Approcher l'Espagne déshabitée : retours d'expérience. Photographier, dessiner et écrire sur un habiter particulier

Anaïs Boudot

18/02/2019

Les lieux ne sont jamais partis. Ils sont restés à leur place. C’est nous qui nous sommes éloignés. Mais il suffit que nous y revenions, et, plus précisément, que nous y retournions, que nous nous tournions de nouveau vers eux, pour les retrouver, intacts, comme attendant dans l’ombre notre visite1
.

           

Il existe en castillan plusieurs adjectifs couramment utlisés pour évoquer un lieu vide d’hommes : abandonado, solitario, despoblado, inhabitado, deshabitado etc. Ces termes disposent bien souvent d’un équivalent français : abandonné, solitaire, dépeuplé, inhabité. Deshabitado est une exception car, en français, le verbe déshabiter et son adjectif sont tombés en désuétude2
. La différence entre les usages de l’une et l’autre langue pourrait venir d’un exode rural décalé chronologiquement de part et d’autre des Pyrénées. En effet, avant d’en illustrer le résultat, c’est, au moins depuis l’époque contemporaine, essentiellement le départ vers la ville que servait à désigner le mot. 

Dire d’un lieu qu’il est deshabitado / déshabité ne signifie pas que c’est un espace totalement désert. Cela rappelle surtout qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Si le verbe habiter est intrinsèquement lié à une notion de présence permanente, le terme deshabitado insiste lui sur un changement d’état, sur le passage de l’habité vers l’inhabité qui, lui aussi, se joue dans le temps. Si le paradigme de l’habiter est la sédentarité, c’est dans le mouvement, envisagé à des échelles de temps larges, au-delà d’une génération, qu’il faut donc concevoir le déshabité.

Ainsi, ne nous y trompons pas, il existe des habitants dans les territoires déshabités. La façon dont nous envisageons ces territoires modifie et tend à élargir le sens initial du terme. Un territoire déshabité, dès lors, désigne un lieu où l’on trouve un habiter particulier caractérisé par un décalage entre les capacités d’un bâti formant une unité cohérente et ses usages réels en termes d’occupation humaine. Un décalage, qui plus est, que certains acteurs cherchent à combler3
. Par la traduction en français et la revivification conséquente d’un mot qui n’était plus guère usité, le déshabité prend donc un autre sens. Le champ du déshabité ne se réduit plus à la question de la dépopulation rurale. Il désigne plutôt une forme de contradiction entre le bâti et l’habitant (au gérondif). Il interroge un rapport marqué par l’excès entre un construit (fait pour durer) et un habiter (changeant). De ces temporalités affrontées naissent les territoires déshabités. Si habiter ce n’est pas seulement « être quelque part » mais « y être d’une certaine manière et pendant un certain temps », déshabiter, loin d’en être le contraire, loin d’être synonyme de quitter un lieu, c’est une manière particulière d’être collectivement dans un territoire marqué par un décalage profond entre un bâti pensé pour une communauté et le pueblo (village et peuple en espagnol) réellement existant4
. Tenter d’offrir une conceptualisation du déshabité est donc une façon de poser la question de la durée de l’habiter. C’est envisager, au-delà de la génération, ce qu’est ce « certain temps » qui caractérise l’habiter. En ce sens, les territoires déshabités constituent de bons observatoires de l’habiter conçu dans le temps long. De plus, cela permet d’entrevoir sous un nouveau jour des réalités apparemment éloignées.

Le voyage par l’Espagne déshabitée que nous, Anaïs Boudot (photographe), Marine Delouvrier (illustratrice et architecte) et Hervé Siou (doctorant en histoire), avons réalisé au printemps 2017, a permis d’éclairer certains aspects de ces enjeux. En huit étapes, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’aux Pyrénées catalanes, nous nous sommes intéressés à une Espagne de territoires construits et anthropisés mais où les deux sens du mot pueblo, village et peuple, ne se superposent pas ou plus totalement, une Espagne où la communauté - puisqu’il s’agit bien ici d’un habiter collectif - s’échappe ou a disparu de son espace bâti parce que le village n’est plus ou plus comme avant ; parce qu’il a été déplacé, qu’il ne vit plus que dans le souvenir ; parce que ses habitants ne forment plus ou pas encore un véritable village ou encore parce qu’ils ne font que passer. Il s’agissait, en somme, sans prétention aucune à l’exhaustivité, mais à travers certains exemples signifiants, d’interroger la façon dont les hommes font territoire dans le temps. La réflexion de Jean-Marc Besse citée en exergue à propos de la mémoire des lieux aurait pu impulser le départ de ce projet : nous souhaitions en quelque sorte rendre visite à quelques-uns de ces lieux qui ne sont jamais partis, pour voir, justement, ce qu’il en reste, sur place, pour voir si nous pouvons les retrouver. Ici, elle nous guidera dans le retour d’expérience que nous nous proposons d’effectuer. Un an après notre voyage, à présent que nous nous sommes éloignés et que nous préparons un site internet, que dire des lieux qui sont restés sur place5
? Dans les lignes qui suivent, nous revenons dans un premier temps sur le cadre précis de notre projet, le contexte, notre démarche et les difficultés qu’elle présente, avant de proposer quelques réflexions qui ont émergé de ces plus de 3000 kilomètres sur les routes de l’Espagne déshabitée.

Un voyage à travers l’Espagne déshabitée

Le déshabité, une question d’actualité ?

Au début de ce projet, il existe un contexte, pas uniquement espagnol, qui met en évidence l’actualité des enjeux portant sur le logement et, de façon plus générale, sur la relation entretenue par les hommes avec leurs territoires de vie. C’est, en premier lieu, la profonde crise économique que traverse l’Espagne à partir de 2007-2008 suite à l’explosion de la bulle immobilière. Le pays construisait, dans les années 2000, autant de logements neufs que l’Angleterre, la France et l’Allemagne réunies6
. Avec la fin de ce cycle, le monde découvre les immenses infrastructures inutiles et les milliers de logements neufs vides d’habitants que la spéculation a engendrés. La crise financière et économique est aussi sociale : la courbe du chômage ne cesse d’augmenter, le coût de la vie aussi, les jeunes s’exilent7
... Beaucoup de ménages, noyés sous les dettes, sont expulsés de chez eux par les banques. Ces desahucios (expulsions) aux conséquences dramatiques ont profondément repolitisé la question de l’habiter et c’est en partie du fait des mobilisations sociales que ces expulsions ont suscitées qu’est né Podemos8
.

Parallèlement à la crise immobilière et en partie de ce fait, la question de l’abandon rural a connu un regain d’intérêt important9
. Le monde rural confirmait là une vocation née de la modernité, celle du réservoir de fantasmes. Il devenait le réceptacle de projections et d’aspirations sociales idéalisées pour des vies en ville dont l’avenir semblait bouché. Les médias évoquaient avec insistance l’approfondissement de l’abandon rural entamé à partir des années 1950-1960 et contribuaient à présenter le repeuplement rural comme une possible opportunité pour un nouveau départ10
. Pendant que des habitants se trouvaient expulsés par milliers de logements dont ils ne pouvaient rembourser les traites, des centaines de villages des régions de l’intérieur de la Galice, des provinces de Soria, de Teruel ou encore des Pyrénées aragonaises se trouvaient sur le point d’être abandonnés, et des dizaines d’autres étaient déjà, depuis bien longtemps parfois, envahis par les ronces. Il y avait là matière à questionnement. La littérature s’emparait du sujet et à la suite du succès du roman de Jesús Carrasco, Intemperie (2012) et des écrits de jeunes auteurs comme Lara Molino (Por si se va la luz, 2013) ou Jenn Díaz (Belfondo, 2011), les critiques commençaient à parler d’une littérature néoruraliste. C’est pourtant un essai qui contribua le plus au débat public : Sergio del Molino fit paraître en 2016 España vacía, un remarquable essai d’histoire culturelle sur les territoires ruraux espagnols qui mit en évidence le profond traumatisme collectif que représenta l’exode rural massif. Il montrait un territoire oublié et tabou, cet immense désert humain, l’un des plus grands d’Europe, dans lequel les densités ne dépassent pas les 2 hab/km2 et qu’il nomme l’Espagne vide11
.

Il convient de souligner que le lien entre crise économique et nouvel intérêt pour le monde rural ne reposait pas uniquement sur les fantasmes accumulés autour de ce dernier : la crise mettait au jour la profondeur du déficit démographique d’une Espagne vide que la venue passée d’immigrés, à présent sur le départ, avait largement masquée. Leur départ, la baisse du nombre de nouvelles arrivées ainsi que l’exil des jeunes espagnols hors des frontières et la faible natalité jetaient une lumière crue sur la répartition profondément inégale des hommes sur le territoire et les dynamiques démographiques du pays qui commença à perdre des habitants à partir de 2012. Tout cela au moment ou les médias commençaient à parler d’une « crise des migrants » et de l’arrivée importante de réfugiés par l’est du continent européen essentiellement, mais aussi par la Méditerranée. Abandon rural et migrations ne pouvaient pas ne pas être en rapport, ne pas poser une même question. C’est tout au moins ce que soulignait le documentaire de Shu Aiello et Catherine Catella Un paese di Calabria lorsqu’il retraçait l’histoire d’un village de Calabre sauvé de la dépopulation par l’arrivée de réfugiés12
.

La brûlante actualité du questionnement sur l’habiter, particulièrement forte en Espagne du fait de la concentration des crises qui s’y déroulaient, rejoignait également des interrogations que les sciences sociales avaient abordé depuis le début des années 2000. En effet, la désarticulation des sociétés rurales n’est pas chose nouvelle et l’accroissement des mobilités, la transformation des modes de vie et le nouveau nomadisme contemporain avaient déjà suscité de nombreuses publications abordant l’habiter, ou plutôt le brouillement de la frontière entre l’habité et l’inhabité et révisant les notions de mobilité et d’ancrage13
. C’était donc pour nous le signe que le déshabité s’étendait et qu’il ne pouvait plus se réduire au seul monde rural. En effet, le terme qui avait servi à désigner les migrations rurales pouvait servir à qualifier bien d’autres territoires qu’on ne cessait de quitter du fait des mobilités accrues.

De plus, ces interrogations centrées sur l’Espagne prennent, avec la prise de conscience écologique de la finitude de l’espace terrestre et de ses ressources, une tournure globale : le choix de l’échelle du pays n’en interpelle pas moins une problématique planétaire puisqu’il s’agit d’aborder la précarité d’un habiter collectif en sursis. Si occuper un lieu est différent de s’occuper d’un lieu, il fallait intégrer à notre réflexion la dimension « ménagère » de l’habiter, c’est-à-dire l’idée qu’habiter, c’est d’abord entretenir un lieu, en prendre soin14
. Or, dans un monde fini, la multiplication des espaces impropres à la vie du fait des activités humaines nuisibles interroge à nouveau frais la notion d’habitabilité15
. Notre questionnement sur le déshabité se situe donc en lisière de deux inhabitables : le non-lieu, espace sans interactions sociales et donc sans communauté et la « zone morte », espace rendu invivable du fait des activités humaines prédatrices de l’environnement16
.

Au croisement de la crise économique et sociale, des questions migratoires et démographiques, d’une prise de conscience écologique, des nouvelles recherches en sciences sociales et de l’intérêt renouvelé de la littérature espagnole pour le monde rural, l’habiter apparaissait comme un champ d’interrogations multiples et profondément politiques. Dans ce contexte, le déshabité pouvait fournir une clef d’entrée pour brosser le portrait d’une certaine Espagne, tout en abordant des problématiques qui relevaient d’un rapport plus global des hommes à leurs territoires et dont les enjeux dépassaient la seule Espagne. Avec le déshabité pour concept et le prisme ibérique qui nous réunissait pour frontière, restait à penser la manière de rendre compte de ces interrogations. Ce fut le voyage et le croisement des médiums.

Saisir un habiter en le traversant ?

Parce que le décalage qu’il nous intéressait de saisir entre un bâti et ses habitants n’est pas figé, il fallait d’emblée assumer que nous ne pouvions en rendre compte qu’à un instant t, nécessairement soumis à expiration. De plus, nous souhaitions également mettre en relation des dynamiques territoriales qui n’avaient a priori rien à voir, mettre en lumière des réalités paradoxales, de celles qui font coexister, distants parfois de quelques kilomètres seulement, des villages abandonnés, des appartements neufs non occupés et des sans-logis qui aimeraient en avoir un. Pour répondre à ces objectifs, le voyage s’est imposé comme une solution. Par son propre mouvement, il fournissait une dynamique au récit, permettait de multiplier les jeux d’échos entre étapes et surtout, de retourner en avantage les limites de notre démarche. Comment, en effet, saisir un habiter en ne faisant qu’y passer ? 

Ce n’est pas en quinze jours de voyage que l’on est en mesure de saisir et de pouvoir rendre compte de la complexité de huit territoires profondément différents. Aussi, le travail de repérage et de lectures en amont fut important pour fixer ce que chaque lieu devait nous dire quant à notre problématique générale. Le choix des territoires à aborder se fit donc en fonction de celle-ci, chaque lieu devant en illustrer un aspect. Il se fit également en fonction de la localisation et de l’information disponible. Notre voyage décline donc en huit étapes des cas de figures différents du déshabité, en essayant d’enrichir, à chaque fois sous un angle différent, le sens du mot. En aucun cas, il ne s’agit de faire le portrait exhaustif d’un lieu, si tant est que cela soit possible.

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Carte 1. Les 8 étapes du voyage (Marine Delouvrier)
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Tableau 1. Présentation résumée de chacune des 8 étaes

À partir de la lecture du tableau 1, aperçu qui présente succinctement chacun des lieux choisis, on peut fournir une déclinaison des territoires déshabités selon plusieurs problématiques territoriales qui se croisent et se font écho entre elles au fur et à mesure des huit étapes : le déshabité comme lieu habité à temps partiel, en fonction des saisons comme à Zahara de los Atunes (étape 1) ou à Sarnago (étape 5) ou bien sur un temps plus long comme à Villa de Ves (étape 3) ou à Solanell (étape 8) ; le déshabité comme un espace anciennement habité et patrimonialisé comme dans le cas du site archéologique de Baelo Claudia (étape 1) ou en cours de patrimonialisation pour la centrale électrique de Villa de Ves (étape 3) ; le déshabité comme un lieu essentiellement investi par la mémoire mais avec des conséquences en termes d’aménagement territorial (Mediano - étape 7 -, Los Pozos - étape 2 -, Rodén - étape 6 -) ; le déshabité comme territoire de la disproportion entre bâti et habitant dont Seseña (étape 4) serait la meilleure illustration, comme une exacte antithèse de l’exode rural puisque ce n’est pas un bâti ancien qui se vide mais un bâti tout neuf qui tarde à se remplir pour former une sorte de nouveau pueblo ; le déshabité comme un espace anciennement habité qui résiste à l’abandon total (Sarnago - étape 5 - et Solanell - étape 8 -) ; le déshabité comme territoire généré par une grande industrie ou un grand aménagement qui n’est plus en usage (Alquife - étape 2 -, Villa de Ves - étape 3 -).

Malgré la diversité des territoires abordés, chacun de ces espaces peut bien être présenté comme un lieu déshabité, un lieu où s’est développé un habiter particulier marqué par la disproportion entre un bâti collectif ayant une unité propre et une occupation humaine réelle qui ne remplit que partiellement ce bâti (en y habitant par moment, ponctuellement, ou en faible nombre par rapport aux capacités du construit, ou bien encore, d’une autre façon, en investissant le lieu d’une forte charge mémorielle). Il ne s’y développe donc pas une « communauté » au sens d’un groupe formant une unité sociale issue du partage d’un même territoire. Soulignons que cette notion de communauté relève, pour nous, d’une construction culturelle qui verrait une correspondance idéale entre les deux sens du mot pueblo : village et peuple. Nous l’utilisons comme un modèle, une sorte d’idéal-type, pris pour tel, et à partir duquel la notion de déshabité prend forme. Partant, dans ce projet, nous interrogeons également nos propres imaginaires bâtis autour de cet idéal-type. Cependant, nous prétendons, en les confrontant à travers des médiums différents, faire émerger une mise à distance critique.

Multiplier les médiums

Ce projet cherche à mettre en scène les problématiques de certains territoires déshabités tout en soulignant les limites d’une approche documentaire qui ne peut prétendre rendre compte de l’exhaustivité et de la complexité de ces lieux et de ces habitants. Il ne s’agit pas là d’une prévention d’usage mais bien d’une réelle contrainte. En effet, certains de ces lieux, spectaculaires, ont suscité des travaux artistiques et des recherches. Bien souvent cependant, il s’agit d’approches « hors-sol » dans lesquelles les aprioris classistes se mêlent à une encombrante fascination paysagère, romantique et / ou décadentiste. Afin d’éviter de dériver sur une pente glissante, ce travail mêle différents regards et médiums qui cherchent, conjointement, à représenter ces territoires et leurs habitants à travers un kaléidoscope.

Aux dessins en couleur, la représentation en plan large des lieux. Aux photographies en noir et blanc, les plans plus serrés et les portraits. Captations sonores et interviews servent à reproduire une voix autochtone et les textes sont davantage explicatifs et analytiques. Même si chacun des médiums remplit un rôle, carte blanche était laissée à chacun des participants au voyage. Ainsi, l’approche reste largement intuitive. Le temps limité du voyage ne permet qu’une rapide immersion. Il s’agit alors, pour chacun des médiums, de saisir des fragments et des bribes, de garder une trace ou une impression. Ce n’est qu’au retour, une fois le voyage effectué qu’une sélection des photos a lieu, que certains recadrages sont effectués, que les croquis pris sur le vif sont repris et les montages sonores réalisés. Après le voyage, une phase de digestion et de mise en commun des productions a lieu. Cet article est le produit de celle-ci.

Le but de cette démarche est d’offrir une mosaïque de regards et de confronter aussi les médiums entre eux. Que dit la photographie que ne dit pas le dessin et inversement ? De l’instantané d’un déclic aux heures dont a besoin l’aquarelliste, les temporalités de création ne sont pas les mêmes. Les photographies optent pour des cadrages serrés, s’attellent à la saisie des détails, de l’instant et des signes quand le regard de l’architecte-peintre se porte sur le bâti, l’habitat et l’environnement en grand angle. Alternant entre les deux médiums, on peut alors zoomer et dézoomer et choisir, en quelque sorte, sa propre temporalité pour regarder l’Espagne déshabitée. Dans tous les cas, l’objectif n’est pas d’atteindre une vérité, plutôt de saisir une ambiance. Il s’agit aussi de rendre visible notre subjectivité et les limites de nos regards.

La représentation des vides habités

Représentations et récit collectif

Au terme de ce voyage, plusieurs aspects révélateurs nous semblent marquer les territoires déshabités que nous avons étudiés. Il existe souvent une distance entre l’image qu’ont les habitants de leur territoire de vie et les représentations qui sont produites depuis l’extérieur de celui-ci. C’était vrai à Alquife où le dernier reportage paru à la télévision n’avait pas beaucoup plu mais l’exemple le plus frappant se trouvait au Quiñón. Territoire devenu symbole de la crise économique, il a attiré en effet de nombreux journalistes venus rendre compte de l’escroquerie dont avaient été victimes les habitants. Territoire saturé de représentations, image de la « ville fantôme » dont les habitants ont été présentés comme les dindons d’une farce économique qui les dépassait17
. Ce que beaucoup auraient cependant aimé mettre en avant, ce sont les véritables raisons pour lesquelles ils s’y étaient installés, l’espace, les logements de qualité, la vie sociale qui malgré tout se développait, avec un club de foot, des cafés pleins et une population en pleine croissance !

Un autre exemple intéressant se trouve à Rodén : l’histoire de la destruction du vieux village pendant la guerre civile que racontent les habitants n’a pas grand-chose à voir avec celle que vient d’avancer une thèse sur le sujet18
. Dans le premier cas, ce seraient les républicains qui, occupant le village situé sur la ligne de front aragonaise, l’auraient en partie détruit pour se barricader et se chauffer et, dans l’autre, c’est le bombardement de l’aviation franquiste qui serait à l’origine de sa destruction.

Il nous apparaît que la distance entre la représentation des habitants et les représentations extérieures est le produit de l’absence de récit collectif unificateur. Il ne s’agit pas là d’une spécificité des lieux déshabités mais tous les lieux déshabités que nous avons abordés sont marqués par cette absence. En effet, la communauté s’étant désagrégée ou bien se trouvant en phase de formation et / ou de reconstruction, les récits collectifs se sont effrités, laissant libre cours à une profusion d’images et de représentations. Autrement dit, le territoire déshabité apparaît en recherche d’un récit collectif. Les cas des tentatives de repeuplement de Sarnago et de Solanell illustrent bien la façon dont une communauté tente de redonner un sens collectif à un lieu. À Sarnago, l’association fondée par les derniers habitants a récupéré les fêtes traditionnelles des Móndidas et fait vivre le village autour de certains événements19
. Dans le cas de Solanell, la rupture générationnelle entre les derniers habitants et les nouveaux est presque entière : c’est davantage la coopérative qui vient redonner une histoire au lieu et un sens collectif à la démarche. À Mediano, dans le village inondé, ce n’est que récemment qu’un récit collectif a réémergé à partir de la publication d’un ouvrage et de la réalisation de documentaires (Dessin 1)20
. Le brusque départ forcé des habitants suite à la montée des eaux en 1969 était jusqu’à présent resté tabou. Lors des fêtes qui ont lieu chaque année ou sur le groupe Facebook des amis de Mediano, ce ne sont pas uniquement les anciens habitants ou les descendants de ceux-ci que l’on trouve : une nouvelle communauté s’est formée autour du souvenir traumatique de l’expulsion des derniers habitants du village mais aussi autour du magnifique paysage qui entoure le clocher de l’église partiellement immergée21
. À Alquife, même si tous les anciens mineurs se souviennent avec nostalgie de la vie dans le village de Los Pozos (les puits), construit pour les héberger, ils sont pourtant peu nombreux à le visiter. Les conditions de la fermeture, l’état déplorable dans lequel se trouve l’ancien village et le serpent de mer de la réouverture de la mine ont laissé des traces. Et puis, beaucoup d’anciens mineurs sont morts ou sont partis au moment de la fermeture. Là non plus, aucun récit collectif réellement partagé n’a pu émerger.

Dessin 1. Le barrage de Mediano (Marine Delouvrier)
[aquarelle sur papier, 63 x 22 cm]

Ainsi, le territoire déshabité apparaît d’autant plus difficile à saisir que l’absence relative d’habitants freine la formation d’un récit collectif de l’histoire du lieu. Au fond, les récits les plus unifiés que l’on a trouvés durant notre voyage proviennent des lieux patrimonialisés ou en cours de patrimonialisation. Lorsque les habitants ont disparu depuis longtemps, un nouveau récit peut prendre place. C’est le discours académique - non sans controverses il est vrai - des archéologues de la cité romaine de Baelo Claudia ou bien celui que porte l’architecte qui cherche à créer un musée à Villa de Ves, dans la première centrale hydroélectrique espagnole aujourd’hui abandonnée. Dans ces lieux, l’approche scientifique de l’abandon et la distance chronologique permettent au discours académique de s’imposer, mais dans les autres territoires déshabités, les voix sont plus diverses et chacun y va de son histoire, de son récit personnel, sans que cela ne parvienne toujours à constituer un véritable récit unificateur. C’est là sûrement en partie l’effet d’une caractéristique de ces territoires : ils sont vides d’hommes mais pourtant saturés de présences.

Saturation d’empreintes et précarité

Les territoires déshabités peuvent être caractérisés par un vide d’hommes (relatif) mais aussi, paradoxalement, par une saturation des signes de la présence humaine. Le territoire déshabité n’est pas seulement un espace anthropique, c’est un lieu où l’implantation humaine a impliqué et implique encore une occupation et des aménagements, raisons pour lesquelles l’empreinte de l’homme y est omniprésente. Pour autant, dans les territoires déshabités, cette omniprésence des traces est inversement proportionnelle à la présence réelle des hommes. Ainsi, lorsque l’on traque les traces de l’installation humaine, on s’aperçoit que tout le « paysage » a été forgé par la main de l’homme et que tous les éléments semblent converger pour dire sa présence. Ici quelques planches à l’abandon et comme en attente d’un nouvel usage, moment de suspens que dérobe la photographie avant qu’une main ne vienne s’en saisir (Photo 1). Là une inscription, les fondations d’un mur écroulé mitoyen d’une maison rénovée ou encore les contreforts de fortune qui voudraient éviter la ruine à des murs branlants (Photo 2).

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Photo 1. Planches de bois à Solanell (Anaïs Boudot)
[Prise de vue au format 6 x 6, photographie argentique en noir et blanc

La présence / absence de l’homme est particulièrement évocatrice dans le cas des ruines. À Sarnago et Solanell, les deux étapes du voyage où l’on en trouvait le plus, les nouvelles occupations de ces villages ont pour objet de relever les murs et de reconstruire les maisons, ce qui donne lieu à des images étonnantes de maisons flambant neuves au milieu des ruines. Le topos romantique s’y trouve étrangement subverti puisque les repobladores, ces repeupleurs qui s’adonnent à la reconstruction, sont aussi fascinés par les ruines que provoquent l’abandon et le langage métaphorique du passage du temps qu’elles incarnent. Ainsi, Enric, seul nouvel habitant à l’année de Solanell, nous explique qu’il est venu pour reconstruire le village mais que ce qui l’a attiré en premier lieu, c’est la beauté des ruines ocres du site pré-pyrénéen. Certes, lorsque la route sera reconstruite, cela facilitera l’avancée des travaux mais dans le même temps, la tranquillité et le charme des lieux y perdront. Il raconte aussi l’observation minutieuse qu’il fait de la progressive destruction des maisons qui entourent la sienne : ce bout de toit qui s’est effondré la semaine précédente, le fragment de mur qui s’est abattu, la fissure qui s’est agrandie…

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Photo 2. Sarnago (Anaïs Boudot)22

[Prise de vue au format 6 x 6, photographie argentique en noir et blanc]

Dans un sens différent, on pourrait voir dans Seseña, ses constructions et grands aménagements mort-nés, des sortes de ruines inversées : à peine construites, toutes neuves, elles commencent un lent processus de détérioration provoqué par l’absence d’usage. Métaphore, ici, non du passage du temps, mais plutôt d’une forme de décadence civilisationnelle. Ce qui réunit Sarnago et Seseña cependant, ce n’est pas tant la destruction ou la ruine progressive que l’avancement et la reconquête progressive de la « nature ».

C’est vrai à Seseña où les routes semi-construites sont peu à peu grignotées par les herbes, c’est vrai à Sarnago et à Solanell où l’n nettoie chaque année les chemins pour pouvoir circuler entre les rues. Ici, les habitants apparaissent doublement en lutte : ils le sont pour exister comme communauté, nous l’avons vu, mais aussi pour dominer la nature et lui imposer une forme qui rende le lieu habité. Ce qu’offrent au fond les territoires déshabités, c’est une sorte de mise en scène de la lutte entre l’homme et la nature où, si l’un peut  jour une manche ou deux, jamais il ne peut réduire totalement son adversaire. En effet, malgré le travail du temps et la reconquête par la nature des espaces artificialisés, les empreintes humaines ne sont jamais totalement effacées. Mediano, sous les eaux, conserve ses ruines, on peut les visiter lorsque le niveau des eaux baisse. Dans le vieux Rodén bombardé, on reconnaît encore le tracé des rues du village. Même si Alquife est devenu un camp d’entraînement à la guerrilla urbaine pour les militaires des casernes andalouses, même si les tuiles des toits ont été revendues, l’ancien cinéma aux sièges défoncés semble avoir été fermé hier.

Au  fond, de par la confrontation entre nature et aménagement ou artificialisation humaine, il apparaît que les territoires déshabités se révèlent, peut-être plus facilement qu’ailleurs, comme des palimpsestes. Il s’agit d’espaces saturés d’empreintes variées dont le regard contemporain peut aisément mesurer les séquences chronologiques. Au début de notre voyage, à Tarifa, les ruines de la petite cité autochtone de la Silla del Papa abandonnée suite à l’arrivée des Romains, l’abandon de la ville romaine en contrebas quelques siècles plus tard puis l’expulsion, au moment des fouilles du début du XXe siècle, du village de pêcheurs qui s’était installé dans les ruines de la cité, en sont une bonne illustration. Sur le temps long, habiter y apparaît comme quelque chose de précaire. Les habitants saisonniers de la station balnéaire de Zahara de los Atunes qui se trouve à proximité de ces anciennes villes, sont-ils, au fond, si différents des populations passées qui ont vécu à Tarifa ? Question d’échelle de temps.

À Villa de Ves, le jeu de transfert et les mouvements permanents de populations qui se sont déroulés dans la vallée du Júcar depuis la fin du XIXe siècle illustrent aussi, d’une autre façon, cette précarité de l’habiter dans le temps : au village de la vallée et au village du secano, sur le plateau non irrigué, se sont ajoutés de nombreux habitants venus travailler à la construction des infrastructures de la première centrale hydroélectrique espagnole au début du XXe siècle. Un troisième village, pour les ingénieurs, a vu le jour mais il est resté à l’abandon suite à la fermeture de la centrale. La construction du barrage qui déviait les eaux coulant jusqu’à lui a par ailleurs provoqué l’abandon du village de la vallée qui ne disposait plus de ses bonnes terres. Beaucoup ont immigré. Seul le village du plateau survivait : aujourd’hui, il est lui aussi menacé par la désertification rurale, pendant que certaines maisons du village de la vallée sont réhabilitées pour en faire des résidences secondaires.

Les abandons successifs à Tarifa et les mouvements de population dans la vallée du Júcar questionnent le rapport des hommes au territoire et la durabilité de l’habiter. Tant et si bien qu’arrivés à la dernière étape de notre voyage, à Solanell, lorsque l’on découvre les figures d’hommes gravées dans la pierre datées du paléolithique, on en vient à se demander si ce ne sont pas les seuls véritables habitants qui résistent au passage du temps.

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Dessin 2. Villa de Ves (Marine Delouvrier)
[aquarelle sur papier, 24,5 x 18,5 cm]

Conclusion

Notre voyage à travers l’Espagne déshabitée interroge la façon de saisir une présence. Sans hommes, ou avec peu d’habitants, il s’agit néanmoins de tirer le portrait d’un lieu habité, d’en faire une sorte de biographie et, en ce sens, de rendre compte d’un vide pourtant plein de présences. Nous rejoignons là un questionnement classique relatif à la production d’images et de représentations. Il s’agit d’attraper au vol, dans le temps de la traversée, des images et des sons, des objets signifiants qui nous disent cette Espagne déshabitée, qui la condensent, peut-être, en certains signes. Le bilan que l’on vient d’esquisser est le résultat de cette récente mise en commun.

À l’instar d’un Sylvain Tesson empruntant les chemins noirs, chemins de traverse pour à la fois révéler et fuir le monde, notre enquête interroge, depuis les marges, un habiter en pleine mutation23
. Au terme de ce travail, il nous apparaît que les territoires déshabités tels que nous les avons définis permettent de mettre en évidence la précarité de celui-ci. Gageons que plans larges et focus plus précis, dessins en couleurs et photos 6 x 6 en noir et blanc, captations d’ambiances sonores et textes explicatifs permettent de prendre la mesure du déshabité, c’est-à-dire de saisir quelque chose de l’excès et de la disproportion qui le caractérisent et, partant, de la fragilité de l’habiter.

 

Bibliographie

Augé, Marc, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.

Besse, Jean-Marc, Habiter un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013.

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Tesson, Sylvain, Sur les chemins noirs, Paris, Gallimard, 2016.

  • 1Jean-Marc Besse, Habiter un monde à mon image, Paris, Flammarion, 2013, p. 126.
  • 2Le verbe déshabiter (cesser d’habiter) et son adjectif sont d’un usage très rare dans le français actuel. Le terme aurait été plus courant à l’époque moderne et jusqu’au XIXe siècle. (Voir Cnrtl et Littré).
  • 3Pour un éclairage du vocabulaire de l’habiter, voir : Thierry Paquot, « “Habitat”, “habitation”, “habiter”, précisions sur trois termes parents » dans Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Younès (dir.), Habiter, le propre de l’humain. Villes, territoires et philosophie, Paris, La Découverte, 2007, p. 7-16.
  • 4Jean-Marc Besse, op. cit., p. 10. Sur la dimension collective de l’habiter, on peut consulter les pages 40 à 66 de ce même ouvrage. Elles sont consacrées à l’espacement. L’auteur y écrit notamment : « Habiter, c’est trouver, définir, ajuster, entretenir les bonnes distances entre moi et les autres, entre les autres et moi. Ni trop près, car alors ce sont les passions, les effusions, la violence toujours possible, c’est la conclusion ou la fusion, c’est l’inhabitable. Ni trop loin, parce que en ce cas c’est l’indifférence, l’oubli, la réduction de l’autre en objet pour moi ou de moi en objet pour lui ou elle », p. 43.
  • 5Au moment de l’écriture de cet article, notre projet est toujours en cours. Une exposition a été présentée à Paris en juin 2018 dans l’espace Le Dorothy (85 bis rue de Ménilmontant, 75020). Elle migrera en avril 2019 à Madrid à l’Institut français (Calle Marqués de la Ensenada, 12, 28004 Madrid). Une publication en ligne est en cours sur le site de la revue Entre-temps (https://entre-temps.net/). Par ailleurs, un site internet bilingue (français et espagnol) est en cours de préparation et devrait voir le jour au printemps 2019 à l’adresse « espagnedeshabitee.fr ». Outre les textes, dessins, photographies et captations sonores que nous avons réalisés, nous avons également invité d’autres artistes à participer à notre travail. Le site internet fera état de l’ensemble de ces productions.
  • 6Les chiffres varient en fonction des années mais oscillent autour de 500 000 nouveaux logements par an.
  • 7Le nombre des exilés économiques n’est pas connu avec précision. Quant à la courbe du chômage, elle se situe largement au-dessus de 20 % pendant la crise économique.
  • 8Voir Quentin Ravelli, Les briques rouges. Logement, dettes et luttes sociales en Espagne, Paris, Éditions Amsterdam, 2017.
  • 9Sur ce point, voir : Hervé Siou, « Reflexiones en torno a un éxito : La España vacía », Artes del ensayo. Revista internacional sobre el ensayo hispánico, n° 2 (2018), p. 355-361. [En ligne] https://www.raco.cat/index.php/artesdelensayo/article/view/339869.
  • 10Voir par exemple les chroniques de Julio Llamazares dans les colonnes du journal El País qui, régulièrement, traitent du thème de la dépopulation : https://elpais.com/autor/julio_llamazares/a/ (consulté le 20 novembre 2018).
  • 11Voir Sergio Del Molino, España vacía. Viaje por un país que nunca fue, Madrid, Turner, 2016. L’ouvrage de Jesús Carrasco a été traduit en français : Jesús Carrasco, Intempérie, Paris, Robert Laffont, 2015.
  • 12Shu Aiello, Catherine Catella, Un paese di Calabria, 2016, 90 min, France, Suisse, Italie.
  • 13Sur le nomadisme contemporain et la fin de la vie sédentaire, voir Rémy Knafou, La planète “nomade”. Les mobilités géographiques aujourd’hui, Paris, Belin, 1998.
  • 14Jean-Marc Besse, op.cit., p. 13-39.
  • 15De même, d’ailleurs, qu’elle réinterroge la définition heideggérienne de l’habiter comme un être dans le monde. Voir Martin Heidegger, « Bâtir, habiter, penser », Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 170-193 et Chris Younès, « Conclusion. Au tournant de la modernité, habiter entre Terre et monde », dans Thierry Paquot, Michel Lussault et Chris Younès (dir.), Habiter, le propre de l’humain…, op.cit., p. 63-73.
  • 16Sur les non-lieux : Marc Augé, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.
  • 17Voir à ce propos le reportage de Iñigo Domínguez dans El País semanal, 2 mars 2016 : https://elpais.com/elpais/2016/02/29/eps/1456761278_486731.html (consulté le 3 mars 2016).
  • 18La thèse de Carlos Bitrián sur les ruines de la guerre civile n’a pas encore été publiée. Voir son article : Carlos Bitrián, « Espacio y memoria. Habitar donde habita el recuerdo de la Guerra Civil Española », en Marta Llorente (coord.), Topología del espacio urbano. Palabras, imágenes y experiencias que definen la ciudad, Madrid, Abada Editores, 2014, p. 247-302. Nous remercions chaleureusement l’auteur de nous avoir fait part de ses travaux.
  • 19Voir à ce propos : https://www.sarnago.com/ (consulté le 20 novembre 2018).
  • 20Voir Alberto Sabio Alcutén, Mediano. El ojo del pasado, Huesca, Diputación provincial de Huesca, 2011. On peut également consulter le documentaire disponible en Dvd-livre La memoria ahogada de Maite Cortina et Roberto Roldán produit par Aragón Televisión et Factoría Plural en 2010.
  • 21Un roman récent de Julio Llamazares présente très bien cette problématique générationnelle. Il montre les regards que portent différentes personnes sur les eaux d’un barrage qui a inondé un village. Voir Julio Llamazares, Distintas formas de mirar el agua, Barcelona, Alfaguara, 2015.
  • 22Cet étayage de fortune vise à consolider l’église dans l’attente de financements pour la rénovation. Il montre la volonté et l’énergie des membres de l’association du village de Sarnago qui cherchent à sauvegarder leur patrimoine en dépit du manque de moyens. Il évoque l’urgence et la recherche d’une trêve contre le passage du temps.
  • 23Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, Paris, Gallimard, 2016.

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ISSN  2534-6431