contribuent ainsi, à plus large échelle, à renforcer des réseaux affinitaires et politiques. Enfin, s’attelant parfois à la construction de situation, elles relèvent alors d’une forme d’action directe créative dont il faudra analyser l’efficace. On convoquera les productions des différents collectifs pour envisager la première modalité d’action, afin de préciser que les discours des habitants sur la zad sont loin d’être univoques ou unanimes. On privilégiera ensuite dans l’analyse des trois modalités suivantes – organisation collective, internationalisation des luttes et action directe – les productions littéraires de la Mauvaise Troupe.
La première action littéraire facilement identifiable à Notre-Dame-des-Landes est celle de fournir un contre-discours, une alternative concrète aux portraits de terrain qui s’élaborent dans le champ médiatique. « Votre-Dame-du-Vietnam66
», morceau collectif du Zad Social Rap, parodie les récits médiatiques alarmistes qui font de la zad un « western sans vautour67
». Le travail sur les rimes construit un discours lancinant qui associe précisément l’imaginaire terrifiant des « tours à laser dans [les] basses-cours », des « comptes à rebours » et autres « prises d’otage de joibour » imputées aux zadistes, aux délires du « nal-jour » qui ne peut alors rimer qu’avec un cri de panique : « au secours68
». Le texte, en reprenant et détournant les clichés médiatiques69
, élabore un discours de contre-terrain. Devenue « terrain de jeu » d’un « nous », la zad est rendue aux occupants qui se réapproprient les signes de la violence : « c’est nous le vent, la tornade, la grenade dégoupillée14
». Si la reconquête passe ici par l’humour, la charge conflictuelle que contient plus généralement tout discours prenant la zad pour objet ne doit pas être minimisée. Écrire sur la zad correspond inévitablement à une prise de position dans une arène aux antagonismes particulièrement forts, entre les divers parti-pris médiatiques mais également entre les différents collectifs d’habitants sur la zad. Alors que l’écriture des textes de La Mauvaise Troupe ont en partie été écrits afin de ne pas « laisser des sociologues ou des auteurs attitrés tirer les leçons et analyses de ce [qu’ils vivent] à [leur] place70
», la préface au recueil du Rosier, elle, présente explicitement le texte comme une nouvelle alternative concrète, cette fois-ci aux livres de la Mauvaise Troupe accusés d’« entretenir des mythes » et de faire entendre « des voix héroïques71
». Si le recueil du Rosier s’ouvre symptomatiquement sur l’impératif grammaticalisé « voici », c’est que la présentation de la zad, de son histoire et de ses habitants, est au cœur d’une bataille définitionnelle entre différentes composantes de la zone. Malgré les intentions affichées par les différents collectifs d’appréhender la littérature comme une expérience perceptuelle, selon une perspective résidentielle, la question de la représentation reste centrale.
La production littéraire s’envisage également en tant qu’action pour habiter au sens où elle constitue un véritable organisateur collectif. Du Journal Intime Collectif aux textes de la Mauvaise Troupe en passant par le recueil des Adventices ou les morceaux du Zad Social Rap, une même conception conviviale et démocratique de l’écriture traverse les initiatives. « Pas besoin d’être bon pour prendre son tour72
» précise un participant du Zad Social Rap, la notion de tour évoquant, au-delà du passage dans la salle d’enregistrement, une tâche, une responsabilité commune. Dans le cadre d’une telle collectivisation de l’art, puisque « la poésie est revenue dans des bouches sans prétentions73
», les productions prennent bien souvent la forme du montage, de l’orchestration de l’hétérogène, de « l’œuvre collective74
». Dans le cadre du Journal Intime Collectif, la mise en partage est triple : au partage de l’espace collectif – les participants ayant en commun un voisinage – s’ajoutent le partage des règles du dispositif de production lors de l’élaboration des textes, mais également le partage des discussions, lectures et critiques des productions. Pour le collectif Mauvaise Troupe, écrire ne se réduit d’ailleurs pas à tisser des liens entre ceux qui résident sur le territoire de la zad. Le seul titre de Contrées, évoquant étymologiquement la regio contrata, c’est-à-dire le « pays situé en face de celui qui regarde », élabore un véritable dialogue entre le territoire de Notre-Dame-des-Landes en France et le Val de Suse en Italie. Il s’agit par-là, d’une part, d’explorer une conception de l’habiter qui dépasse « cette vision essentiellement matérielle, géographique d’un espace circonscrit, délimité, et dont il faudrait défendre les limites75
». Une manière pleine d’habiter est ainsi définie par « sa mise à l’épreuve avec d’autres territoires », par « les alliances et les complicités » qui se nouent « avec d’autres lieux proches ou lointains14
». D’autre part, de manière plus concrète, l’action d’enquête et d’écriture permet aux auteurs de tisser des liens stratégiques avec d’autres mouvements sociaux. L’écriture de Contrées est ainsi l’occasion de fréquenter le mouvement NO TAV76
. De la même manière, dans le cadre du premier numéro du projet « Territoires en bataille », projet de « rédaction et de diffusion de courts écrits donnant à voir et à sentir les dynamiques à l’œuvre dans différents espaces en lutte en Europe et dans le monde77
», le travail d’écriture permet de tisser un lien avec une habitante du quartier basque autogéré d’Errekaleor. Si habiter à Notre-Dame-des-Landes désigne initialement une situation géographique commune, il s’agit d’établir des relations de solidarité qui dépassent les frontières de la zone, en exploitant la littérature, entre autres, comme pratique de sociabilité. Ainsi d’un ensemble d’entretiens menés dans le Val de Suse, exposés sous forme de livrets en libre-service sur un présentoir de la bibliothèque du Taslu de Notre-Dame-des-Landes, ou encore de la pièce de théâtre Notre Dame d’Haïti de la compagnie réunionnaise Lolita Monga, écrite en résidence à Notre-Dame-des-Landes, témoignant de cette volonté de tisser un réseau tout en constituant un imaginaire politique partagé qui entrelace l’histoire de la Réunion à la révolte haïtienne ainsi qu’aux luttes de la zad.
Enfin, s’il s’agit à la zad d’écrire pour habiter, c’est que la littérature s’inscrit dans un vaste champ de pratiques qui s’attellent directement à la « construction de situations78
». La production littéraire du collectif Mauvaise Troupe notamment se veut une réappropriation directe du projet situationniste. Nourri de références à Guy Debord ou Raoul Vaneigem – qui a d’ailleurs apporté son soutien aux occupants de la zad79
– le collectif réactive le projet d’une poésie qui « doit avoir pour but la vérité pratique80
». Il est facile d’observer, sur le terrain de la zad, une volonté de circonscrire l’art à ce qu’il est possible de vivre sur-le-champ, dans l’espace social. Ainsi de la tour-phare construite à côté de la bibliothèque du Taslu sur le lieu de la Rolandière, décrite par l’artiste-activiste John Jordan comme une réactivation de l’imaginaire d’Alexandrie, ou encore des nombreuses cabanes et barricades qu’Isabelle Fremeaux qualifie de « quotidien en tant qu’œuvre d’art81
».
Concernant le travail littéraire, la démarche semble plus délicate : « à l’heure où Guy Debord est à la BNF, […] est-il encore possible, dans les années 2000, de considérer l’écriture comme un geste offensif82
? », se demande le collectif. La bibliothèque de la zad, le Taslu, n’hésite pourtant pas à mobiliser les ressources politiques de la littérature, soit qu’il s’agisse de recourir au capital symbolique d’un auteur afin de légitimer l’occupation83
, soit qu’il s’agisse de souscrire au potentiel subversif de la fiction : ainsi de la venue des ateliers de l’Antémonde à la zad pour un atelier « de fabrication d’imaginaires enthousiastes et critiques du complexe techno-industriel84
» fondé sur les outils de la science-fiction85
ou des nombreuses activités élaborées avec l’écrivain Alain Damasio86
. L’offensive imaginaire doit permettre, selon la Mauvaise Troupe, de répondre à une crise qui, pour citer les mots du Comité Invisible souvent repris par le collectif, « n’est pas économique, écologique ou politique, [mais] avant tout celle de la présence87
». Le parti pris du récit fictif se veut, pour le dire rapidement, un outil de réenchantement qui permette des manières pleines d’habiter : « nous en faisons le pari : il y a des manières de raconter, d’inventer [...] qui, en laissant indistincts réel et imaginaire, marquent nos vies, inspirent nos gestes88
. » Ce sont précisément les spécificités d’une « manières de raconter » de la Mauvaise Troupe que l’on analysera ici : celle mise en place lors de la mobilisation des « troupes de l’imaginaire » à la zad le 22 avril 201889
, journée de lecture orale et collective de textes littéraires face aux forces de l’ordre. Suivant un parcours sur différents lieux de la zad, la journée est avant tout l’occasion de rappeler les histoires des constructions et destructions, des victoires et des défaites face aux forces de l’ordre ayant marqué les sites. Le registre épique, très fréquemment employé dans les textes de la Mauvaise Troupe, peuple ainsi le lieu de batailles selon ce que Lukács a pu nommer, dans ses réflexions sur épopée et roman, une logique de simplification90
. L’exaltation épique faisant des individus des surhommes, l’idée de transparence, le goût pour le merveilleux, caractéristiques selon Lukács de cette « poésie d’un âge sans ombre14
», sont précisément les reproches communément adressés aux productions de la Mauvaise Troupe par une partie critique des occupants de la zad. On s’inspire ici des travaux de Florence Goyet qui montre comment le « travail épique », s’il s’appuie certes sur un premier mouvement de simplification qui permet de « confirmer la solidité de l’ordre », c’est-à-dire de « présenter de façon ordonnée le chaos de la bataille et le chaos de la politique91
», repose également sur un retour de la confusion qui permet d’aboutir à « des solutions politiques viables, profondes et nouvelles14
». L’intervention artistique de « troupes de l’imaginaire » à Notre-Dame-des-Landes en 2018 est certes bien loin de l’épopée de Gilgamesh ou de l’Iliade. Cependant, une même logique du doute vient nourrir le « travail épique » mis en place par le dispositif d’intervention littéraire, qui n’est pas sans lien avec la quête revendiquée à la zad de nouvelles manières d’habiter. La situation se donne à voir à première vue comme celle d’un rapport de forces social avant tout. À l’appel de la bibliothèque de la zone, il s’agit de rassembler des « personnalités du monde des livres et des idées92
» à Notre-Dame-des-Landes et de poursuivre ainsi la logique de l’initiative des « barricades de mots93
» menée en 201694
. En mobilisant le capital culturel et social de figures intellectuelles, les habitants de la zone cherchent à accroître la légitimité de leurs positions. La violence symbolique semble d’ailleurs être l’une des modalités de lutte contre la violence physique des gendarmes mobiles : « si vous ne comprenez pas ce que nous disons, c’est normal, c’est de la littérature », déclare ironiquement l’un des habitants au rang de gendarmes, convoquant ainsi l’autorité du littéraire tel qu’il a été constitué et légitimé notamment par l’institution scolaire. Deux régimes de violence légitime s’affrontent-ils ? Contre le monopole de la violence physique légitime de l’État, on pourrait penser qu’il s’agit paradoxalement de remobiliser, afin de défendre l’occupation, une violence symbolique fondée sur une inégalité en matière de ressources culturelles. Les Troupes de l’imaginaire seront d’ailleurs appelées à une seconde intervention de terrain le 20 mai 2018 dans le cadre d’un « grand concours d’outrage aux forces de l’ordre95
». L’intervention littéraire de terrain à Notre-Dame-des-Landes apparaît ainsi à première vue comme la manifestation exemplaire d’une bataille, dont le nom même de « troupes de l’imaginaire » file la métaphore guerrière.
L’expérience in situ de l’événement permet toutefois d’affiner considérablement l’analyse. Elle révèle avant tout la radicale incommensurabilité des deux forces en présence : la charge symbolique de la littérature ne peut en aucun cas se mesurer, matériellement, à la force policière. Son mode d’existence est celui du sursis : elle peut avoir et tenir lieu tant qu’ordre contraire n’a pas été donné. À l’épreuve du terrain, l’idée d’une production littéraire pour habiter révèle ainsi ses limites. À la vulnérabilité du lieu, entouré des escadrons de gendarmes mobiles et marqué par l’absence, les récentes destructions de l’habitat96
, s’ajoute la vulnérabilité de l’événement littéraire lui-même. La voix des lectrices et lecteurs est fragile, souvent couverte par bruit de l’hélicoptère de gendarmerie qui survole la zone, et toutes et tous ne sont pas rompus à l’exercice de la performance à voix haute. Ces limites qui se révèlent à l’épreuve du terrain permettent alors de clarifier la relation entre l’intervention littéraire et la notion mainte fois interrogée de l’habiter. L’enjeu réside avant tout, pour les participants, dans le maintien de ce qu’Yves Citton nomme une « écologie de l’attention97
». S’il s’agit en principe d’une intervention littéraire pour habiter, c’est-à-dire d’une littérature qui s’inscrit dans des rapports de force, se révèle à l’usage sa capacité, avant tout, à construire des situations reposant sur un régime de communication spécifique. L’intervention implique un effort d’« attention conjointe » afin de résister au régime attentionnel de « l’alerte14
» ayant envahi la zad en période d’expulsion. Dans le feu de l’action, l’intervention littéraire pour habiter semble précisément s’effectuer en habitant, à savoir en s’efforçant de préserver la possibilité d’un régime écologique de l’attention, qui ne fasse l’impasse ni sur l’humour, ni sur l’infra-ordinaire de « la pluie qui mouille les barricades, l’herbe, l’amoncellement, les vélos renversés, les poubelles débordantes, les pieds nus sur la terre, et une basket blanche “all star” seule et délassée au milieu du petit chemin98
. »
Bibliographie
Production littéraire de la zad
Adventices, « Le Rosier, Petites histoires d’une zone à défendre », Infokiosques, décembre 2017 [En ligne] https://infokiosques.net/spip.php?article1586 (consulté le 14 novembre 2018).
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Références
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- 1« Aux révolté-e-s de Notre-Dame-des-Landes », Zadnadir, jeudi 30 août 2012, [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article320 (consulté le 14 novembre 2018).
- 2Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, s'il refait surface en 2000 au ministère de l'Équipement et des Transports, date initialement des années 1970. Il a été abandonné officiellement par l'État en 2018.
- 3« Défendre nos manières d’habiter la ZAD », Zadnadir, dimanche 13 mai 2018, [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article5801 (consulté le 14 novembre 2018).
- 4« Aux révolté-e-s de Notre-Dame-des-Landes », Zadnadir, art. cit.
- 5« Défendre nos manières d’habiter la ZAD », Zadnadir, art. cit.
- 6« Comme à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, défendons d'autres manières d’habiter », Mediapart, 6 avril 2018 [En ligne] https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/060418/comme-la-zad-de-notre-dame-des-landes-defendons-dautres-manieres-d-habiter (consulté le 14 novembre 2018).
- 7Cosma Salé, Chroniques de la zone libre. Des zad au maquis : fragments de l'imaginaire autonome, Neuvy-en-Champagne, Le passager clandestin, 2016.
- 8Collectif d’une douzaine de membres, la Mauvaise Troupe a notamment publié les livres Constellations (2014), Contrées (2016), Saisons (2017) ainsi que la collection de textes « Territoires en bataille », disponibles en ligne : https://mauvaisetroupe.org/ (consulté le 14 novembre 2018).
- 9Collectif de six membres habitants de la zad, Adventices a mené une collecte de voix sur le terrain de la zad qui a abouti à un recueil publié en ligne. Adventices, « Le Rosier, Petites histoires d'une zone à défendre », Infokiosques, décembre 2017 [En ligne] https://infokiosques.net/spip.php?article1586 (consulté le 14 novembre 2018).
- 10À l’initiative de Carilone, habitante de la zad, le Journal Intime Collectif dit « le JIC » est un jeu d'écriture qui s’apparente à un atelier d’écriture et de discussions collectives pour raconter les espaces partagés au quotidien. Les productions issues des sessions JIC ont été rassemblées dans un recueil. JIC, « Absolument tous les recueils du JIC (Journal Intime Collectif) de la ZAD (Zone à Défendre) de NDDL (Notre Dame Des Landes) », JIC [en ligne]. http://www.ejic.com/ [site consulté le 14 novembre 2018].
- 11Le Zad Social Rap est un atelier d’écriture et d’enregistrement collectif ayant lieu de manière hebdomadaire à la zad. Les morceaux de rap produits collectivement sont disponibles en ligne. Zad Social Rap, Soundcloud [En ligne] https://soundcloud.com/zadsocialrap (consulté le 14 novembre 2018).
- 12Les Troupes de l’imaginaire désignent un groupe d’intervention éphémère, constitué le dimanche 22 avril 2018 par une trentaine de participants répondant à l’appel de la bibliothèque de la zad, le Taslu, gérée par des membres de la Mauvaise Troupe. Voir « le Taslu appelle les troupes de l’imaginaire à se mobiliser », ZadNadir, [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article5604 (consulté le 14 novembre 2018).
- 13« Aux révolté-e-s de Notre-Dame-des-Landes », Zadnadir, art. cit.
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Ibidem. - 15Mauvaise Troupe, Constellations, Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle, Paris, L'Éclat, 2014, p. 456.
- 16Philippe Subra, Géopolitique locale, Territoire, acteurs, conflits, Paris, Armand Colin, 2016, p. 42.
- 17Jean de Legge et Roger Le Guen, Dégage !… on aménage, Les Sables-d'Olonne, Éditions le Cercle d'or, 1976.
- 18Mauvaise Troupe, op. cit., p. 456.
- 19Augustin Berque, Ecoumène. Introduction à l´étude des milieux humains, Paris, Belin, 2000.
- 20Frédéric Barbe, « La “zone à défendre” de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique », Norois, n° 238-239, 2016, p. 109-130.
- 21Mauvaise Troupe, Contrées, Paris, L'Éclat, 2016, p. 223. Idem, p. 227.
- 22Idem, p. 227.
- 23Idem, p. 265.
- 24Captain Frog, « Ménagement [to be continued] », Poétique de l'appel d'offre [en ligne]. http://poetiquedelappeldoffres.blogspot.com/2013/12/menagement-to-be-continued.html [site consulté le 14 novembre 2018].
- 25Captain Frog, « Avertissement », Poétique de l'appel d'offre [en ligne].
- 26Captain Frog, « Ménagement [to be continued] », art. cit.
- 27Le communiqué « Aux révolté-e-s de Notre-Dame-des-Landes » de 2012 développe ce parti pris de l'interdépendance : « Habiter, c’est autre chose. C’est un entrelacement de liens. C’est appartenir aux lieux autant qu’ils nous appartiennent. C’est ne pas être indifférent aux choses qui nous entourent, c’est être attaché-e-s : aux gens, aux ambiances, aux champs, aux haies, aux bois, aux maisons. à telle plante qui repousse au même endroit, à telle bête qu’on prend l’habitude de voir là. C’est être en prise, en puissance sur nos espaces. », « Aux révolté-e-s de Notre-Dame-des-Landes », art. cit.
- 28Le géographe Frédéric Barbe qualifie l'expérience à la zad d'un « habiter en conscience d’habiter », désignant par là un « régime critique spécifique de l’habiter ». Frédéric Barbe, « La “zone à défendre” de Notre-Dame-des-Landes ou l’habiter comme politique », op. cit.
- 29Isabelle Frémeaux et John Jordan, Les Sentiers de l'utopie, Paris, La découverte, 2012.
- 30Chris Carlsson, Nowtopias, Édimbourg, AK Press, 2008.
- 31Murray Bookchin, Qu'est-ce que l'écologie sociale ?, Lyon, Atelier de création libertaire, 2003, [1989]. Les référentiels politiques qui irriguent la zad sont ici abordés trop rapidement. Pour une analyse plus développée de la genèse politique de la zad, voir les travaux de Sylvaine Bulle, « Une expérimentation territoriale utopique : la ZAD Notre-Dame-des-Landes. Premiers éléments de genèse politique » dans le cadre du séminaire ETAPE n° 20, « Entre théorie et pratique : le Comité invisible et Notre-Dame-des-Landes », Paris, 5 février 2016.
- 32Amiria Henare, Martin Holbraad et Sari Wastell, « Introduction. Thinking through things » dans Amiria Henare, Martin Holbraad et Sari Wastell (éds.), Thinking through things. Theorising artefacts ethnographically, Abingdon/New York, Routledge, p. 12.
- 33Voir notamment à la journée d'études « Anthropologie et ontologie : une étude critique » qui s'est tenue à l'ENS d'Ulm le 11 juin 2014.
- 34L'un des effets les plus flagrants de la popularisation et de l'appropriation de cette pensée relationnelle de l'habiter s'expose dans le retour à la mode de « l'habiter poétiquement » dans les arts et la production littéraire. Catherine Coquio observe ainsi la multiplication de publications contemporaines qui, dans le rêve « de réunir l’art et la vie, la politique et la poésie, la contemplation et l’action, pour transformer la Terre en un lieu habitable », réactivent le mantra de Hölderlin (« En poète, l’homme habite sur cette terre »). Dans une perspective critique, la chercheuse propose d'interroger ce revival français du romantisme allemand à l’ère de la mondialisation et de l’anthropocène. Catherine Coquio, « Habiter poétiquement le monde », Journées d'études « Habiter les lieux », ZoneZadir, juillet 2018 [En ligne] https://zonezadir.hypotheses.org/atelier-habiter-poetiquement-le-monde (consulté le 14 novembre 2018).
- 35Mauvaise Troupe, Constellations, op. cit., p. 456.
- 36Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.
- 37Michel Serres, Le Contrat naturel, Paris, Flammarion/Champs, 1992, p. 18, cité dans Larrère, Catherine. « Anthropocène : le nouveau grand récit », Esprit, n° 12 (décembre 2015), p. 46-55.
- 38« Fondus dans la forêt », ZadNadir, mardi 6 novembre 2012 [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article516 (consulté le 14 novembre 2018).
- 39Zad Social Rap, « Derrière la vitre » [En ligne] https://soundcloud.com/zadsocialrap (consulté le 14 novembre 2018).
- 40Jacques Rancière, Les Bords de la fiction, Paris, Seuil, 2017, p. 15.
- 41Zad Social Rap, art. cit. Un « huit » étant une mesure de huit temps.
- 42Laurent Schneider, « L'amour de l'apparence : Baudelaire, Nietzsche », Romantisme, n° 115 (2002), De ceci à cela, p. 83-91.
- 43Charles Baudelaire, « Le mauvais vitrier », Petits Poèmes en prose, dans Œuvres complètes de Charles Baudelaire, Michel Lévy frères, 1869, p. 21-24.
- 44Zad Social Rap, art. cit.
- 45Adventices, « Le Rosier, Petites histoires d'une zone à défendre », art. cit.
- 46Idem, p. 4.
- 47Mauvaise Troupe, Constellations, op. cit. p. 467.
- 48Tim Ingold, Marcher avec les dragons, Bruxelles, Zones Sensibles, 2013.
- 49Entretien avec le collectif Adventices, 25 mars 2018.
- 50Adventices, Le Rosier, op. cit., p. 5.
- 51Vilém Flusser, Les Gestes, Paris, Éd. Hors Commerce d'arts, 1999, p. 43.
- 52« Absolument tous les recueils du JIC (Journal Intime Collectif) de la ZAD (Zone à Défendre) de NDDL (Notre Dame Des Landes) », Jic, p. 2 [en ligne]. http://www.ejic.com/ [site consulté le 14 novembre 2018].
- 53Entretien avec Carilone, 7 avril 2018.
- 54« Absolument tous les recueils du JIC (Journal Intime Collectif) de la ZAD (Zone à Défendre) de NDDL (Notre Dame Des Landes) », op. cit., p. 4.
- 55Jonathan Crary, 24/7, Le Capitalisme à l'assaut du sommeil, Paris, La Découverte, 2014.
- 56« Absolument tous les recueils du JIC (Journal Intime Collectif) de la ZAD (Zone à Défendre) de NDDL (Notre Dame Des Landes) », op. cit., p. 34.
- 57Ce refus n'est pas sans rappeler le développement, en sciences humaines et sociales, d'une approche relationnelle du travail de terrain, initiée notamment par les sciences studies féministes américaines. L'initiatrice du JIC revendique d'ailleurs une filiation avec l'ethnologie : « on est tous des petits ethnologues» (Entretien avec Carilone, 7 avril 2018). « Relation d'enquête », « co-savoir », engagement perceptuel et co-construction sont désormais les maîtres mots d'un terrain pensé avant tout dans sa dimension relationnelle.
- 58« Absolument tous les recueils du JIC (Journal Intime Collectif) de la ZAD (Zone à Défendre) de NDDL (Notre Dame Des Landes) », op. cit., p. 34.
- 59Idem, p. 7.
- 60Lawrence Buell, The Environmental Imagination: Thoreau, Nature Writing, and the Formation of American Culture, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 1995.
- 61Pour une présentation synthétique des grandes lignes de l'écosémiotique, voir l'article de Gabriel Vignola, « Écocritique, écosémiotique et représentation du monde en littérature », Cygne noir, n° 5, 2017 [en ligne]. http://revuecygnenoir.org/numero/article/vignola-ecocritique-ecosemiotique [site consulté le 14 novembre 2018].
- 62Entretien avec la Mauvaise Troupe, 10 mai 2018.
- 63Vilém Flusser, op. cit., p. 50.
- 64Geneviève Pruvost, « Critique en acte de la vie quotidienne à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (2013-2014) », Politix, vol. 117, n° 1, 2017, p. 35-62.
- 65Mauvaise Troupe, Contrées, op. cit, p. 9.
- 66Zad Social Rap, « Votre-Dame-du-Vietnam » [En ligne] https://soundcloud.com/zadsocialrap (consulté le 14 novembre 2018).
- 67Le titre du morceau renvoie en effet à la remarque de l’éditorialiste Christophe Barbier sur BFMTV à propos de l’évacuation de Notre-Dame-des-Landes : « On est plus proche d’un guérilla type Vietnam des pauvres que de la simple répression d’une manifestation » cité dans Samuel Gontier, « À Notre-Dame-des-Landes, “le Vietnam des pauvres” menace la France d’une “guérilla” », Télérama, 15 décembre 2017 [En ligne] https://www.telerama.fr/television/a-notre-dame-des-landes,-le-vietnam-des-pauvres-menace-la-france-dune-guerilla,n5402676.php (consulté le 14 novembre 2018).
- 68Zad Social Rap, « Votre-Dame-du-Vietnam », op. cit.
- 69Voir l’enquête d’Acrimed, observatoire des médias indépendant : Acrimed, « Désinformation sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : les médias au garde-à-vous », Acrimed, mardi 2 janvier 2018 [En ligne] https://www.acrimed.org/Desinformation-sur-la-ZAD-de-Notre-Dame-des (consulté le 14 novembre 2018).
- 70« L'imaginaire de la zad, entretien avec le Collectif Mauvaise Troupe », Mouvement, 8 mars 2016 [en ligne]. http://www.mouvement.net/ [site consulté le 14 novembre 2018].
- 71Adventices, Le Rosier, op. cit., p. 3.
- 72Zad Social Rap, « Enfant, chant de colère » [En ligne] https://soundcloud.com/zadsocialrap (consulté le 14 novembre 2018).
- 73Mauvaise Troupe, Contrées, op. cit., p. 9.
- 74C'est ainsi que sont présentés les textes issus des ateliers du Journal Intime Collectif.
- 75Mauvaise Troupe, Constellations, op. cit., p. 462.
- 76NO TAV est un mouvement de protestation dans la vallée de Suse contre le projet de construction d’une ligne de train à grande vitesse Lyon-Turin.
- 77Mauvaise Troupe, “Errekaleor, le plus grand squat du Pays basque”, collection « Territoires en bataille », n° 1, 2018, Constellations [En ligne] https://mauvaisetroupe.org/IMG/pdf/errekaleor-2.pdf (consulté le 14 novembre 2018).
- 78Guy Debord, Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale, Paris, Mille-et-une-nuits, Poche, 2000, [1957].
- 79« Messages de soutien et chanson de Raoul Vaneigem », ZadNadir, lundi 23 avril 2018 [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article5679 (consulté le 14 novembre 2018).
- 80Guy Debord, « Manifeste pour une construction de situations », septembre 1953, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 2006, p. 108.
- 81Isabelle Frémeaux et John Jordan, « Notre-Dame-Des-Landes : la communauté des gens de boue », aux Laboratoires d'Aubervilliers, 19 mai 2013 [En ligne] https://vimeo.com/72884670 (consulté le 14 novembre 2018).
- 82Mauvaise Troupe, Constellations, op. cit., p. 495.
- 83Voir notamment la rencontre-débat avec Éric Vuillard, le 1er février 2018 à la bibliothèque du Taslu, quelques mois après que l'écrivain a obtenu le prix Goncourt de littérature pour L'Ordre du jour.
- 84« Qui sommes-nous ? », Ateliers de l'Antémonde [En ligne] https://antemonde.org/ (consulté le 14 novembre 2018).
- 85Pour plus de renseignements, voir Bâtir aussi, première édition de textes issus de précédents ateliers d'écriture des Ateliers de l'Antémonde dans d'autres territoires français. Ateliers Antémonde, Bâtir aussi, Paris, Éditions Cambourakis, 2018.
- 86Voir notamment sa ballade-lecture dans la forêt de Rohanne du 17 mai 2018, ZadNadir, [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article5817 (consulté le 14 novembre 2018).
- 87Comité Invisible, À nos amis, Paris, La Fabrique, 2014, p. 31.
- 88Mauvaise Troupe, Constellations, op. cit., p. 287.
- 89« le Taslu appelle les troupes de l’imaginaire à se mobiliser », ZadNadir, [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article5604 (consulté le 14 novembre 2018).
- 90Georg Lukács, La Théorie du roman, Collection Tel (n° 144), Paris, Gallimard, 1989, cité par Florence Goyet, « Pour une approche organique de l'épopée » dans Feuillebois-Pierunek Ève (dir.), Epopées du monde. Pour un panorama (presque) général, Paris, Classiques Garnier, 2011.
- 91Florence Goyet, « Pour une approche organique de l'épopée », op. cit., p. 443.
- 92Appel de la bibliothèque du Taslu communiqué sur les listes de diffusion des mobilisations universitaires de 2018.
- 93« Une barricade de mots pour défendre la ZAD », Mouvements, vol. 89, n° 1, 2017, p. 149-154.
- 94Il s’agit d’un projet d’abécédaire de la zad élaboré par « plusieurs dizaines de chercheur-es, précaires, étudiant-es, enseignant-es, écrivain-es, éditeur-es, journalistes, militant-es associatifs et syndicaux ». Voir « Barricades de mots en défense de la zad », Zadnadir [En ligne] https://blogs.mediapart.fr/jade-lindgaard/blog/021116/barricade-de-mots-en-defense-de-la-zad (consulté le 14 novembre 2018).
- 95« Appel aux troupes de l’imaginaire #2 : Grand concours d’outrage aux forces de l’ordre. » Zadnadir [En ligne] https://zad.nadir.org/spip.php?article5859 (consulté le 14 novembre 2018).
- 96Une large partie de la session de lecture a eu lieu sur les ruines du Gourbi, lieu de vie collectif plusieurs fois détruit, plusieurs fois reconstruit.
- 97Yves Citton, Pour une écologie de l'attention, Paris, Éditions du Seuil, 2014.
- 98« Septembre 2012. Les Planchettes » dans « Absolument tous les recueils du JIC (Journal Intime Collectif) de la ZAD (Zone à Défendre) de NDDL (Notre Dame Des Landes) », op. cit., p. 24.