La collection « Poétique » : terre d’accueil

Fanny Lorent

02/11/2015

Une manie française

« C’est un peu la manie française du bricolage : nous fabriquons à grands efforts ce qu’il suffirait peut-être d’importer tout-à-fait1
. » En 1966, lors du colloque consacré aux Chemins actuels de la critique, Gérard Genette déplore en ces mots l’ignorance de la part des intellectuels français, de ce qui se passe à l’étranger et en identifie une cause simple : l’incapacité à lire dans une autre langue que la leur. Ignorance qu’il est, il le concède: « le premier à pratiquer car [il est lui-même] presque incapable de lire dans une langue autre que la [sienne]2
. » Le phénomène n’est, en effet, pas à négliger. En 1997, un autre célèbre directeur de collection, Pierre Nora, dans la revue Débat, fait le même constat et regrette que « pour des raisons qu’il serait très intéressant de démêler, un livre qui n’est pas traduit n’existe pas vraiment sur le marché intellectuel français3
 ». En bref, Bourdieu ne s’était donc pas trompé, en 1989, en déclarant, lors de l’inauguration du Frankreich-Zentrum de l’université de Fribourg, qu’au-delà même des spécificités françaises, « la vie intellectuelle est le lieu, comme tous les autres espaces sociaux, de nationalismes et d’impérialismes, et [que] les intellectuels véhiculent […] des préjugés, des stéréotypes, des idées reçues, des représentations très sommaires, très élémentaires4
».

Mais dans ce monde intellectuel guetté d’ethnocentrisme – d’égocentrisme devrait-on dire plutôt – surgissent de temps à autres des passeurs, des « hommes dépaysés », ouverts sur le monde, qui « se reconnaissent dans le pur internationalisme et échappent à la préférence nationale5
». Un des ces hommes, Tzvetan Todorov, rencontra Genette l’année même de son départ de la Bulgarie et de son arrivée en France : dès 1963, dans les couloirs de la Sorbonne, se noue une amitié intellectuelle qui donnera lieu à une collaboration durable. Ainsi, en 1970, après un certain nombre de travaux en commun, ils fondent ensemble, avec Hélène Cixous, la revue et la collection « Poétique », aux Éditions du Seuil. Dès ses premiers titres, la collection accueille un grand nombre de traductions et fait de cette particularité un des fondements de son orientation théorique et son positionnement dans le champ éditorial. Dans le numéro 1 de la revue, l’on peut lire une présentation, qui vaut aussi pour la collection, conçue « dans le même esprit » :

Si l’ouverture théorique implique une rupture décisive avec l’isolationnisme traditionnel de la recherche littéraire en France, elle suppose également une levée des barrières qui divisaient jusqu’ici même cette recherche : aucune pensée de la littérature ne peut s’enfermer dans des limites nationales sans s’exposer aux plus graves erreurs de perspectives6
.

La revue et la collection s’inscrivent ainsi dans les sillons creusés par « des recherches antérieures ou parallèles menées hors de France (Formalisme russe, New-Criticism anglo-saxon, Literarturwissenschaft allemande)7
 » et élisent pour objet principal l’étude de la littérarité, et non plus de la littérature. Ce concept central qu’est la littérarité, dont on connaît bien aujourd’hui le retentissement sur nos études littéraires, est le terme choisi par Todorov pour traduire le mot russe, forgé par Jakobson, literaturnost’. Il apparaît pour la première fois en France en 1965 dans la célèbre anthologie des formalistes russes, qui rassemble des textes traduits et présentés par Todorov, publiée par Philippe Sollers, dans la collection « Tel Quel 8
». Les soubassements conceptuels de « Poétique » reposent ainsi avant tout sur un concept importé et conformément à la déclaration inaugurale de la revue et la collection, celles-ci ne cesseront de s’enrichir de textes et d’idées venus d’ailleurs.

La collection vient tout juste de dépasser, en 2015, les cent titres publiés et compte, à ce jour, 23 ouvrages traduits – auxquels on pourrait ajouter les ouvrages écrits en français par des chercheurs francophones de Suisse (Paul Zumthor, Lucien Dällenbach), de Belgique (Nicolas Ruwet), du Maroc (Abdelfattah Kilito) ou par des Français vivant à l’étranger, tels que Michel Riffaterre. En 2012, Genette confie qu’il aurait aimé que cette activité de traduction ait été plus intense9
et regrette de n’avoir pu publier les œuvres de trois grands auteurs allemands : Auerbach, Curtius et Spitzer. C’est, en effet, les ouvrages anglo-saxons qui sont les plus représentés dans le catalogue de « Poétique » : de 1971 avec Théorie littéraire de Wellek et Warren jusqu’à L’Esprit de l’essai. De Montaigne à Borges de Claire de Obaldia en 2005, treize titres ont été traduits de l’anglais (10 titres américains, 2 canadiens, 1 anglais). Viennent alors les auteurs russes – Propp, Jakobson et Bakhtine – qui se partagent 4 titres, suivis de près par les théoriciens allemands – Jolles, Weinrich et les romantiques de L’Absolu littéraire – et italiens – Fusillo et Del Lungo.

Ce nombre conséquent d’ouvrages étrangers s’inscrit dans un contexte éditorial favorable : les Éditions du Seuil ont depuis longtemps investi le domaine de la traduction, en lançant en 1946 les collections « Le don des langues » et « Cadre Vert10
 », dont les activités ne cessent de croître, et, plus généralement, la fin des années 70 voit la part des ouvrages traduits atteindre les 45 % de la production littéraire en France et le nombre de maisons d’édition spécialisées en littérature étrangère se multiplier11
. Mais la traduction d’ouvrages théoriques, destinés au monde universitaire, pose des problèmes spécifiques et engagent des enjeux importants, tant ils « mobilisent des concepts, des catégories de pensée, des représentations qui n’ont pas forcément d’équivalent dans la langue cible12
». Marc Bloch dit très justement à propos de la discipline historique que « [cette] science ne dispose pas, comme les mathématiques ou la chimie, d’un système de symboles détaché de toute langue nationale. L’historien parle uniquement avec des mots ; donc, avec ceux de son pays13
» – et la remarque vaut, bien sûr, pour les théoriciens de la littérature que « Poétique » publiera. Si les obstacles inhérents à toute entreprise de traduction sont en effet facilement surmontables lorsque les textes relèvent du vocabulaire courant et de l’échange quotidien, ceux-ci ne sont jamais plus sérieux que lorsqu’il s’agit de transposer un concept d’une langue à l’autre et la collection « Poétique », peut-être plus que toute autre, s’avère être un véritable réservoir de concepts issus d’une traduction : au-delà du premier et du plus fameux, la littérarité de Jakobson, citons, entre beaucoup d’autres, la forme (gestalt) de Jolles, la paire fiction/littérature (Dichtung) de Hamburger, le psycho-récit (psycho-narration) de Dorrit Cohn, l’exotopie (vnenakhodimost’) de Bakhtine, etc. Bien qu’ils nous soient aujourd’hui familiers, ces concepts – et les autres que nous évoquerons – ne sont pas nés dans le champ français dans lequel ils circulent désormais librement mais y ont été intégrés. Nous voudrions ainsi, dans cet article, étudier les mécanismes d’importation et d’appropriation des notions étrangères, en centrant notre attention sur la matérialité du transfert : comment la collection « Poétique », lieu d’accueil des concepts migrants, œuvre-t-elle à l’intégration d’idées détachées de leur champ de production ? « Puisque les formes matérielles produisent du sens », comme le dit bien Jean-Yves Mollier, la réédition d’une œuvre dans une nouvelle collection « ne peut être considérée comme une simple opération de rhabillage ou de relance de volumes dont l’apparence ne rejaillirait pas sur le contenu14
».  Il s’agira alors, d’une part, de comprendre comment le label « Poétique15
 » et son projet éditorial concourent à l’assimilation des textes itinérants et offrent une cohérence à l’ensemble de cette nébuleuse théorique importée et, d’autre part, d’examiner, en retour, quels peuvent être les enjeux et les effets de ces importations sur le dispositif éditorial lui-même. Et comme les concepts ne transitent jamais seuls, mais qu’ils sont toujours reçus via un texte qui devient – redevient, dans notre cas – œuvre grâce à un en-dehors, « qui l’entour[e] et le prolong[e], précisément pour le présenter, au sens habituel de ce verbe, mais aussi en sens le plus fort : pour le rendre présent, pour assurer sa présence au monde, sa “réception” et sa consommation, sous la forme aujourd’hui du moins, d’un livre16
 », il nous faudra prendre en compte tout ce qui fait office de zone de transition entre le texte original et le texte traduit, c’est-à-dire entre un lieu d’origine et une destination : couverture, titre, préface, commentaire des traducteurs, note de l’éditeur, quatrième de couverture, etc. Tout ce qui permet de, si l’on utilise le mot de Bourdieu, « une opération de marquage », d’un « produit préalablement “dégriffé”17
» : tout ce qui achève le travail de traduction, tout ce qui oriente un nouveau cadre de réception, tout ce qui participe à une acclimatation. Mais également, tout ce qui contribue à la formation d’une identité éditoriale, tout ce qui favorise la précision d’une ligne théorique, tout ce qui permet la légitimation d’un programme. Nous tâcherons de toujours envisager notre objet selon ce double point de vue : d’une part, la collection et son péritexte éditorial – le « lieu du label18
», tel que le nomme Genette – comme un espace de structuration et d’ancrage des concepts déracinés, et d’autre part, les œuvres traduites comme élément de construction et de l’affirmation de l’identité de « Poétique ».

La collection étant un dispositif éditorial qui prend sens dans la durée – c’est dans son extension, volume après volume, que le projet trouve une cohérence et une légitimation19
– nous respecterons ici la chronologie20
que nous impose notre objet. Chaque ouvrage justifiant le précédent en même temps qu’il prépare l’inscription du suivant, le projet éditorial se consolide au rythme des publications : les enjeux éditoriaux de l’importation des concepts, de même que les modalités de leur intégration dans le champ français, varient selon cette temporalité – notre analyse suivra ainsi la collection « Poétique » dans son déploiement.

1970 – 1980 : des ancêtres illustres

Dès sa création en 1970, la collection « Poétique » vise, avant tout, à fonder une discipline : la poétique moderne. Il arriva, en effet, un moment, dans le parcours de Genette, où « il ne s’agissait plus d’en rester à l’immanence des œuvres, mais au contraire d’en sortir par une exploration vaste à laquelle le terme “critique” ne convenait guère. » Une autre désignation devait être choisie et les termes synonymes « théorie de la littérature » ou « poétique » furent proposés :

Le premier nous venait à la fois du célèbre manuel de Wellek et Warren et de divers textes des formalistes russes, le second, bien sûr, via Valéry, du livre fondateur d’Aristote – et c’est évidemment lui qui allait leur titre commun à la revue et à la collection que nous devions […] vouer à la défense et illustration de cette discipline21
.

La théorie littéraire de Wellek et Warren (1971), Morphologie du conte de Propp (1970)22
, Questions de poétique de Jakobson (1973) et La Poétique d’Aristote (1980)… Autant d’œuvres de pères fondateurs qui seront traduites et publiées par « Poétique » dans les dix premières années de son activité, au même titre que Formes simples de Jolles (1972), Le temps de Weinrich (1973) et que les romantiques allemands rassemblés dans L’Absolu littéraire (1978). Dans les premiers temps de la collection, il importe à ses directeurs de réunir une série d’ouvrages étrangers – véhiculant des concepts aussi fondamentaux que celui qui a déterminé le titre même de la collection et, du même coup, son programme – qui constituent une sorte de généalogie de la discipline qu’ils promeuvent. La publication de ces ouvrages, qui sont déjà des classiques dans leur champ de production, assure une justification au projet de « Poétique » et lui offre une légitimité, dont toute collection débutante a besoin. Mise à part Valéry et Thibaudet23
, il n’y avait pas, dans le champ français, d’illustres ancêtres à exhumer : il fallait briser les frontières et aller chercher ailleurs de quoi combler les lacunes françaises et favoriser l’aggiornamento souhaité par Genette, Todorov et Cixous. Publier des ouvrages déjà anciens, des canons académiques déjà passés par le filtre de l’édition à l’étranger et devenus des incontournables, permet ainsi à la toute récente collection « Poétique » de se doter de précurseurs reconnus et de se situer dans la glorieuse lignée de ceux-ci. Il est ainsi remarquable de constater que ces premiers ouvrages sont, pour la plupart, relativement ou très anciens : sans même évoquer Aristote24
, soulignons que Propp est réédité 42 ans après sa première version, de même que l’ouvrage de Jolles ; le Wallek et Warren est lui publié avec 29 ans d’écart par rapport à sa publication américaine, tandis que le plus ancien texte figurant dans le recueil de Jakobson a été écrit 54 ans avant son entrée dans « Poétique ». C’est le livre de Weinrich qui connaît le plus petit « délai de traduction » : neuf ans. Il importait, en effet, pour que la collection bénéficie de tous les gains de ces transferts culturels, que ces ouvrages aient déjà acquis un capital symbolique important et que leur processus de consécration ait abouti. Cette série d’aïeux, ces « pré-structuralistes », tous rassemblés sous la même couverture sobre25
de « Poétique », se voient en quelque sorte sacrés poéticiens du même coup qu’ils contribuent à construire la discipline poétique. Comment ces précurseurs étrangers sont-ils alors présentés au public français ? Leurs œuvres conditionnent-elles des modalités d’appropriation singulières ? Comment le péritexte éditorial de ces traductions va-t-il prendre en charge « les profits d’appropriation26
 » que nous venons de décrire ? Et surtout : comment les principaux concepts importés de la sorte dans « Poétique » vont-ils participer à la construction d’une nouvelle discipline poétique ?

Le trait commun de la « mise en œuvre » de ces premières traductions tient dans la relative discrétion de leur péritexte : ici, point de préface apologétique, point d’élogieux extrait de presse, point de notice biographique dithyrambique. Dans la plupart des cas, le péritexte original de l’ouvrage est conservé sans ajout, ou simplement précédé d’une « note de l’éditeur » ou d’un « avertissement ». Cette présentation obéit, en partie, à un phénomène bien décrit dans Traduire la littérature et les sciences humaines : « Les ouvrages de fonds, les classiques qui sont destinés en priorité aux étudiants par le système de la prescription n’ont pas besoin du “marquage” [de la préface] ou même de l’intervention des médias : “le terrain de réception est déjà installé”27
. » La posture du lecteur français face à ces œuvres canoniques est, en effet, déjà celle de la postérité : le Wellek et Warren, « ce livre [qui] est dans presque tous les pays l’ouvrage de base et la référence indispensable pour tous ceux, universitaires ou non, qui abordent l’étude de la littérature en tant que telle » (page 4 de couverture), on ne le présente plus ! Le cas n’apparait, bien sûr, pas toujours aussi franchement : les formalistes russes, dont Propp, ont été bridés dans les années 30 par le régime soviétique et n’ont pas bénéficié aussi aisément de cette reconnaissance internationale – et le champ français s’avère particulièrement en retard ; la première traduction anglaise de Morphologie du conte datant de 1958, ce que ne manque pas de souligner la note de l’éditeur, justifiant de facto la nécessité de la version française28
. Mais les ouvrages de Propp et de Jakobson, ainsi que les célèbres concepts qu’ils introduisirent en France et en francophonie – à commencer par la notion même de morphologie, sur laquelle Propp revient lui-même dans la préface originale de son œuvre29
 –, bénéficient d’une sorte de  pré-marquage : la pensée formaliste venue de Russie est, depuis quelques années, en train de se répandre dans les milieux intellectuels parisiens, grâce à, entres autres personnes, Todorov et son ami Nicolas Ruwet. La publication de Morphologie du conte en 1970 est ainsi suivie d’un article de Propp déjà paru dans Théorie de la littérature en 1965 – Transformacii Volshebnykh skazok – et les théories de Jakobson, dix avant Questions de poétique, et deux ans avant l’anthologie de Todorov, avaient déjà été introduites en France grâce à la traduction, par Ruwet, en 1963 aux Éditions de Minuit, de ses Essais de linguistique générale. Le terrain français était déjà donc préparé à la réception de ces ouvrages russes – réception déjà fortement orientée par Todorov, dès la présentation de Théorie de la littérature :

La doctrine formaliste russe est à l’origine de la linguistique structurale, tout au moins du courant représenté par le Cercle linguistique de Prague. […] Ainsi, les idées des formalistes sont présentes dans la pensée scientifique actuelle ; leurs textes, par contre, ne purent franchir les multiples frontières apparues depuis30
.

L’entreprise généalogique est ainsi lancée et la publication de Propp dans « Poétique » rejoint ce dessein, grâce à une stratégie semblable : « Parue en 1928, la Morphologie du conte est à l’analyse structurale du récit ce que le Cours de Saussure est à la linguistique : une source d’inspiration », lit-on sur la page 4 de couverture. Le même phénomène est observable en ce qui concerne Jakobson : les éléments de marquage renvoient à ce que le public est déjà susceptible de connaître du théoricien russe, c’est-à-dire son œuvre de linguiste. Ainsi, on lit sur la page 4 de couverture de Questions de poétique : « Linguiste et poéticien, Roman Jakobson a su […] féconder l’un et l’autre domaine : ouvrant les yeux des linguistes aux faits poétiques, considérés longtemps comme marginaux ; et prouvant aux « littéraires » que la poésie est bien, avant tout, œuvre de langage. » La revue Poétique a d’ailleurs, elle aussi, contribué à pré-marquer l’ouvrage de la collection. En 1971, le numéro 7 est consacré à Jakobson et Todorov rédige une introduction, qui aurait très bien pu figurer au début de Questions de poétique : celui-ci présente celui-là comme « un des plus grands théoriciens de la littérature » et part du constat qu’ « on connaît bien, en France et ailleurs, l’œuvre de Jakobson linguiste. Par comparaison, ses écrits de poétique semblent occuper une position marginale » – écrits qui sont, hélas, « dispersés dans une dizaine de langues, publiés dans des revues ou des “mélanges” souvent introuvables31
». En 1973, le recueil de 29 de ces textes dans la collection répond alors à une lacune que la revue avait déjà pointée, et vient achever un travail dont le chantier a été ouvert deux ans auparavant : le rassemblement de ces écrits sous la couverture de « Poétique » et sous ce titre unificateur – qui lie efficacement le recueil au projet éditorial ; les deux se soutenant alors mutuellement – s’avère dès lors un marquage suffisant, et très cohérent. Ces différentes opérations de pré-marquage – ces différents ancrages intertexuels – garantissent la bonne réception des ces auteurs russes, et le succès de l’importation de la panoplie de concepts qu’ils ont forgés – de l’ « atome narratif » de Propp à la fameuse « fonction poétique » de Jakobson – tout en dispensant la collection d’un appareillage péritextuel trop lourd : suffisent alors une brève note de l’éditeur, ou un avertissement32
, pour fournir des indications très pragmatiques concernant l’organisation de l’ouvrage – il faut noter que l’avertissement qui précède Questions de poétique est signé par Todorov, dont le seul nom agit comme un véritable catalyseur de capital symbolique, étant donné le rôle d’introducteur de la pensée russe qu’il joue depuis 1965 et l’autorité qu’il a acquise dans ce domaine.

Si l’importation de concepts formalistes vient donc rattraper un retard flagrant de la pensée française, il en va de même pour la publication de La théorie littéraire : « La traduction française du livre classique de Réné Wellek et Austin Warren, Theory of literature, vient combler une lacune évidente », lit-on sur la page 4 de couverture. Il s’agit, en quelque sorte, d’autoriser la traduction en mettant l’accent sur l’originalité de l’ouvrage et sur la plus-value que sa publication apportera au champ français : « Premier manuel des études proprement littéraires, le “Wellek et Warren” marquera, en France, une étape dans l’élaboration d’une nouvelle poétique » (page 4 de couverture). Nouvelle discipline que les directeurs de la collection « Poétique » n’ont aucunement besoin ni d’expliciter ni de défendre dans les marges de La théorie littéraire, tant le péritexte original du désormais célèbre manuel a valeur de programme. Dans la première préface auctoriale, datée du 1er mai 1948, les auteurs écrivent :

[…] nous nous sommes efforcés d’unir « poétique » (ou théorie littéraire) et « critique » (ou évaluation de la littérature) d’une part, et d’autre part érudition (ou « recherche ») et histoire littéraire (c’est-à-dire l’aspect « dynamique » de la littérature par rapport à l’aspect « statique » abordé par la théorie et la critique33
.

Vingt-deux ans avant la création de « Poétique », Wellek et Warren énoncent ainsi les principales lignes de force qui vont présider au projet de la collection qui les accueille, en 1971, en version française : rien ne pouvait mieux participer à son acclimatation. La présentation de la revue Poétique y correspond ainsi en tout point :

Revue de théorie et d’analyse littéraires, elle ne prétend ni contester ni supplanter les publications traditionnellement vouée à l’histoire littéraire et à l’érudition : elle se veut essentiellement un lieu d’étude de la littérature en tant que telle […], et donc un lieu d’échange et de fécondation entre la théorie littéraire et ce que l’on nomme encore […] la « critique »34
.

Les similitudes sont telles qu’il est possible de voir dans cette préface de 1948, que les éditeurs décident de conserver sans ajout, une sorte de déclaration d’intention oblique, médiée, qui vaudrait alors pour la collection. Et la tactique éditoriale visant à se doter de glorieux ancêtres pour légitimer un projet en cours de construction se voit en quelque sorte doublée, mise en abyme dans La théorie littéraire elle-même :

Le livre que nous avons écrit n’a pas, à notre connaissance, de véritable équivalent. […]. Il ne refuserait pas la filiation qui le relie aux ouvrages de poétique et de rhétorique (depuis Aristote jusqu’à Blair, Campbell et Kames), aux traités systématiques sur les belles-lettres et la stylistique, ou aux livres intitulés Principes de critique littéraire. Mais […] le livre se rapprocherait davantage de certains ouvrages allemands ou russes, comme Gehalt und Gestalt de Walzel, Die Wissenschaft von der Dichtung de Julius Petersen, ou de la Théorie de la littérature de Tomachevski35
.

On voit ainsi se dessiner une filiation commune qui rejoint celle que les directeurs de « Poétique » tentent d’élaborer : d’Aristote – dont la Poétique sera traduite en 1980 dans « Poétique » – à Theory of literature de Tomachevski – dont un extrait du livre a d’ailleurs été traduit par Todorov dans son anthologie qu’il choisit significativement de nommer Théorie de la littérature – la lignée tracée par Wellek et Warren aboutit naturellement aux dernières recherches de « Poétique ». Ce qui est alors remarquable pour le propos qui nous occupe, c’est d’observer comment le concept même de Theory of literature36
vient répondre de la qualité de la collection et a valeur d’engagement pour celle-ci. Il y a donc réciprocité dans le processus de marquage de ce manuel américain. D’une part, le seul nom de la collection inscrit l’ouvrage dans un cadre disciplinaire prédéfini et agit comme un véritable vecteur de consécration par le fait même qu’une collection soit à présent entièrement dédiée à la conception des études littéraires que Wellek et Warren ont appelée de leurs vœux des années auparavant. Mais d’autre part, et surtout, l’ouvrage américain vient circonscrire une ligne éditoriale qui correspond au seul élément définitionnel que « Poétique » a livré du projet qui motive sa création : son nom. C’est, en effet, le concept même de poétique que vient accréditer La théorie littéraire : en fixant le cadre conceptuel de « Poétique », l’effet de label dominant circule ainsi du livre à la collection, et non l’inverse. La publication du « Wellek et Warren » agit ainsi comme une sorte de caution, ou plutôt, une garantie de conformité. La réussite du transfert à la collection de ce que l’on pourrait nommer le capital conceptuel de La théorie littéraire dépend alors en grande partie du succès de celui de son capital symbolique : plus le livre est connu et reconnu comme un classique dans son champ de production, plus ses chances d’intégration au champ d’accueil sont élevées. Les divers procédés de présentation du « manuel » épinglés plus haut participent à la nécessaire « classicisation » de celui-ci, mais il faut ajouter à ceux-ci un dernier : le maintien, en plus de la préface originale, des deux autres préfaces ultérieures écrites par les auteurs à l’occasion de la deuxième édition (1955) et à la troisième (1962), qui font état des diverses traductions que l’ouvrage a connues. Comme pour Propp, l’accent est placé sur le nombre élevé d’éditions et de traductions, et la conservation du péritexte qui en témoigne agit comme un gage de qualité et participe à la modélisation de l’œuvre : il est la trace de son parcours vers la consécration – désormais indéniable.

Lorsque les ouvrages traduits ne jouissent ni d’une aura internationale, ni des bénéfices d’un pré-marquage, comme c’est le cas des textes allemands, le péritexte qui les accompagne est plus conséquent, mais il s’agit toujours d’apporter un complétement d’information plus que d’endosser une fonction de recommandation. Dans le cas de Jolles et des auteurs rassemblés dans L’absolu littéraire, il est sans doute apparu nécessaire aux éditeurs d’encourager la bonne réception des textes, en faisant preuve de didactisme : ainsi, une assez longue notice biobibliographique précède Formes simples et introduit aux principaux concepts du livres, à savoir les modes de discours (Aussageweise) – interrogatif, indicatif, impératif, optatif, silence – tandis qu’un volumineux avant-propos s’essaie à présenter le « premier romantisme » allemand (Frühromantik), auquel le recueil de Nancy et Lacoue-Labarthe est entièrement dédié. En ce qui concerne cette anthologie, le discours d’escorte est d’autant plus important qu’il s’agit aussi de justifier le rassemblement même de ces différents textes de l’école d’Iéna, au nom d’un objectif commun :

Il n’y a pas à chercher bien loin les marques de l’héritage […] dont nous parlons : on peut le trouver sur la couverture de ce livre : intituler une collection (et une revue) du terme de poétique, qu’est-ce d’autre que remettre en jeu, par-delà Valéry et quelques autres, le terme et une partie du concept qui résumaient, en 1802, le programme des Leçons sur l’art et la littérature d’August Wilhelm Schlegel – leçons qui ne faisaient elles-mêmes qu’exposer une poétique générale surgie, quelques années plus tôt, dans le cercle d’Iéna. Si la lacune française n’en est que plus étrange, on ne s’étonnera donc pas qu’il paraisse souhaitable de commencer, ici, à la combler37
.

Plus que jamais la superposition conceptuelle entre le nom de la collection et la discipline que viennent illustrer ces ouvrages est ici épinglée – déployant ses effets de légitimation croisés –et si l’on reconnaît là une stratégie bien connue, plus loin, on peut lire que si l’intérêt de cette publication est bel et bien « archéologique », les raisons de présenter ce travail « ont le rapport le plus précis avec nos intérêts et notre situation actuels ». Il importe en effet de ne pas faire subir un « écrasement pur et simple de l’histoire 38
» à la recherche actuelle et bientôt, le temps des publications endoscopiques laissera la place à la pensée en marche : en témoigne, déjà en 1973, la publication du Temps de Weinrich seulement neuf ans après sa première édition de 1964, annonçant dès lors la seconde vague de traduction que connaitra « Poétique ». Weinrich, qui a participé au numéro 1 de la revue Poétique, est un proche collaborateur des directeurs de la collection39
– ce qui explique sans doute le péritexte silencieux de son ouvrage, qui ne peut obéir aux procédés que nous venons de décrire et qui ne peut se soumettre encore à ceux qui présideront à la suite du catalogue : Le temps est en quelque sorte « en avance » sur le rythme de la collection elle-même et s’offre alors muettement aux lecteurs.

Pour conclure cette réflexion sur les ancêtres illustres dont se dote « Poétique », on peut pointer une dernière particularité du péritexte éditorial qui accompagne ces ouvrages fondateurs : aucune mention de la traduction n’est visible sur la couverture ; elle n’apparaît que sur la page de titre – ce qui ne sera plus le cas à partir de Baudelaire et Freud de Léo Bersani, publié en 1981. Ce silence inaugural peut être rapproché de la précaution des notices biographiques présentes sur la page 4 de couverture : si la nationalité de l’auteur est de temps à autre signalée, c’est surtout l’appartenance universitaire qui est soulignée. À l’époque, l’intérêt n’est en effet pas, pour « Poétique », d’insister sur l’étrangeté des idées qu’il importe de s’approprier mais, au contraire, de créer une communauté de chercheurs, une République de la théorie, libérée de toute servitude à l’égard des nationalismes. Il importe aux directeurs de « Poétique » d’inscrire leur collection à la suite d’une série mythique supranationale qui inaugure celle-ci, dans le même temps où elle la certifie : ces ouvrages donnent le coup d’envoi de « Poétique » tout en fixant les contours conceptuels d’une nouvelle poétique, dans lesquels viendront s’inscrire les prochains ouvrages de la collection. Ceci explique alors que Genette et Todorov, qui sont à la fois éditeurs et auteurs, n’investissent, dans les abords de ces livres, que le premier de ses deux rôles – contrairement à la deuxième période que nous allons décrire : la notoriété des ouvrages traduits dispense ceux-ci de recommandation, tandis que la collection a, elle, besoin de l’aval que ces textes lui accorde. Cette série aux marges presque vides inverse alors le mécanisme commun d’accompagnement des œuvres : c’est elle, tout entière, dotée d’une fonction ambassadrice, qui a valeur de préface pour l’ensemble de la collection à venir.

1980 – 1988 : une poétique du dialogue

Après dix ans d’activité, la collection « Poétique » a ainsi publié de nombreuses traductions qui firent date, ainsi que certains ouvrages fondateurs de la théorie française : Figures III de Genette (1972), Le pacte autobiographique de Lejeune (1975), Proust et le monde sensible de Richard (1974), Théories du symbole (1977) de Todorov, pour ne citer qu’eux. Elle a donc accumulé un certain capital symbolique et assis solidement sa position dans le champ de la théorie et de la critique littéraire en France mais l’intérêt de ses directeurs pour les recherches se déroulant extra-muros ne faiblit pas. En huit ans, on compte huit traductions – sur chacune desquelles nous n’aurons pas l’occasion de revenir ici en détail mais dont il importe de cerner l’ancrage éditorial, au regard de la première période circonscrite. Mis à part les Écrits du cercle de Bakhtine, qui viennent en annexe à Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique de Todorov40
(1981) et Russie, Folie, Poésie de Jakobson (1986)41
, recueil de textes choisis et présentés par Todorov également, les textes désormais traduits sont tous relativement récents. Le moins contemporain est Logique des genres littéraires de Hamburger, publié en 1986, c’est-à-dire vingt-neuf ans après sa version allemande, tandis que tous les autres ouvrages sont traduits dans les cinq années qui suivent leur parution originale : deux ans pour Le grand code. La Bible et la littérature de Frye (1984), trois ans pour La transparence intérieure de Dorrit Cohn (1981), quatre ans pour Baudelaire et Freud de Léo Bersani (1981) et cinq ans pour Sémiotique de la poésie de Riffaterre (1983). Le péritexte qui accompagne ces textes présente désormais une assez grande variété de cas : note du traducteur, préface auctoriale, préface allographe, avant-propos de l’auteur, … Ce que l’on remarque ainsi d’entrée de jeu, c’est l’effacement d’un péritexte purement éditorial, du type « note de l’éditeur ». Un autre élément saillant de cette période est constitué par les déclarations des traducteurs, qui témoignent, d’une part, de leur travail souvent difficile, compte tenu de la teneur conceptuelle des ouvrages à traduire ainsi que, d’autre part, de l’aide absolument nécessaire qu’ils ont reçue des auteurs de ceux-ci. Pierre Cadiot, traducteur du livre de Hamburger, déclare ainsi que l’objet de sa note préliminaire « est d’éclairer les principaux choix “traductologiques” qui ont présidé à cette version de Logik der Dichtung » qui, « spécialement dans le cas présent, […] engagent l’interprétation du livre et contribuent donc à éclairer le contenu même de l’ouvrage tel qu’il est présenté au lecteur français42
 », tandis que Jean-Jacques Thomas remercie Michel Riffaterre d’avoir jugé bon de rectifier de temps à autre la traduction française de Semiotics of Poetry. « Lorsque l’auteur fait intervenir des notions complexes ou lorsque l’ouvrage peut faire débat, l’idée de fidélité au texte primordiale43
», c’est pourquoi il s’agit ainsi d’assurer les lecteurs du droit de regard dont l’auteur a bénéficié sur la traduction de son œuvre. Il faut noter également que « Poétique » affiche désormais sans crainte, sur la couverture, la mention de la traduction et le nom du traducteur : à présent lancée, la collection peut enfin bénéficier de l’image « valorisante de médiateur et de passeur entre les langues et les savoirs44
».

Outre cette présence accrue de la figure du traducteur, on remarque également un changement dans les procédés de présentation des œuvres. Genette et Todorov sont tous deux des hommes à triple facette, c’est-à-dire des universitaires « détenteurs d’un monopole de légitimation institutionnelle45
 » qui sont à la fois directeurs de collection et auteurs eux-mêmes. Cette triple casquette leur octroie un « capital réticulaire46
 » considérable qui vient donner raison à Bourdieu lorsque celui-ci déclarait qu’une « bonne part des traductions ne peuvent être comprises que si on les resitue dans le réseau complexe d’échanges internationaux entre détenteurs de positions académiques dominantes47
». Les auteurs publiés dans « Poétique » après 1980 sont, en effet, liés, par des recherches communes, aux directeurs de la collection : « Je dois avouer que Poétique n’était pas seulement une série de publications mais aussi un réseau de relations professionnelles, qui sont vite devenues amicales […]. Ces amitiés débordaient la France48
 », déclare d’ailleurs Todorov à propos de la revue. « Poétique » rassemble ainsi des collaborateurs proches de ses directeurs, dont le travail est en cours et s’alimente aux dernières avancées de la pensée française – autant qu’il la nourrit : en témoigne l’avant-propos de Dorrit Cohn, qui évoque comme point de départ à sa réflexion « ce que T. Todorov appelle les “virtualités du discours littéraire” » : « Munie de ces outils conceptuels fondamentaux, je pouvais alors m’aventurer librement dans l’univers du récit littéraire49
 », poursuit-elle. Cette proximité a ainsi nécessairement modifié les mécanismes d’appropriation des œuvres, de même que la récente reconnaissance dont jouit désormais la collection : puisqu’il ne s’agit plus désormais de légitimer la création d’un projet éditorial mais plutôt de consolider un catalogue, Genette et Todorov – qui ont, à cette date, publié certains de leurs plus célèbres ouvrages et assis ainsi leur autorité – ne sont plus contraints de se retrancher frileusement derrière leur statut d’éditeur et peuvent alors assumer un rôle d’auteur garant, ou plutôt de répondant. C’est ainsi que l’on voit chacun des directeurs signer une préface de leur nom – qui apparaît dès lors sur la couverture : Todorov au Grand code de Frye et Genette à Logique des genres littéraires de Hamburger. Dans les deux cas, comme il s’agit d’auteurs qui ne manquent pas de reconnaissance dans leur champ de production, il n’est pas prioritaire d’adopter à leur égard une posture de soutien. Il importe plutôt d’établir un espace de dialogue entre l’œuvre étrangère et les dernières recherches françaises. Les préfaces que donnent Todorov et Genette se présentent ainsi comme des textes plus critiques que consacrants : la première s’attache à resituer le Grand code dans l’ensemble de l’œuvre de Frye – « le plus influent des critiques littéraires de langue anglaise » (page 4 de couverture) –, tandis que la seconde fait le point sur la réception de l’ouvrage de Hamburger – « l’un des plus célèbres monuments de la poétique moderne50
» – et sur les aspects les plus discutés de celui-ci, dont il importe de conserver la portée polémique, qui donne « à penser furieusement » et « inquièt[e] nos évidences51
». Si les théories de ces auteurs sont ainsi présentées aux lecteurs comme autant d’idées qu’il s’agit de discuter plutôt qu’accepter, il est tout de même nécessaire à la cohérence interne de la collection d’inscrire ces livres dans le cadre conceptuel commun, défini par les ouvrages fondateurs publiés précédemment. Ainsi, Todorov ne manque pas de placer Frye à la suite la dynastie poétique que nous avons décrite plus haut :

Ce faisant, [Frye] renoue (et il le sait) avec la tradition de la poétique, telle qu’elle existe depuis Aristote, mais aussi telle qu’elle a pu être repensée de nos jours. Le rapprochement s’impose ici avec l’évolution des études littéraires en France, même si cette évolution est d’une dizaine d’années postérieure aux premiers écrits importants de Frye et que, par un paradoxe comme on en rencontre souvent, les Français connaissent alors les écrits des Formalistes russes mais non ceux de Frye. […]. On peut donc, […], appeler Frye « structuraliste »52
.

De la même façon, Genette tente d’attribuer des origines poétiques – et « Poétique » –reconnaissables aux thèses aventureuses de Hamburger : « S’il fallait ancrer dans la tradition séculaire de la poétique occidentale une thèse aussi audacieusement novatrice, on pourrait en trouver le point de départ idéal dans une observation de Hegel et dans un geste d’Aristote50
» Ce « cadre commun », comme le dit Todorov, devait ainsi être rappelé avant d’entrer dans un véritable échange avec l’œuvre qu’il s’agit moins, à présent, de « modéliser 53
» que de faire vivre dans l’espace actuel de la recherche. Par exemple, Genette ne cache pas ses dissensions théoriques avec les conceptions narratologiques de Hamburger, dont le postulat de départ est opposé au sien : « Il n’est rien arrivé du tout, il n’y a devant nous ni histoire ni narrateur, rien qu’une  “fonction narrative” », résume-t-il dans sa préface, en distinguant « trois attitudes » possibles devant les arts de la fiction54
. De même, il prend la décision d’éditer La transparence intérieure de Dorrit Cohn, poéticienne dont il ne partage pas entièrement le point de vue – et avec laquelle il débat dans le numéro 61 de la revue en février 198555
. L’ouverture au monde de « Poétique » ne se limite ainsi pas à dépasser les frontières linguistiques : la collection accueille aussi des idées hétérogènes qui viennent agiter les acquis de la théorie française. Mais, comme le dit Todorov à propos des écarts théoriques de Frye par rapport à la tradition française, ces « différences [sont] bien entendu considérables, mais [ne] permettent pas moins la cohabitation dans un cadre conceptuel unique […] qu’il est possible de vivre dans la complémentarité plutôt que dans la contradiction56
».

Les contours conceptuels de « Poétique » ayant été définis dans la première décennie de son activité, la collection offre désormais à ces ouvrages étrangers un espace d’échanges hors-frontières où les recherches s’avivent mutuellement, sans nécessité d’adhésion. La stratégie d’intégration des nouveaux concepts à un cadre existant fonctionne alors grâce à une dynamique d’assimilation et de différenciation, qui garantit à la fois la stabilisation et l’enrichissement du catalogue de « Poétique ». Le marquage de ces ouvrages peut alors désormais être pris en charge par les directeurs de collection, en leur qualité d’auteurs et d’animateurs privilégiés de la recherche théorique française. Genette et Todorov jouissent désormais, en effet, d’une reconnaissance telle que leur nom sur la couverture de « Poétique » labelise très puissamment l’œuvre. Il y a donc ici comme un redoublement du processus labelisant : les auteurs se voient sacrés poéticiens par leur entrée dans la collection, en même temps que leurs travaux sont consacrés par l’hommage que leur rendent deux des figures de proue de la théorie française. Et en retour, bien sûr, Genette et Todorov continuent de la sorte à asseoir leur propre légitimité dans le champ académique français, et à imposer « Poétique » comme une collection de référence pour la recherche en littérature.

1988 – 2015 : à la conquête de nouveaux continents

Nous sommes ici forcés d’aborder bien plus rapidement cette troisième vague d’importation d’ouvrages étrangers au sein de la collection « Poétique » – qui voit cette activité baisser cruellement, sans doute en raison du lourd coût financier que nécessitent les traductions : neuf titres seulement intègrent la collection en vingt-six ans. Parmi les auteurs traduits, deux sont déjà des « initiés » à « Poétique » et la publication d’un deuxième ouvrage de ceux-ci vient alors poursuivre et achever le travail entamé quelques années auparavant : La parole souveraine, tome II de La littérature et la Bible de Frye est publié en 1994 tandis qu’en 2001 « Poétique » accueille Le propre de la fiction de Dorrit Cohn. Mais ce qui fait la particularité de cette troisième période est moins une fidélité aux recherches antérieures qu’une échappée vers des nouveaux domaines. D’une part, la collection s’écarte de la tradition théorique, qui donne une primauté considérable aux auteurs anglo-saxons57
, russes et allemands, et publie deux ouvrages traduits de l’italien : La naissance du roman de Fusillo (1991) et L’incipit romanesque d’Andréa Del Lungo (2003). Et d’autre part – et c’est le fait le plus marquant – « Poétique » s’engage dans des chemins de traverse, qui s’éloignent de la doxa poétique, en publiant quatre ouvrages du philosophe Arthur Danto, célèbre représentant de l’esthétique analytique américaine : La transfiguration du banal. Une philosophie de l’art (1989), L’Assujettissement philosophique de l’art (1993), Après la fin de l’art (1996), La Madone du futur (2003). Ces traductions, qui sont le fait unique de Genette – Todorov ayant quitté la collection en 1987 –, sont autant de moyens particulièrement efficaces pour conquérir de nouveaux territoires : la traduction peut ainsi être l’occasion de « planter un drapeau », et d’infléchir une ligne éditoriale. Jean-Marie Schaeffer – qui a publié, dans « Poétique », L’image précaire. Du dispositif photographique en 1987 – prend alors en charge l’introduction de Danto dans le champ français : c’est à lui que revient, dans une préface à La transfiguration du banal, – ce livre salué « comme une contribution majeure à la théorie contemporaine de l’art58
 » –, la charge de présenter les différents concepts de Danto, dont, notamment, la très américaine « expérience de pensée» (thought-experiment). Ces notions nouvelles ne subissent pas uniquement, à la différence de celles abordées jusqu’ici, une simple migration géographique mais investissent surtout un cadre disciplinaire différent de celui qui les a vu naître. De la philosophie analytique à « Poétique », ces concepts doublement étrangers doivent être menés à bon port : Schaeffer est alors un médiateur idéal, lui, philosophe de la réception esthétique, et proche collaborateur de « Poétique ». Genette, en effet, ne pouvait endosser le rôle d’introducteur de cette pensée venue d’un ailleurs disciplinaire, tant son nom seul est alors attaché à toute l’entreprise d’élaboration d’une poétique nouvelle : après une longue phase de resserrement disciplinaire, il s’agit d’élargir la réflexion théorique sur la littérature, désormais bien établie, à un nouveau domaine, dans lequel le directeur de collection ne tardera d’ailleurs pas à s’illustrer avec le premier tome de L’œuvre de l’art en 1994. L’heure n’est plus à l’établissement des études poétiques, ni à la consolidation d’un cadre conceptuel commun, mais, au contraire, à l’expansion d’un mode de pensée théorique, dont la transdisciplinarité est sans doute l’accomplissement : de « qu’est-ce que la littérature ? » à « qu’est-ce que l’art ? », le poéticien ne fait que dilater une même façon d’aborder le monde.

Conclusion

Ce parcours dans « Poétique » au rythme de concepts-balises nous permet désormais de tirer des conclusions plus amples sur les modalités du voyage des concepts et sur les procédés d’appropriation de ceux-ci. Choisir de considérer le lieu du transfert – c’est-à-dire à la fois l’œuvre qui véhicule le concept et l’espace éditorial qui accueille cette œuvre – nous a, en effet, aidé à mettre en lumière les enjeux auxquels sont soumises les notions étrangères lorsqu’elles s’intègrent au champ français, ainsi que les orientations de lecture qui en découlent. La réception des concepts venus d’un ailleurs – géographique ou disciplinaire – est ainsi déterminée par l’économie générale du système auquel ils doivent participer. Pour le dire autrement, la forme matérielle et les objectifs propres au dispositif éditorial d’accueil conditionnent un contrat de lecture de ces concepts et organisent leur mise en résonnance. Dans le cas de « Poétique », les modes d’acclimatation des concepts migrants sont, on l’a vu, moins déterminés par le contenu de ceux-ci que par leur place et leur rôle dans la collection : marqués par ce dispositif formel, ils portent inexorablement la trace d’une intention. La collection « Poétique », qui délimite un espace de contrainte, rétrécit alors le spectre de leurs significations possibles, mais garantit leur inscription durable dans le champ – ils sont, dans tous les sens, incarnés –, en même temps que ceux-ci viennent répondre à des exigences variables : qu’il s’agisse de fonder une discipline, d’en explorer toutes les potentialités, ou de l’ouvrir à des horizons nouveaux, l’importation de concepts est une opération à fort rendement symbolique et théorique. Mais c’est également une opération à haut risque, qui nécessite une intelligence conjointe des objectifs de la collection et de l’impact potentiel des concepts intégrés à celle-ci : en bref, on pourrait parler d’une périlleuse entreprise d’ajustement, dont la réussite dépend de l’habilité déployée dans les « zones de transition » sur lesquelles nous avons centré notre analyse. Ces zones frontières – ces douanes ? – assument ici une fonction supplémentaire à celles qu’identifie Genette : transition, entre un dehors et un dedans, transaction, entre les instances de production et le lecteur, certes, mais aussi raccord, entre des significations préalables élaborées dans un espace allogène – et un pré-ancrage dans le champ français si tel est le cas – et les enjeux d’un système formel de contrainte, dont la (ou les) visée(s) sont toujours à la fois urgentes et mouvantes. Et, précisément, dans la collection « Poétique », ces ambitions oscillantes apparaissent alors fondamentalement conceptuelles, dans le sens où les vagues d’importation de concepts étrangers répondent à différentes étapes de la construction même du concept de poétique. La collection ne fournit, au départ, qu’une dénomination à son projet et il importait alors de venir apporter une compréhension à ce nom-concept, qui, dans le champ français, peinait à s’imposer : les illustres ancêtres russes, allemands et américains sont alors venus apporter des éléments définitionnels à une étiquette conceptuelle encore vide et illustrer son utilité théorique grâce à la galaxie d’autres concepts que l’on pouvait placer à sa suite – ou plutôt, ancrer au sein du cadre épistémologique ainsi fixé. Et pour finir, il n’y a pas concept, sans extension de ce concept : il fallait alors faire état des différents cas empiriques qui venaient, d’une façon ou d’une autre, explorer le supraconcept de poétique, et enrichir le bagage notionnel du poéticien. Rien ne pouvait alors mieux rendre compte de l’expansion ce champ d’application que l’intégration à « Poétique » des recherches poétiques en cours au-delà de toutes frontières nationales. La troisième période que nous avons décrite vient alors ébranler la restriction disciplinaire de ce champ, en y intégrant des concepts philosophiques mais il nous semble que l’on peut voir dans ce phénomène, non pas un étirement conceptuel qui démontrerait la fragilité de la poétique, mais, au contraire, une preuve de la productivité d’un concept synoptique, qui permet de jeter des ponts vers d’autres domaines de la pensée59
.

Nous conclurons comme nous avons débuté, sur les mots de Genette : bien des années après Les chemins actuels de la critique, il déclare, à New-York, que : « l’un des charmes de la vie intellectuelle française consiste à découvrir fort après coup certaines contributions étrangères, et d’en faire un profit, et surtout un état, d’autant plus grands qu’il nous aura fallu plus de temps pour nous en aviser 60
.» Il semblerait donc bien que la manie soit devenue charme…

Notes et références

  • 1Gérard Genette, « Raisons de la critique pure », dans Georges Poulet [dir.], Les chemins actuels de la critique, Paris, Plon, 1967, p. 258.
  • 2Ibidem.
  • 3Pierre Nora, « Traduire : nécessités et difficultés », Le Débat, n°93 (janvier/février, 1997), p. 95.
  • 4Pierre Bourdieu, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 145, décembre, 2002, p. 3.
  • 5Tzvetan Todorov, Devoirs et Délices : une vie de passeur (entretiens avec Catherine Portevin), Paris, Seuil, 2002, p. 172.
  • 6[Anonyme], « Présentation », Poétique, n°1 (mars, 1970), p. 2.
  • 7Ibid., p. 1.
  • 8Pour plus d’informations à propos de Théorie de la littérature, nous renvoyons à l’article de Frédérique Matonti, « Entre Moscou et Prague : les premières réceptions des formalistes russes par les intellectuels communistes français (1967-1971) », Langages, n°182 (2011), p. 69-81.
  • 9Dans les archives des Éditions du Seuil, on trouve des traces d’autres projets de traduction, dont The Singer of Tales de Albert B. Lord et The Structure of Complex Words de William Empson.
  • 10Nous renvoyons ici à l’article d’Hervé Serry, « Constituer un catalogue littéraire : la place des traductions dans l’histoire des Éditions du Seuil », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 144, septembre, 2002, p. 70-79.
  • 11Gisèle Sapiro [dir.], Traduire la littérature et les sciences humaines : conditions et obstacles, Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, 2012, p. 208.
  • 12Ibid., p. 256.
  • 13Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 2002, p.138.
  • 14Jean-Yves Mollier, « Préface », dans Christine Rivalan Guéco et Miriam Nicoli [dir.], La collection : essor et affirmation d’un objet éditorial, Rennes, Presses Universitaire de Rennes, coll. « Interférences », 2014, p. 8.
  • 15Genette souligne dans Seuils que la collection « n’est sans doute elle-même qu’une spécification plus intense, et parfois plus spectaculaire, de la notion de label éditorial », Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1987, p. 27.
  • 16Ibid., p. 7.
  • 17Pierre Bourdieu, op.cit., p. 4.
  • 18Gérard Genette, Seuils, op.cit., p. 28.
  • 19Christine Rivalan Guéco et Miriam Nicoli [dir.], op.cit., p. 217.
  • 20Nous ne pourrons accorder ici la même attention à tous les ouvrages : notre sélection considérera les ouvrages déterminants pour l’évolution de la collection.
  • 21Gérard Genette, Figures IV, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1999, p. 12.
  • 22Pour des raisons de concurrence avec Gallimard, le livre est sorti directement en « Points Essais » mais fait officiellement partie du catalogue de « Poétique ».
  • 23C’est du moins de ceux-ci que Genette se réclame dans « Raisons de la critique pure », repris dans Figures II, paru dans la collection « Tel Quel » en 1969.
  • 24Les mécanismes de présentation et d’appropriation de l’œuvre d’Aristote étant bien différents de ceux d’autres ouvrages importés, nous n’aborderons pas l’ouvrage en détail dans cette étude.
  • 25Sur un fond beige, un jeu de couleur associe, d’une part, en rouge, le nom de l’auteur et les Éditions du Seuil, et d’autre part, en noir, le titre de l’œuvre et le nom de la collection.
  • 26Pierre Bourdieu, op.cit., p. 5.
  • 27Gisèle Sapiro [dir.], op.cit., p. 267.
  • 28Version française dont il importe alors de souligner l’originalité : « La présente traduction suit la deuxième édition russe de livre de Vladimir Propp […], à la différence des traductions antérieures – en anglais (1958, 1968) et en italien (1966) – qui ne pouvaient se fonder que sur la première édition (Leningrad, Akademia, 1928) », Vladimir Propp, Morphologie du conte, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1970, p. 4.
  • 29« Le mot de morphologie signifie l’étude des formes. En botanique, la morphologie comprend l’étude des parties constitutives d’une plante, de leur rapport les unes aux autres et à l’ensemble; autrement dit, l’étude de la structure d’une plante. Personne n’a pensé à la possibilité de la notion et du terme de morphologie du conte », Vladimir Propp, op.cit., p. 6.
  • 30Tzvetan Todorov [trad.], Théorie de la littérature, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », 1965, p. 15.
  • 31Tzvetan Todorov, « Roman Jakobson poéticien », Poétique, n°7 (septembre, 1971), p. 275.
  • 32On peut signaler la présence d’un « post-scriptum » de Jakobson à la fin de son ouvrage – seul texte inédit du recueil – qui fait en quelque sorte le bilan des études que le lecteur vient de lire et qui prolonge la réflexion. De même que dans l’article de Mélétinski, qui suit Morphologie du conte et fait le point sur l’accueil qu’a connu l’ouvrage depuis sa première publication, une fonction informative domine cet appendice de Jakobson – qui s’intègre à l’œuvre et participe à la construction globale de son sens.
  • 33René Wellek et Austin Warren, La théorie littéraire, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1971, p. 7.
  • 34[Anonyme], « Présentation », Poétique, op.cit., p. 1.
  • 35René Wellek et Austin Warren, op.cit., p. 7.
  • 36L’ouvrage devait idéalement porter le titre de Théorie de la littérature, et respecter ainsi fidèlement, à la fois le titre original du Wellek et Warren et le concept central qu’il véhiculait, mais l’anthologie de Todorov portant déjà ce nom, les directeurs de « Poétique » ont été contraints, avec beaucoup de regrets, d’adopter le titre La théorie littéraire, qui fait subir une sorte de distorsion fondamentale au projet même qui justifie le manuel.
  • 37Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L’Absolu littéraire, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1978, p. 10. Nous soulignons.
  • 38Ibid, p. 26.
  • 39En 1974, après le départ d’Hélène Cixous, Weinrich intègre le conseil de rédaction de Poétique, qui se veut, à l’image de la revue, international. Il est alors composé de Michel Charles, Paul de Man, Philippe Hamon, Philippe Lacoue-Labarthe, Michel Riffaterre, et d’Hélène Cixous, dont le maintien est surtout symbolique.
  • 40Dans la préface de cet ouvrage, Todorov revient sur les difficultés que rencontrent les traducteurs devant des notions complexes, telles que celles proposées par Bakhtine : « De ce fait, ses concepts essentiels, ceux de discours, d’énoncé, d’hétérologie, d’exotopie et bien d’autres, sont rendus par des “équivalents” déroutants, ou bien disparaissent purement et simplement devant le souci qu’à le traducteur d’éviter les répétitions ou les obscurités », Tzvetan Todorov, Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique, suivi de Écrits du Cercle de Bakhtine, Paris, Seuil, coll. « Poétique », p. 11.
  • 41Entre cette période et la précédente, il y a, bien sûr, des chevauchements et ces deux ouvrages obéissent plutôt à la dynamique qui présida à la première décennie de la collection : même si ces textes vont participer à un renouveau de la théorie et des acquis formalistes, il s’agit tout de même d’étoffer un arbre généalogique, dont les branches multiples pourront correspondre alors aux divers questionnements d’une poétique moderne en construction – et justifier ces retournements.
  • 42Käte Hamburger, Logique des genres littéraires, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1986, p. 17.
  • 43Gisèle Sapiro [dir.], op.cit., p. 257.
  • 44Ibid., p. 276.
  • 45Dès 1968, Genette est maître-assistant suppléant à l’EPHE et, la même année, Todorov entre au CNRS.
  • 46Gisèle Sapiro [dir.], op.cit., p. 258.
  • 47Pierre Bourdieu, op.cit., p. 5.
  • 48Tzvetan Todorov, Devoirs et Délice : une vie de passeur (entretiens avec Catherine Portevin), op.cit., p. 103.
  • 49Dorrit Cohn, La transparence intérieure : mode de représentation de la vie psychique dans le roman, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1981, p. 9.
  • 50
    a
    b
    Käte Hamburger, op.cit., p. 7.
  • 51Ibid., p. 15.
  • 52Northrop Frye, Le Grand Code : la Bible et la littérature, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1984, p. 7-8.
  • 53Il est évident qu’un effet de ce genre subsiste – Logique des genres littéraires est qualifié, par exemple, de livre « incontournable » (page 4 de couverture) – mais, désormais, il n’est plus dominant : chaque œuvre est conçue, non comme un canon inattaquable, mais comme un réservoir d’idées neuves, qui, même si elles répondent à l’ancestrale question « qu’est-ce que la littérature ? », « dérangent bien des certitudes et relancent bien des débats », Käte Hamburger, op.cit., p. 7.
  • 54Ibid., p. 14.
  • 55Dorrit Cohn elle-même fait état de ces divergences, en affirmant que son étude « explore un sujet très particulier et spécifique, auquel la poétique du récit – fût-elle aussi exhaustive et rigoureuse que le “Discours du récit” de Gérard Genette – ne peut normalement accorder qu’une place restreinte », Dorrit Cohn, op.cit., p. 10.
  • 56Northrop Frye, op.cit., p. 8.
  • 57On compte tout de même le livre de Claire de Obaldia, L’esprit de l’essai : de Montaigne à Borges, paru en 2005.
  • 58Arthur Danto, La transfiguration du banal, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1989, p. 7.
  • 59Nous basons ce développement sur les notions dont rend compte l’article d’Hervé Dumez, « Qu’est-ce qu’un concept ? », AEGIS Le Libellio, n°7 (printemps, 2011), p. 67-79.
  • 60Gérard Genette, Figures IV, op.cit., p. 33.

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