Décoloniser l’habiter : pour une approche transnationale de l’habiter dans Caramelo de Sandra Cisneros

Alvaro Luna

18/02/2019

« La maison est notre coin du monde. Elle est […] notre premier univers. Elle est vraiment un cosmos. Un cosmos dans toute l’acceptation du terme. Vue intimement, la plus humble demeure n’est-elle pas belle1
? »

Au cours d’un entretien à propos de son premier récit, The House on Mango Street2
 (1984) qui lui fait une place dans le canon littéraire américain, Sandra Cisneros avoue qu’elle ne se reconnaît pas dans les espaces domestiques idéalisés de Gaston Bachelard qu’elle étudie lors d’un séminaire sur la métaphore de la maison dans La Poétique de l’espace. Dans ce texte rédigé en 1958, Bachelard propose une approche phénoménologique de la maison en tant qu’espace vécu, et comme des « espaces heureux » propices à la rêverie qui procurent une protection et une stabilité à ceux qui les habitent. Pour l’écrivaine, cette confrontation est révélatrice, car elle se rend compte de sa différence de classe sociale et de genre par rapport à la conception bachelardienne de la maison3
. En tant que fille d’un immigré mexicain et d’une mère mexico-américaine, qui a vécu la pauvreté et de nombreux déménagements à Chicago, la conception positiviste de la maison de la campagne européenne à la manière de Bachelard paraît bien loin du quotidien de Cisneros. Si l’auteure a vécu dans des quartiers hispaniques difficiles4
, Bachelard, peut-on penser, n’a jamais dû subir ni les tâches ménagères, ni l’enferment associés à un genre, ni la discrimination ethnique.

Comme le remarque Constante González Groba, Barchelard ignore les nombreuses implications entre espace et pouvoir : « Il ne se demande jamais à qui appartient la maison ni qui règne dans le nid, il n’adresse pas le problème de qui offre la stabilité, la sécurité et la protection, et en échange de quoi, ni ce qui arrive à l’individu qui habite une maison qui n’est pas un chez soi5
 ». Contre cette théorie qui réduit l’écrivaine citadine à un « être dispersé6
 », sans chez soi, Sandra Cisneros entreprend dans son premier récit un travail pour mettre en scène la notion de l’habiter pour les héritiers des immigrés mexicains aux États-Unis, une notion qu’elle explore plus finement encore dans son second roman semi-autobiographique Caramelo (2002).

Écrit pendant dix ans, incorporant des voyages, des conversations, des investigations historiques et des témoignages, Caramelo est un roman dense dont la particularité réside dans sa dimension transnationale de l’habiter. Le roman présente dans ses quatre-vingt-sept vignettes, la saga de la famille Reyes, située entre les États-Unis et le Mexique et traversant le XIXe siècle jusqu’aux années 19707
. Avec une narration polyphonique qui incorpore les voix de la cadette américaine, Celaya Reyes, le fantôme de la grand-mère mexicaine, Soledad, et la voix extra-diégétique de Sandra Cisneros dans diverses notes de bas de page, la trame de ce « texte nomade » approfondit ce que c’est qu’habiter dans la dispersion voire dans une culture d’échanges et de rencontres8
. Mais surtout, le roman nous invite à concevoir comment le déplacement, soit par le voyage soit par la migration, peut affecter les conceptions du quotidien et, par extension, celles de l’habiter.

Les recherches antérieures sur Caramelo portent principalement sur l’originalité linguistique de sa narration et sur son rapport avec l’histoire et l’identité ethnique (mexicaine, américaine et mexico-américaine), révélant son caractère transnational et multiculturel. Bill Johnson Gonzalez note par exemple que le langage de Cisneros, qui incorpore divers registres tels que des mots en espagnol, de l’argot et même des traductions de l’espagnol en anglais, vise à faire de la langue anglaise un chez soi plus accueillant pour la culture mexico-américaine9
. Similairement, Ellen McCracken analyse les notes au bas de page qui font appel à l’histoire et la culture populaire des deux pays, comme des performances paratextuelles qui rendent hommage aux cultures américaines, mexicaines et mexico-américaines qui marquent la conception de l’habiter du texte10
.

Plus pertinent pour la question de l’habiter dans Caramelo est l’étude Radical Chicana Poetics de Ricardo Vivanco Pérez qui souligne la multiplication d’espaces domestiques dans le roman11
. En effet, contrairement à The House on Mango Street qui se centre sur une maison physique et symbolique, Caramelo inclut quatre espaces domestiques principaux : aux États-Unis, la protagoniste habite un premier appartement à Chicago que sa famille quitte pour s’installer à la « maison de la rue El Dorado » à San Antonio au Texas, avant de retourner dans un autre appartement à Chicago ; au Mexique, la famille Reyes visite annuellement « la maison de la rue de la Destinée » de Soledad à Mexico qu’elle quitte quand elle devient veuve. Selon Vivanco Pérez, la prolifération de tels espaces, en plus de ceux imaginés par les personnages et leurs espaces symboliques dans la société, étendent la distance ressentie par la romancière avec la notion de la maison telle que définie par Bachelard12
.

Dans cet article nous continuerons l’étude sur l’interconnexion des différents espaces domestiques dans Caramelo mais en mettant l’accent sur leurs échanges culturels. Comment des espaces familiers éclatés peuvent-ils affecter la conception de l’habiter ? Peut-on habiter et être habitant de plusieurs endroits simultanément ? Quelles sont les terminologies adéquates pour parler d’un habiter transnational ? Comment se présente dans la littérature ce type d’habiter ? Une présentation contextuelle et théorique semble tout d’abord nécessaire afin d’étudier les descriptions d’espaces domestiques du roman. Puis nous proposerons une lecture du roman qui vise à trouver les connexions entre la maison à Mexico et celle à San Antonio. Au bout de ce chemin, nous espérons offrir l’occasion de repenser la manière dont l’habiter est défini, par qui et dans quels termes.

Sandra Cisneros, écrivaine de l’habiter

Bien plus qu’un cas isolé, Caramelo fait partie d’une suite d’écrits et d’expériences que Sandra Cisneros mène autour du motif à la fois artistique et politique de la maison. Dès son premier roman, comme nous l’avons mentionné, la maison de Cisneros sert de contre-lecture à La Poétique de l’espace de Bachelard : « C’est précisément ce que j’ai choisi d’écrire : sur des appartements au deuxième étage, et la peur des rats, et des maris ivrognes jetant des pierres aux fenêtres, tout ce qui s’éloignait le plus possible du poétique13
 ». Ainsi, Cisneros transforme, par le biais de l’écriture, des avatars des maisons atypiques de son enfance, en texte, comme dans cet extrait sur la maison de la rue Mango :

Mais la maison de la rue Mango n’est pas du tout comme on dit. Elle est petite et rouge avec des marches serrées devant et des fenêtres si petites qu’on dirait qu’elles retiennent leur souffle. Les briques s’effritent en morceaux, et la porte principale est si gonflée qu’on doit pousser fort pour y entrer. Il n’y a pas de jardin devant la maison, on a seulement quatre petits ormes que la ville a plantés au bord du trottoir. Derrière se trouve un petit garage pour la voiture que nous ne possédons pas encore et une petite cour qui semble plus petite entre les deux bâtiments qui l’entourent. Il y a des marches dans notre maison, mais elles sont des marches ordinaires de hall, et la maison n’a qu’une salle de bain. Tout le monde doit partager une chambre – Maman et Papa, Carlos et Kiki, moi et Nenny14
.

Consciente des représentations ethnocentrées et androcentriques de la maison dans la philosophie occidentale, Cisneros propose dans The House on Mango Street une dé-centralisation des espaces domestiques en tant qu’univers « heureux », stable, marquant l’appartenance. La maison de la rue Mango défie ainsi la vision « typiquement masculine, blanche, propre à un milieu privilégié15
 » de l’habiter, et propose une maison Autre dont l’existence est inintelligible ; comme la narratrice Esperanza le fait remarquer, c’est une maison « à laquelle j’appartiens mais qui ne m’appartient pas16
 ».

Son entreprise littéraire autour d’une réflexion sur les maisons atypiques continue dans son recueil de nouvelles Woman Hollering Creek and Other Stories (1991), non traduit en français, qui se centre sur des personnages féminins dans des espaces domestiques à la frontière entre les États-Unis et le Mexique17
. Après la publication de Caramelo, elle poursuit cette réflexion avec le recueil de nouvelles autobiographiques et d’extraits d’entretiens, House of My Own : Stories of My Life (2015), qui appelle dès son titre à une lecture woolfienne de la maison comme un espace libératoire féministe. Ce texte manifeste aussi l’intérêt de Cisneros à traiter de l’habiter en le liant à la fois à son manque de maison stable à Chicago et à la maison de ses grands-parents au Mexique qu’elle visitait fréquemment :

Quand j’étais petite nous voyagions à Mexico si souvent que je pensais que la maison de mes grands-parents à la rue Fortuna, numéro 12, était ma maison. C’était l’unique constante dans nos allées et venues nomades d’un appartement à l’autre à Chicago. La maison de la rue « de la Destinée », numéro 12, au quartier Tepeyac serait peut être l’unique maison que j’ai connue et cette nostalgie pour une maison sera une thématique qui m’obsédera18
.

Alors que les maisons du passé de l’enfance de Cisneros se transposent dans son œuvre, la thématique de l’habiter affecte également sa vie personnelle. En 1997, la première maison qu’elle achète avec son travail d’écrivaine, s’est retrouvée au cœur de la polémique lorsqu’elle décide de la peindre dans un mauve saturé. Cette maison se situait à moins de deux kilomètres du monument texan de l’Alamo, qui commémore la révolution texane de 1836. Des demandes officielles ont exigé que Cisneros repeigne sa maison dans une couleur semblable aux maisons dites historiques qui se sont construites à partir de la seconde moitié du XIXe siècle suite à la dépossession des terres mexicaines au profit de propriétaires anglo-américains19
. Refusant de le faire, l’écrivaine affirma que sa décision ne concernait plus son domicile mais l’histoire même, soulignant la dimension historique de l’habiter20
. Dix-sept ans après cette controverse, Cisneros déménage à San Miguel Allende au Mexique, pays qu’elle décrit dans un entretien en espagnol comme l’endroit où elle se sent le plus « chez soi », tandis qu’elle explique se sentir aux États-Unis paradoxalement « toujours comme une étrangère […] un peu mal à l’aise comme si ce n’était pas chez moi21
 ». Dans ce nouveau pays, elle continue sa mosaïque littéraire de la maison. Sa dernière nouvelle bilingue anglais-espagnol Puro Amor (2018) raconte des scènes dans la Maison Bleue de Diego Rivera et Frida Kahlo. Ainsi, l’œuvre et la vie de Sandra Cisneros autour de l’habiter prolonge et active la figure centrale du voyage au Mexique que l’on trouve dans Caramelo.

L’habiter transnational et les enjeux de la maison dans Caramelo

Les divers espaces domestiques qui figurent dans Caramelo montrent la complexité de définir l’habiter, comme l’illustre nettement un passage où le père de la protagoniste, bouleversé par une dispute au travail, crie à sa famille qu’ils vont rentrer à la maison : « — À la maison. Je veux rentrer à la maison, dit Papa. — La maison ? Où c’est ça ? Le Nord ? Le Sud ? Le Mexique ? San Antonio ? Chicago ? Où ça, Papa22
 ? ». Si la question de Celaya rend son père et elle-même confus, ce n’est pas simplement parce que le père a effectivement vécu entre les deux pays ; c’est aussi parce que Celaya est incapable de nommer l’endroit où elle se sent chez elle. De plus, son inclusion du Mexique dans la liste de ses maisons, pays de son père qu’elle visite annuellement mais jamais de façon permanente, nous amène à nous demander pourquoi elle imagine d’y « rentrer ». Cette question expose ainsi des problèmes ancrés sur la définition et la terminologie de l’habiter, et en particulier, pour un enfant d’immigré.

Il faut souligner que dans le texte original, Sandra Cisneros utilise les deux termes anglais house et home traduit dans la version française par le seul mot « maison ». Selon Thomas Barrie, ces deux termes anglais sont souvent distingués dans le langage commun par rapport à leur sens : house s’approche du sens prosaïque (où j’habite) tandis que home du sens poétique (comment j’habite23
). Il donne quelques exemples de leur distinction comme celle de l’architecte Joseph Rykwert qui distingue le terme house plutôt comme « un abri » tandis que home n’implique pas une construction24
. En dépit de ces distinctions, Barrie signale que la prolifération de nomenclatures et d’exemples de maisons à travers le temps suggère que ces concepts sont des artefacts culturels puissants qui jouent des rôles différents dans l’histoire de l’habitation humaine25
. Les termes associés à la maison restent donc arbitraires, propres à une culture donnée, et peuvent exprimer des hégémonies culturelles, des concepts de soi, de famille, ou même, comme Sandra Cisneros l’indique dans l’entretien, des indications sur la classe sociale et le genre.

Devant cette polysémie associée au terme « maison », nous croyons nécessaire pour étudier les maisons d’un roman aussi transnational que Caramelo, d’évoquer quelques théories de l’habiter centrées sur des cas extra-européens. Dans une étude sur différentes transformations culturelles des sociétés postcoloniales, Bill Ashcroft (2001) définit « l’habitation » comme une stratégie qui pose des problèmes liés à l’universalité des représentations occidentales de lieu26
. Il propose ainsi une définition de l’habitation comme « une façon d’être dans un lieu, une façon d’être qui en soi définit et transforme le lieu » qu’il assimile à « une vaste toile d’actes imbriqués dans lesquels les enjeux de l’héritage, l’identité ethnique, l’appartenance, l’histoire, la race, et la terre s’entrelacent27
 ». Cette conception de l’habiter se rapproche donc d’une performance qui permet aux sujets postcoloniaux ou immigrants de transformer la pression culturelle extérieure qui les restreint.

La définition de l’habitation d’Ashcroft peut s’approfondir avec les théories spatiales de Michel de Certeau qui, dans L’Invention du quotidien 1 : Arts de faire (1980), fait une distinction entre les termes « lieu » et « espace ». Pour Certeau, un lieu est « un ordre selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence28
 » tandis que l’espace est un « lieu pratiqué » qui intègre « l’effet produit par les opérations qui l’orientent, le circonstancient, le temporalisent et l’amènent à fonctionner en unités polyvalentes de programmes conflictuels ou de proximités contractuelles29
 ».

Sous ces deux optiques, la question de Celaya « la maison, où c’est ça ? » est donc polyvalente car elle peut s’adresser à un lieu comme à un espace, comme l’atteste la réponse du père qui précise que sa maison est tout simplement définie par des opérations familiales : « Tout ce que je veux, ce sont mes enfants [...] c’est le seul pays dont j’aie besoin30
 ». Néanmoins, la difficulté de Celaya à identifier sa propre maison nous invite aussi à interroger la façon dont un sujet peut se sentir hors d’un chez soi.

Dans son essai inédit en français « The World and the Home », Homi Bhabha (1992) présente le concept de l’unhomely, ou le « non-domicilé », pour décrire le sentiment de ne pas ressentir d’appartenance à un espace ou de ne pas avoir un chez soi (home31
). Il explique en utilisant des modèles de la littérature postcoloniale et afro-américaine que, contrairement au sujet sans ou avec domicile, le sujet unhomely traverse un état dans lequel ses frontières entre l’espace privé et public deviennent floues, en créant une expérience de l’habiter sans cesse fragmentée : « Dans ce déplacement, les frontières entre le chez soi et le monde deviennent floues, et étrangement, le privé et le public se fusionnent, en imposant sur nous une vision qui est autant divisée que déstabilisante32
 ».

 Ce sentiment déstabilisateur pourrait donc expliquer l’incapacité de Celaya de nommer sa maison : dans toutes les maisons qu’elle mentionne, elle se sent étrangère, ou, comme son père décrit la ville de San Antonio, elle se trouve « à mi-chemin entre ici et là-bas, au milieu de nulle part33
 ». Mais dans cette terre frontalière, Celaya en tant qu’étrangère peut contempler les lieux et les espaces de ses habitants, en offrant des réflexions sur les différentes maisons qui forment son héritage.

La maison de la rue de la Destinée et l’espace mexicain

La réflexion de l’habiter dans Caramelo débute, ironiquement, hors de la maison de Celaya à Chicago, à l’occasion d’un long voyage familial dans la maison des grands-parents à Mexico. Inscrit dans l’esprit d’un road film américain, le récit file vers une destination mythique, « la maison de la rue de la Destinée », maison portant un nom qui fait allusion au mot espagnol « destino » qui signifie à la fois « destination » et « destinée ». Pour Celaya, alors enfant, ce voyage est une occasion d’observer de nouveaux types d’habiter différents de son quotidien urbain à Chicago qui, dans les premiers passages du roman, est associé uniquement à des espaces marqués par la migration et le consumérisme comme le marché aux puces de la rue Maxwell et l’église « Saint-François-des-Mexicains34
 ». Les premières descriptions du Mexique vues depuis sa voiture projettent, en revanche, des séries d’images essentiellement différentes de son quotidien américain :

Églises de la couleur d’un flan. Marchands des rues vendant des tranches de jícamas avec du chile, du jus de citron et du sel […] Petites filles en robe du dimanche comme des cloches en dentelle, comme des parapluies, comme des parachutes, plus il y a de dentelles et de froufrous, mieux ça vaut. Maisons peintes en mauve, en bleu électrique, en orange tigre, en bleu vert, en jaune taxi, en rouge hibiscus avec une clôture jaune et verte. Au-dessus des entrées, de couronnes fanées remontant à un anniversaire ou une mort jusqu’à ce que le vent et la pluie aient raison d’elles35
.

Description enfantine et synesthésique, les lieux mexicains s’associent directement à des couleurs et saveurs exotiques ainsi qu’à des rituels tels que la vente ambulante de fruits locaux ou des images de filles en chemin vers l’église. Quoique la description de Celaya se focalise sur des images mexicaines, il convient de noter que son évocation de la couleur « jaune taxi » ou sa confusion à savoir si les couronnes de fleurs sont pour un anniversaire ou un enterrement dénotent le regard américain de la narratrice, car les taxis mexicains sont traditionnellement verts et les couronnes de fleurs destinées aux funérailles. Ainsi, le lecteur suit le voyage d’un sujet qui entre dans un habiter étranger.

L’étrangeté avec le Mexique augmente lorsque Celaya arrive chez ses grands-parents. Ce lieu est décrit pourtant avec très peu de détails physiques. Dans ce premier voyage nous ne parvenons qu’à savoir que la maison de la rue de la Destinée possède des grilles en fer vertes, une grande salle à manger dont le plafond s’écroulera aux pages suivantes et une salle de bain rose. Cette description s’enrichit légèrement lors d’un voyage qu’elle fait, une fois adulte, où elle mentionne la nouvelle couleur de la maison qu’elle trouve désormais laide et éloignée de ses souvenirs d’enfance. Malgré l’absence d’une description physique détaillée, quelques objets intimes sont abordés comme des disques de musique mexicaine de sa cousine, des oreillers brodés avec des adages mexicains, et surtout les objets gardés dans la chambre des grands-parents. Ce lieu interdit livre à Celaya des images qui rendent compte d’un habiter aussi fascinant que les paysages mexicains :

Tout l’immobilier de la chambre est sombre et lugubre. Sur la haute coiffeuse un Santo Niño de Atocha me dévisage, ses yeux angoissants me suivant dans mes déplacements. Ne touche pas, semble-t-il me dire. Sous une cloche en verre, une jolie pendule dorée avec des roses tictaquant. Au-dessus du lit, une croix du dimanche des Rameaux, la Virgen de Guadalupe, et un rosaire sur le mur. Des napperons au crochet partout, même sur le gros poste de télévision aux portes de placard. Une boîte à musique qui joue une valse triste36

La personnification des objets décorant cette chambre propose ainsi une description de la maison de la rue de la Destinée qui évoque les traditions et les rituels religieux de la famille. Cette description s’approfondit également quand le grand-père montre à Celaya les objets cachés dans l’armoire qui comprennent un mouchoir de son arrière-grand-mère, une photographie de son grand-père jeune et le châle mexicain, le rebozo37
 de couleur caramel de sa grand-mère, qui remonte à la Révolution mexicaine (1910-1920). En dépit de leur caractère mondain, tous ces objets portent une signification nouvelle pour Celaya car son appartement à Chicago se caractérisait notamment pour le manque d’objets personnels. Sa maison américaine était meublée avec « une collection dépareillée de meubles empruntés38
 » provenant de l’atelier de son père tapissier qui les gardait de ses réparations. La maison de la rue de la Destinée expose un nouveau type d’habiter où les objets se rapportent à une histoire familiale et sont porteurs de caractéristiques symboliques. La maison est submergée par ces objets qui appartiennent à une longue lignée de générations de Reyes.

En plus de ces objets chargés de mémoire, la maison mexicaine abrite aussi un éventail d’espaces riches en actes culturels. L’une des premières descriptions nous révèle, par exemple, que la maison sent une odeur de viande grillée. Celaya se focalise ainsi à percevoir l’habiter à travers ses activités, ses personnages et ses histoires imbriquées comme on peut l’apprécier dans une description de sieste :

C’est l’heure de la sieste. La maison est enfin tranquille. Tous les appartements sont calmes, devant et derrière, en haut et en bas, même la cour. Le monde fait la sieste. Dès qu’Oralia a débarrassé la table du déjeuner, la Grand-Mère se retire dans sa chambre. Porte fermée, clé clic-cliquant deux fois derrière elle. Tout le monde sait qu’il vaut mieux ne pas frapper à cette porte39
.

Personnifiée, la maison devient donc un espace de performances où l’on apprend les rituels familiers qui se déroulent en son sein. Des descriptions comme celle-ci abondent, comme par exemple dans les courtes nouvelles où Celaya raconte les traditions de surnoms mexicains, les jeux d’enfants mexicains, les chansons et activités de l’anniversaire de son père ou quand son grand-père lui apprend une légende aztèque. Tous ces riches passages procurent à Celaya de nouvelles formes d’agir dans un lieu et nous suggèrent donc que la description de la maison de Mexico privilégie le concept de la maison en tant qu’espace, un home, qui ne se focalise pas sur la construction physique de la demeure mais sur ce qu’elle incorpore dans son usage, comme l’avoue la narratrice dans une courte réflexion en arrivant à Mexico : « Chaque année quand je traverse la frontière, c’est pareil – mon esprit oublie. Mais mon corps se souvient toujours40
 ».

La maison de la rue El Dorado et les lieux mexico-américains

En contraste avec la description de la rue de la Destinée, le portrait de la maison de la rue El Dorado, la première maison que ses parents achètent à San Antonio, se caractérise par une quête incessante pour établir une identité de lieu qui intègre les traditions du Mexique dans le quotidien américain. Telle quête, sans doute rappelant le mythe de l’El Dorado introuvable, reste difficile à mettre en œuvre à cause de la distance géographique et culturelle entre ces deux civilisations, comme le  montre l’une des premières descriptions de Celaya :

Dans notre maison, aucune flamme de cierge votif ne tremblote jour et nuit sur les commodes des chambres. Ni statue potelée de l’Enfant Jésus habillé en Santo Niño de Atocha, ni talismans, ni sandales usées à force de courir la nuit pour répondre à des prières n’ont jamais eu leur la place chez nous […] Personne ne murmure de neuvaine et aucun dîner n’exige que nous disions le bénédicité. On ne nous chasse pas la « peur » avec le balai. Personne ne nous guérit du mauvais œil avec un œuf41
.

Ici, l’absence d’artefacts et de rituels communément associés aux syncrétismes religieux mexicains qui enchantent la maison de la rue de la Destinée, souligne le fossé entre la culture mexicaine et sa maison, qui se doit de respecter l’idéologie de sa mère qui « a grandi dans la ferme suspicion de quiconque représentait l’Église, même s’il n’était pas catholique42
 ». Bien que privée d’une culture religieuse, le personnage de Celaya montre ironiquement une vaste familiarité avec des rituels mexicains tels que le recours à un œuf contre le mauvais œil ou le remède pour guérir le mal folklorique hispanique du susto (traduit en français par « la peur »). Or, sa description peut être conçue comme un portrait d’une maison mexicaine démunie de ses symboles et pratiques culturelles tout en suggérant un habiter américain qui part d’un référent mexicain. Dans ce sens, Celaya ressent dans sa maison le sentiment d’unhomeliness car elle trouve sa maison américaine fragmentée par la perte d’actes mexicains dans son habiter.

Si la maison familiale manque de symboles religieux mexicains, hormis un portrait de la vierge mexicaine Notre Dame de Guadalupe, imposé par la grand-mère, la narratrice note des efforts pour intégrer le Mexique, comme la présence d’un calendrier mexicain de l’année 1965, déjà passée dans le roman, qui rapproche sa maison d’une maison dite mexicaine :

Sur la porte de la cuisine nous avons gardé un calendrier mexicain de 1965, un tableau qui s’appelle El rapto. Un cheval blanc, un superbe charro, et, dans ses bras conquérants, une beauté pâmée, son rebozo en soie et son corsage découvrant une épaule sexy. Le cheval lève un sabot en l’air, aussi fier qu’une statue en bronze. El rapto43
.

Ce tableau qui dépeint une scène sensuelle dans laquelle un charro – un cavalier mexicain – enlève une belle femme portant un rebozo, ancre donc la maison dans un espace qui renvoie aux images stéréotypées du Mexique. En effet, le tableau El Rapto [l’enlèvement] fait allusion aux tableaux de Jesús Helguera (1910-1970), peintre mexicain devenu célèbre pour son art dans des boîtes de cigares et des calendriers avec des représentations folkloriques et exotiques de la mexicanité44
. Le calendrier, pour Celaya, dépasse son utilité d’origine et sert comme un artefact d’appartenance ethnique qui compense le manque d’icônes religieux mexicains dans la maison. Il est important de noter néanmoins que dans la version anglaise, la narratrice inclut une réflexion sur le titre en espagnol, El Rapto : « Je  me demande si ça veut dire “The rape” [Le viol]. Et je me demande si “rapture” [ravissement] et “rape” [viol] viennent du même mot45
. » Quoique passagère, cette réflexion nous montre que la réaction de Celaya devant ce calendrier, perçu comme un viol et non comme un enlèvement, de façon similaire à celle qu’elle avait ressenti au Mexique devant la couleur jaune ou les couronnes, trahit un regard américain, et suggère ainsi une interprétation qui se détache du sens mexicain.

L’habiter à San Antonio pour Celaya ne consiste donc pas à prendre comme cadre de référence un espace anglo-américain comme dans le cas d’Esperanza à Chicago dans The House on Mango Street, mais plutôt à produire un espace ressemblant à la maison de la rue de la Destinée. Si le calendrier est un effort manqué dans cette quête, dans la description de la façade de la maison, la narratrice nous montre un véritable espace d’hybridation culturelle où le Mexique entre dans la demeure américaine :

Rascuache. C’est le seul terme pour la qualifier. Un bricolage nul à chier. Notre maison est une de ces constructions boiteuses, délabrées, faites au petit bonheur la chance, comme si chaque pièce avait été rajoutée au fur et à mesure que la famille s’agrandissait […]. Du bois de charpente, de barreaux irréguliers, et certaines parties en brique. Une maison comme les fouilles de Mexico. Une véranda au rez-de-chaussée et une à l’étage, avec des rambardes métalliques dépareillées rouillées, des stores en aluminium cabossé, des appuis de fenêtre en fer, les décorations de Noël de l’an dernier – un père Noël et un renne en fil de fer – des plantes en pot avec des éclats de tuile ou de miroir sur les pots, un nicho pour la Virgen de San Juan […] Notre maison semble sortie d’Acapulco, comme celle de Catita, en fait. Lessivée, pourrie, rouillée, tombant en ruine. Naufragés, c’est ça que nous sommes. Un énorme galion fait de bric et de broc échoué sur terre46
.

Bien que Celaya associe sa maison à « un galion fait de bric et de broc » tout en suggérant une migration ratée du Mexique vers les États-Unis, sa description par la notion de « rascuache » renvoie directement à une esthétique mexicaine et mexico-américaine du recyclage et de l’ingéniosité associée aux classes défavorisées. Littéralement « pouilleuse, minable, pauvre, induite par le mot-talisman connoté d'indianité47
 » cette esthétique se caractérise pour son effacement des frontières entre le bricolage, les beaux-arts et l’art folklorique, comme le définit l’historien de l’art mexico-américain, Tomás Ybarra-Faustro (1991) :

Être rascuache, c’est poser une conscience coquine et audacieuse, chercher à renverser et changer les paradigmes dirigeants. C’est une posture pleine d'esprit, irrévérencieuse et impertinente qui recode et dépasse les frontières établies [...] Le rascuachisme est une perspective d’outsider – une vue de los de abajo (les défavorisés), une attitude48
.

Esthétique de restructuration avec des objets familiers, le rascuachisme consiste ici à recoder des objets de diverses origines pour créer une maison qui, malgré son malaise, rappelle à la narratrice une maison mexicaine d’Acapulco. Cet habiter devient donc indirectement un lieu américain qui héberge un espace mexicain, c'est-à-dire un endroit de coexistence et de métissage. Cette conception de l’habiter se trouve également dans l’histoire du rebozo de la grand-mère que Celaya hérite et décide de porter adulte comme un accessoire : « C’est une robe de cocktail, mais je l’ai habillée avec le caramelo rebozo de la Grand-mère. C’est OK, c’était l’idée de la Grand-Mère49
 ». Ce passage qui fait allusion au motif du fantôme de la grand-mère montre d’une autre façon comment la culture mexicaine traverse son quotidien américain. Celaya intègre ainsi de façon rascuache une sélection d’espaces mexicains dans son lieu américain, en renversant par cet acte les paradigmes dominants et totalisants de l’habiter.

Hors du récit, on peut aussi comparer cette esthétique rascuache aux performances linguistiques et textuelles de Sandra Cisneros. Son langage emprunte souvent des expressions du pays de son père, en créant une langue métissée et espiègle qui tisse des liens entre les divers héritages de l’écrivaine. Ce bricolage textuel s’étend également dans le travail paratextuel de Cisneros qui insère dans son roman des extraits de chansons telles que « María Bonita » du compositeur mexicain Agustin Lara qui ouvre le roman, et de nombreuses notes de bas de page qui enrichissent la lecture de son texte. On trouve deux notes qui capturent cette hybridité narrative lors d’un passage où la narratrice mentionne le marché aux puces de la rue Maxwell et où l’écrivaine commente :

* Le Maxwell Street d’origine, un marché aux puces de Chicago pendant plus de cent vingt ans, s’étendait autour de l’intersection de Maxwell et Halsted Streets. C’était un endroit crasseux, merveilleux, plein de gens étonnants, avec de la bonne musique et de marchandises de ne-demandez-pas-d’où. Dévoré par la croissance de l’université de l’Illinois, il a été déplacé, et le nouveau marché de Market Street n’est plus dans l’ombre de sa crasse et de sa splendeur d’antan. Seul Jim’s Original Hot Dogs, fondé en 1939, reste là où il a toujours été, mémorial du passé formidable de Maxwell Street.*

* Hélas ! Tandis que j’étais occupée à écrire ce livre, Jim’s Original Hot Dogs a été avalé par l’université de l’Illinois et l’embourgeoisement voulu par le maire Daley ; parcs tirés au cordeau et maisons proprettes pour les très, très riches, tandis que les pauvres, comme toujours, sont balayés sous le tapis, hors de vue, hors des esprits50
.

En construisant un texte visuellement hétérogène avec plusieurs digressions et des commentaires en notes de bas de page, Caramelo peut donc se concevoir comme un espace textuel similaire à celui qu’essaie de construire Celaya pour son habiter.

Conclusion

Les différentes maisons dans Caramelo suivent le long projet de Sandra Cisneros pour diversifier l’image et la conception de l’habiter dans la littérature américaine. Alors que Bachelard préconisait, dans une Europe de l’après-guerre, que la vie « commence bien, […] enfermée, protégée, toute tiède dans le giron de la maison », celle de Celaya commence dans un appartement pauvre à Chicago, bien éloigné de cette image chaleureuse51
. Loin de son premier univers américain, c’est au Mexique qu’elle trouve alors des espaces qui lui confèrent un sentiment de chez soi et qu’elle essayera ensuite d’intégrer dans sa demeure américaine pour en faire un espace habitable. Cette insistance sur la tension toujours renouvelée entre les maisons du Mexique et celle des États-Unis, témoigne de l’influence de la migration et du voyage dans sa conception de l’habiter.

Par son ouverture aux échanges culturels, aussi bien de ses personnages et de ses espaces vécus que de son texte-même, Caramelo se prête donc admirablement au projet de déconstruction des frontières qui a longtemps défini l’habiter. En affirmant la possibilité d’avoir une maison rascuache, une maison bricolée qui, au lieu de s’enfermer dans une maison d’un autre qui produit un sentiment de non-domicilié, rassemble et exprime les mémoires et les espaces qui nous enchantent, l’analyse de Caramelo invite à décoloniser l’habiter.

Bibliographie

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  • 1Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, Paris, Presses Universitaires de France, 1958, p. 24.
  • 2Sandra Cisneros, The House on Mango Street, Houston, Arte Público Press, 1984 ; pour sa traduction en français, Annie Saumont, La Petite fille de la rue Mango, Paris, Nil Editions, 1996.
  • 3« I realized that I was the only person in the creative writing workshop that didn’t have the same type of memory as Bachelard did regarding houses. This made me realize my class difference, and, subsequently, my gender difference regarding homes ». Maria-Antónia Oliver-Rotger, « An Interview with Sandra Cisneros » dans Voices from the Gaps (2009) [En ligne] https://conservancy.umn.edu/handle/11299/166369 (consulté le 8 octobre 2018).
  • 4Julian Olivares, « Sandra Cisneros’ The House on Mango Street and The Poetics of Space », dans María Herrera-Sobek et Helena-María Villamontes, Chicana Creativity and Criticism : New Frontiers in American Literature, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p. 233.
  • 5« He never stops to ask who owns the house, or who truly holds rule over the nest ; he does not address the issue of who it is that offers stability, security, and protection, and in return for what, nor what happens to the individual in a house that is not a home. » (traduction de l’auteur). Constante González Groba, On their own premises: Southern Women Writers and the Homeplace, Valencia, Publications de la Universitat de València 2008, p. 287-288.
  • 6Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, op. cit., p. 26.
  • 7Les « vignettes », qui sont centrales dans l’œuvre de Cisneros, est le terme général employé par les critiques pour designer des courtes nouvelles qui composent un recueil. Voir Crystel Pinçonnat, Endofiction ou fable de soi. Écriture en héritier de l’immigration, Paris Classiques Garnier, 2016, p. 116.
  • 8Pour la notion de Caramelo comme « texte nomade » voir Ellen McCracken, « Postmodern Ethnicity in Sandra Cisneros’ Caramelo : Hybridity, Spectacle, and Memory in the Nomadic Text. » JAST n° 12, 2000, p. 3.
  • 9Bill Johnson Gonzalez, « The Politics of Translation in Sandra Cisneros’s Caramelo », Differences-a Journal of Feminist Cultural Studies, vol. 17. 2016, p. 9.
  • 10Ellen McCracken, Paratexts and Performance in the Novels of Junot Díaz and Sandra Cisneros, New York, Palgrave Macmillan, 2016.
  • 11Ricardo F. Vivancos Pérez, Radical Chicana Poetics, New York, Palgrave Macmillan, 2013.
  • 12Ibid., p. 151.
  • 13« That's precisely what I chose to write: about third-floor flats, and fear of rats, and drunk husbands sending rocks through windows, anything as far from the poetic as possible. And this is when I discovered the voice I'd been suppressing all along without realizing it. » (traduction de l’auteur). Cité dans Julian Olivares, « Sandra Cisneros’ The House on Mango Street and The Poetics of Space », dans María Herrera-Sobek et Helena-María Villamontes, Chicana Creativity and Criticism : New Frontiers in American Literature, op. cit., p. 233.
  • 14« But the house on Mango Street is not the way they told it at all. It's small and red with tight steps in front and windows so small you'd think they were holding their breath. Bricks are crumbling in places, and the front door is so swollen you have to push hard to get in. There is no front yard, only four little elms the city planted by the curb. Out back is a small garage for the car we don't own yet and a small yard that looks smaller between the two buildings on either side. There are stairs in our house, but they're ordinary hallway stairs, and the house has only one washroom. Everybody has to share a bedroom – Mama and Papa, Carlos and Kiki, me and Nenny. » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, The House on Mango Street, Houston, Arte Público Press, 1984, p. 4.
  • 15Sandra Cisneros, « Do You Know Me ? I Wrote The House on Mango Street » The Americas Review, 1987, n° 15, p. 78.
  • 16« […] Mango Street, sad red house, the house I belong but don’t belong to » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, The House on Mango Street, Houston, Arte Público Press, 1984, p. 108.
  • 17Ada Savin, « Le dialogisme poétique de Sandra Cisneros ». Revue Française d’Études Américaines, vol. 66, 1995, p. 581.
  • 18« When I was a little girl we traveled to Mexico City so much I thought my grandparents’ house on La Fortuna, Number 12, was home. It was the only constant in our nomadic ramblings from one Chicago flat to another. The house on Destiny Street, Number 12, in the colonia Tepeyac, would be perhaps the only home I knew, and that nostalgia for a home would be a theme that would obsess me » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, A House of My Own: Stories from My Life, New York, Afred Knopf, 2015, p. 18.
  • 19Mara Salvucci 2007 « “Like the Strands of a Rebozo”: Sandra Cisneros, Caramelo and Chicano Identity », RSA Journal, vol. 17, 2007, p. 163.
  • 20Ibid., p. 164.
  • 21[À propos de son déménagement au Mexique] « Bueno la verdad porqué me sentí más en mi casa, me sentí más segura, me sentí más felíz y más conectada a mi comunidad… y yo necesitaba eso después de vivir tantos años en los Estados Unidos, dónde siempre me siento como una extranjera… Siempre me he sentido así, aún cuando niña, me sentí un poco incómoda, como si este no era mi hogar… » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, entretien avec Jorge Ramos. « Sandra Cisneros dice que ve a Enrique Peña Nieto como un actor » dans Univisión Noticias [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=r8qELDKV2CM (consulté le 6 octobre 2018).
  • 22Sandra Cisneros, Caramelo, traduction de Rémy Lambrechts, Paris, Plon, 2004, p. 388.
  • 23Thomas Barrie, House and Home: Cultural Contexts, Ontological Roles, New York, Routledge, 2017 p. 19.
  • 24Ibid., p. 21.
  • 25Ibid., p. 25.
  • 26Bill Aschcroft, Post-Colonial Transformation, New York, Routledge, 2001, p. 157.
  • 27« Habitation is a strategy which addresses the problem of the current universality of Western representations of place. It describes a way of being in place, a way of being which itself defines and transforms place. […] This “practice” of inhabiting is in fact a dense fabric of interwoven acts in which the issues of inheritance, ethnic identity, belonging, history, race, land are all intertwined. » (traduction de l’auteur). Ibid., p. 158.
  • 28Michel de Certeau, L'Invention du quotidien, Paris, Gallimard, 1990, p. 173.
  • 29Ibidem.
  • 30Sandra Cisneros, Caramelo, op. cit., p. 388.
  • 31Homi Bhabha « The World and the Home », Social Text, vol. 10, n° 2, 1992. Pour la traduction du terme unhomely, voir Nicole Lapirerre, Pensons ailleurs, Paris, Stock, 2014.
  • 32« In that displacement the border between home and world becomes confused ; and, uncannily, the private and the public become part of each other, forcing upon us a vision that is as divided as it is disorienting » (traduction de l’auteur). Ibid., p. 141.
  • 33Sandra Cisneros, Caramelo, op. cit., p. 387.
  • 34Ibid., p. 24.
  • 35Ibid., p. 31.
  • 36Ibid., p. 55.
  • 37Ibid., p. 108. Le rebozo est un long châle mexicain qui selon la chronologie de la fin du roman, a été mentionné par écrit pour la première fois en 1572 (p. 443). Une note historique dans Caramelo, indique que ce vêtement a émergé durant la période coloniale mexicaine comme réaction à des lois de la couronne espagnole qui interdisaient aux femmes métisses de s’habiller comme des Amérindiennes. Manquant de moyens pour s’acheter des vêtements européens, elles fabriquent des tissus similaires sur les métiers indigènes, créant un châle marqué par le métissage culturel et qui devient un symbole de l’identité métisse mexicaine.
  • 38Ibid., p. 27.
  • 39Ibid., p. 52.
  • 40Ibid., p. 32.
  • 41Ibid., p. 320.
  • 42Ibid., p. 321.
  • 43Ibid., p. 321-322.
  • 44Ellen McCracken, Paratexts and Performance in the Novels of Junot Díaz and Sandra Cisneros, op. cit., p. 105.
  • 45« I wonder if that means “The Rape”. And I wonder if “rapture” and “rape” come from the same word » (traduction de l’auteur). Sandra Cisneros, Caramelo, Or Puro Cuento, New York, Alfred Knopf, 2002, p. 313.
  • 46Sandra Cisneros, Caramelo, op.cit., p. 316.
  • 47Alain Suberchicot La Communauté des poètes aux États-Unis, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1998, p. 71.
  • 48« To be rascuache is to posit a bawdy, spunky consciousness, to seek to subvert and turn ruling paradigms upside down. It is a witty, irreverent, and impertinent posture that recodes and moves outside established boundaries [...] rascuachismo is an underdog perspective –  a view from los de abajo, an attitude » (traduction de l’auteur). « Rasquachismo: A Chicano Sensibility », dans Richard Griswold del Castillo, Teresa McKenna et Yvonne Yarbro-Bejarano (eds.), Chicano Art: Resistance and Affirmation, 1965-1985, Los Angeles, Wight Art Gallery, 1991, p. 155.
  • 49Sandra Cisneros, Caramelo, op. cit., p. 426.
  • 50Ibid., p. 23.
  • 51Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, op. cit., p. 26.

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