De bruits et de murmures. Suggestions de la voix publique dans la tragédie du XVIIe siècle (𝙃𝙤𝙧𝙖𝙘𝙚, 𝙊𝙩𝙝𝙤𝙣)
La tragédie française du XVIIe siècle se distingue par la forte réduction de son personnel dramatique. Après l’abandon de la forme chorale au tournant des années 1620, et pour redonner ses lettres de noblesse à un genre tombé en défaveur, les dramaturges s’efforcent de concentrer leurs actions sur quelques personnages aristocratiques. Pourtant, la foule ne demeure pas moins omniprésente dans la plupart des pièces. Mais puisque le dialogue est désormais réservé à des individus de haut rang, c’est surtout par le biais de discours rapportés que celle-ci se fait sentir. Cette contribution se consacre ainsi aux manifestations sonores de ces collectivités laissées dans le hors-scène, qu’elle aborde dans leurs fonctions pragmatiques et dramaturgiques. À la lumière de deux tragédies de Pierre Corneille, Horace (1640) et Othon (1664), elle révèle la manière dont les auteurs du temps peuvent tirer parti du caractère diffus et différé de la voix publique, et montre que cette voix, en fonction de son traitement poétique, permet de créer des effets de contraste, de suspense et, plus largement, de pathos propre à orienter la réception des tragédies.